Agrivoltaïsme : une définition réglementaire enfin posée
Pas plus de 40 % des sols couverts et au minimum 90 % de la production agricole préservée : le décrêt définissant l’agrivoltaïsme a été publié au JO.
Pas plus de 40 % des sols couverts et au minimum 90 % de la production agricole préservée : le décrêt définissant l’agrivoltaïsme a été publié au JO.
L’agrivoltaïsme avait besoin d’un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles. Tel est l’objet du décret publié le 9 avril au Journal officiel, a souligné le ministre Marc Fesneau. Le texte vient en application de la loi Aper (accélération de la production d’énergies renouvelables) de mars 2023. Cette dernière version reprend les points clés du projet de décret soumis à consultation jusque mi-janvier. “Une limite de 40 % de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques est posée, pour limiter les risques de baisse des rendements”, souligne le gouvernement.
Priorité agricole
Le décret impose le maintien d’une production agricole “significative”, c’est-à-dire, dans le cas des cultures, “au moins égale à 90 % de celle observée dans une parcelle témoin”, poursuit le communiqué. Ce critère fera l’objet de “contrôles spécifiques” auprès des porteurs de projet, et “les sanctions en cas de non-respect pourront aller jusqu’au démantèlement de l’installation en question avec remise en état de la parcelle”. “En cas de fraude avérée, la suspension ou la résiliation du contrat de rachat de l’électricité pourra aussi être mise en œuvre.”
Le photovoltaïque au sol constitue l’autre volet du décret. Ce type d’installation est prévu dans des espaces clairement définis par les chambres d’agriculture, au travers de documents cadres. Les terrains incultes, non-exploités depuis dix ans ou plus et autres parcelles idoines (friches industrielles, anciennes carrières, plan d’eau, etc.) sont visés.
Un premier bilan du dispositif sera fait dans un an. D’ici là, un arrêté précisera “dans les prochaines semaines” les modalités de contrôle des installations. Reste d’autres aspects à traiter, notamment la question du partage de la valeur engendrée par la production d’énergie, entre le propriétaire foncier, l’agriculteur qui exploite le champ et le porteur de projet agrivoltaïque. De “nouvelles initiatives législatives” sur ce point doivent être présentées à l’été. Une charte de bonnes pratiques est aussi en préparation, avec la filière solaire et le monde agricole, pour favoriser “un développement harmonieux et raisonné” de l’agrivoltaïsme, indique le gouvernement.
Instance de concertation et validation
“Ce texte répond aux questionnements posés depuis plusieurs années maintenant sur la définition de l’agrivoltaïsme et de la potentielle complémentarité entre agriculture et production d’énergie”, se satisfait Joël Piganiol, président de la FDSEA du Cantal, qui reste cependant dans l’attente du déploiement des arrêtés et circulaires d’application de ce décret, notamment pour s’assurer que soient clairement identifiées les instances départementales de débat et validation des potentiels projets d’agrivoltaïsme. “La CDPNAF(1) doit rester le lieu majeur de délivrance des avis conformes”, milite le responsable syndical. Des avis conformes synonymes d’opposabilité aux tiers.
L’enjeu de la répartition de la valeur
Le président de la FDSEA se félicite par ailleurs de l’abaissement à 40 % du taux de couverture des sols pour ces installations : “Cela confère de fait une priorité agricole marquée par rapport aux parcs existants ; n’empêche, il faudra que l’on dispose d’éléments d’évaluation de la production en élevage notamment (pour répondre à l’exigence de maintien d’une production significative, ndlr) avec l’objectif de préserver la production agricole par rapport à l’existant.”
L’enjeu fondamental aux yeux du syndicat réside dans le partage de la valeur générée par ces futures installations potentielles. “Il est prévu de mener un travail de concertation avec les différents interlocuteurs permettant d’arriver à des solutions de répartition de la valeur avec les agriculteurs, voire les collectivités associées. L’objectif étant d’éviter le schéma qui a prévalu lors de la construction des barrages hydroélectriques avec des terrains agricoles spoliés et une valeur économique en grande partie extraite du territoire”, prévient Joël Piganiol, évoquant des pistes déjà identifiées par la profession agricole autour d’apports capitalistiques collectifs.
(1) Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (au sein de laquelle siègent, entre autres, la Chambre d’agriculture et les syndicats agricoles représentatifs).