Châtaigneraie : un modèle d’agroforesterie germe dans le Cantal
Des éleveurs du Sud-Cantal projettent de rénover et/ou implanter des châtaigniers pour diversifier à terme leur activité et leurs revenus en tirant partie d’un schéma d’agroforesterie.
Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier : une stratégie paysanne quelque peu sacrifiée sur l’autel de la spécialisation, des impératifs économiques et des politiques agricoles européennes. Mais qu’ont décidée de ré-embrasser des éleveurs de bovins au regard des menaces qui planent sur leurs marchés, Ceta et Mercosur en tête. Pas de nouvel atelier animal ni de transformation dans leur projet de diversification, mais la réintroduction d’une culture emblématique de la Châtaigneraie cantalienne : la castahna qui a servi des décennies durant de “pain du pauvre” et qui connaît aujourd’hui un renouveau porté par le plan de relance accompagné par la Région Aura, la com com éponyme(1) et la Chambre d’agriculture.
Investir pour l’avenir
C’est le cas de Benoît Théron, installé depuis janvier dernier, avec son père et son frère à Roannes-Saint-Mary avec un cheptel de 200 mères limousines. “Le but de mon installation, qui s’est faite sans apport foncier, c’était de limiter au maximum les travaux délégués en entreprise”, expose le jeune homme qui a exercé à la chambre d’agriculture de Corrèze puis comme acheteur chez Celia. Et qui s’est pris de passion pour ce petit fruit que son oncle cultive dans le Lot. Son projet : planter d’une part 1 ha de châtaigniers en traditionnel pour commercialiser en frais de gros fruits (sans doute de la bouche de Bétizac) et, en parallèle, 100 arbres conduits en agroforesterie afin d’augmenter le rendement des parcelles implantées. Un investissement pour l’avenir, explique le jeune homme, puisque ces châtaigniers n’entreront en production que dans une dizaine d’années. À ses côtés lors d’une formation sur la plantation et le suivi des châtaigniers organisée la semaine dernière à Saint-Contant par la Chambre d’agriculture (lire par ailleurs), Jacqueline Lacoste. Avec son mari Gilles, elle a pris les devants voilà huit ans, en plantant 80 pieds de variétés locales sous la forme d’alignements d’arbres espacés de quelque
25 mètres. Éleveurs laitiers en bio, ils ont eu à cœur de raviver une tradition locale mais leur choix est aussi aujourd’hui conforté par les vertus de cette agroforesterie : “On a de plus en plus de sécheresses, ces arbres permettent aux vaches d’être à l’ombre.” Mais l’agricultrice prévient : “Les premières années, à la plantation, ça prend du temps, il faut arroser, protéger les plants contre les cervidés, élaguer...”
Pour d’autres, c’est plus un attachement patrimonial et la passion qui les poussent à se lancer, comme Romain Laveissière, qui, avec ses parents éleveurs laitiers à Cassaniouze, a implanté un demi-hectare pour venir en relais des châtaigniers multicentenaires. “On a toujours eu des châtaigniers et déjà fait des greffes à notre petite échelle. Cette plantation reste modeste, sans vocation économique pour l’instant. Déjà, si ça rembourse l’investissement (compter 20 € par arbre), ce sera bien !” , déclare le jeune conseiller dans une coopérative.
Ombre et pièges à carbone
Cheville ouvrière de ce programme de relance à la chambre d’agriculture du Cantal, Laurence Bruel estime qu’il y a clairement un modèle d’agroforesterie à inventer en Châtaigneraie alliant sur une même parcelle pâturage et châtaigniers. “Jusqu’à présent, on était un peu écartelés entre un modèle castanéicole “intensif” type Sud-Ouest et un modèle très traditionnel comme celui pratiqué en Ardèche. Ici, on a essentiellement des éleveurs et il faut vraiment conserver l’utilisation du sol pour les animaux tout en mettant des arbres en production sachant qu’au-delà de l’ombre, d’une pousse d’herbe favorisée sous les arbres, ces derniers sont de sacrés pièges à carbone !”, fait valoir la conseillère.
(1) Com com de Châtaigneraie cantalienne.