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« Ce n’est pas le modèle agricole qui est en crise »

L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, a remporté le premier tour avec 44,1 % des voix, devant Alain Juppé, à 28,6 %. Quelle place tient l’agriculture dans leurs programmes ?

Quelle place accorder à l’agriculture française dans une société urbaine et de plus en plus déconnectée de la production agricole ?
L’agriculture française est éminemment stratégique pour notre nation. On pourrait penser qu’il y a une fracture entre le monde rural et urbain mais les Français, même citadins, savent ce qu’ils doivent aux agriculteurs, car deux millions d’emplois directs sont liés à la production agricole. Mais certains voient dans le cumul des crises que traverse actuellement l’agriculture le signe d’une crise de modèle agricole. L’agriculture française est au cœur de mon programme pour le redressement de la France. Avec les industries agroalimentaires, elle est en année normale de production, le deuxième poste de notre balance commerciale, régulièrement excédentaire de près de 10 milliards d’euros. La France est aussi le premier pays exportateur de semences, ce qui illustre notre excellence scientifique et agronomique. C’est dire l’importance territoriale, sociale, humaine et économique du monde rural pour notre pays.
Quel est votre point de vue ?
L’agriculteur est rompu, par son métier, aux crises et aux aléas mais il faut différencier la nature des crises. Être un excellent chef d’entreprise, un excellent technicien, un très bon stratège n’est pas suffisant pour réussir car l’agriculture est soumise à deux paramètres qui n’ont rien à voir avec l’excellence du chef d’exploitation : la mondialisation des prix, la nature et ses aléas climatiques. Il n’y a pas de crise de modèle. Il faut, par contre, tenir compte de la spécificité du monde agricole. Une disposition fiscale, à effet immédiat, sera mise en place pour permettre aux entreprises agricoles de créer un compte pour aléas climatiques et économiques. Ce compte doit permettre d’avoir en réserve un an de production et rendre les résultats d’exploitation moins sensibles aux aléas. Mais ce n’est pas le modèle agricole qui est en crise, j’en suis convaincu, c’est le modèle français qui se finance en ponctionnant 57 % de la richesse nationale. C’est insupportable pour les Français, insupportable pour les entrepreneurs, insupportable pour les agriculteurs. C’est pour cette raison que je souhaite que la France prélève moins et qu’elle travaille plus.
Vous faites des propositions sur le taux de TVA, l’allégement des normes, pour soutenir la rémunération des producteurs…
Restaurer les marges des entreprises agricoles est une urgence vitale car elles sont exsangues. Il faut agir sur tous les leviers possibles : réduire les charges patronales, pour permettre aux entreprises agricoles de reconstituer leur marge, et salariales, pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés agricoles. Cette baisse des charges sera financée par une augmentation de 2 % de la TVA, appliquée aux produits français comme aux produits d’importation qui participeront également au financement de notre protection sociale. Il faut aussi supprimer toutes les normes ajoutées par la France aux normes européennes. Ne nous imposons pas des normes qui nous font perdre un avantage concurrentiel !

La suite dans le Réveil Lozère, page 10, édition du 24 novembre 2016, numéro 1385.

L'interview d'Alain Juppé est reproduite dans son intégralité.

« Nous devons considérer les exploitations agricoles comme des entreprises à part entière »

Quelle place accorder à l’agriculture dans une société de plus en plus urbaine et
mondialisée ?

L’agriculture n’est pas une activité comme les autres. En plus d’être un atout stratégique ou un secteur économique majeur, elle assure une mission essentielle : celle de l’alimentation. Elle façonne depuis toujours nos paysages et participe à l’équilibre de nos territoires ruraux qui sont aujourd’hui en plein désarroi. Dans ce contexte, il ne fait aucun doute que la place de l’agriculture est très importante. Mais je ne souhaite pas uniquement me contenter de mots ! Je veux traduire cette conviction dans les actes. C’est pour cela que le premier des cahiers programmatiques que j’ai publié traitait de l’agriculture.
Comment peut-on revoir les relations au sein de la chaîne alimentaire pour donner davantage de place aux producteurs ?
Les rapports de force au sein de la chaîne alimentaire sont destructeurs de valeur. La guerre des prix entre les grandes enseignes fragilise l’ensemble de l’édifice. Il faut renforcer significativement le poids des agriculteurs en les encourageant à s’organiser en OP ou en associations d’OP. Il faut aussi établir un nouvel équilibre entre producteurs, transformateurs et grande distribution, en faisant évoluer le droit de la concurrence pour corriger les dérives de la LME. La contractualisation doit être encouragée, pour donner à la négociation interprofessionnelle la même force que les accords de branche dans les entreprises.
Quelle serait votre stratégie de reconquête de parts de marché pour l’agriculture française ?
La reconquête des parts de marché est un sujet de compétitivité. Il s’agit de rattraper notre retard en la matière en réduisant les charges fiscales, sociales et réglementaires qui pèsent sur l’agriculture, et en soutenant l’investissement et l’innovation dans les exploitations. La reconquête des parts de marché passera aussi par la diversification de l’offre. Il nous faut enfin mieux valoriser les productions françaises, en insistant sur l’origine des produits, et en encourageant les efforts liés à la prospection de nouveaux marchés, à la logistique, et au développement de marques solides revendiquant une origine française.
Vous souhaitez réorienter la Pac. Quels types de mécanismes défendez-vous en faveur des agriculteurs ?
La Pac reste essentielle pour l’agriculture européenne. Elle doit avant tout être défendue contre tous ceux qui souhaitent sa disparition. Mais cette défense implique que nous la fassions évoluer. Les instruments d’hier ne peuvent plus être réactivés. La Pac doit protéger les entreprises agricoles contre les risques qui leur sont propres, qu’il s’agisse des risques climatiques et sanitaires ou des fluctuations excessives des marchés. À cet effet, un observatoire européen indépendant des volumes et des prix doit être mis en place. L’Europe doit se doter d’une réglementation encadrant l’intervention financière sur les marchés à terme des produits agricoles. Il faut développer des mécanismes d’assurance permettant d’assurer un revenu minimum en cas d’aléas climatiques ou liés à l’évolution des prix. Ces derniers devront être complétés par des dispositifs de gestion des crises au niveau international, européen et national, mais aussi au niveau des exploitations, en rénovant la fiscalité agricole.
Avez-vous des propositions spécifiques pour les territoires ruraux, souvent relégués
au second plan ?
Nous devons repenser notre politique d’aménagement du territoire pour soutenir les territoires ruraux. Et sortir des slogans simplistes pour analyser les spécificités et les handicaps propres à chaque territoire. En s’appuyant sur les acteurs locaux, je souhaite structurer ma politique autour de quatre axes principaux : une couverture effective de tout le territoire en numérique haut débit et téléphonie mobile ; une politique volontariste de réhabilitation de l'habitat dégradé et de dynamisation des commerces ; un droit à l’expérimentation sur le plan réglementaire ou fiscal et des services publics maintenus.

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