Agrivoltaïsme et photovoltaïque au sol : Ce que précise le décret du 9 avril et les zones d'ombre qui perdurent
En précisant les règles de déploiement de l’agrivoltaisme et du photovoltaique au sol, le décret publié le 9 avril dernier constitue une avancée globalement au diapason des positions professionnelles. Toutefois, des zones d’ombre loin d’être anecdotiques demeurent.
En précisant les règles de déploiement de l’agrivoltaisme et du photovoltaique au sol, le décret publié le 9 avril dernier constitue une avancée globalement au diapason des positions professionnelles. Toutefois, des zones d’ombre loin d’être anecdotiques demeurent.
Depuis le 9 avril dernier, les services des chambres d’agriculture, en particulier ceux qui planchent sur les sujets énergétiques et fonciers décortiquent point par point les articles du décret sur l’agrivoltaïsme et sur les conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers. Tout un programme qui était attendu de longue date, par les professionnels du monde agricole, chambre d’agriculture en tête. Depuis juin dernier, sept versions du décret ont en effet été soumises aux diverses parties prenantes, c’est dire le niveau de compromis…
Avec ou sans panneaux : quel impact ?
« Au global, le décret traduit les recommandations émises par le réseau en posant notamment le préalable essentiel de la prédominance de la production agricole par rapport à la production énergétique », souligne Marie-Annick Naudin, chef du service juridique à la Chambre d’agriculture de l’Allier, et animatrice foncier à la Chambre Régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. Si le texte précise les pratiques, force est de constater qu’il reste des angles morts. « Sur l’agrivoltaïsme, le décret limite à 40% la couverture de la parcelle. Il est prévu l’implantation de zones témoins à proximité, afin de mesurer l’impact réel dans le temps, sauf si la technologie utilisée a déjà été éprouvée. Sauf qu’à ce stade, nous ignorons ce que recouvre la notion de technologie éprouvée », précise la spécialiste.
Comment vérifiera-t-on la compatibilité entre production nourricière et énergétique ?
Si le décret stipule que l’installation des panneaux ne doit pas conduire à une baisse de plus de 10% du rendement, là encore, toutes les productions ne sont pas logées à la même enseigne, puisque l’élevage n’a pas été intégré. « Les chambres d’agriculture ont fait remonter ce manque, qui, en l’absence d’explication, mériterait d’être comblé à l’avenir ».
Pour toutes les centrales, il est prévu un contrôle avant mise en service puis en cours de vie de l’installation. Cependant, les modalités de suivi, les modalités de comparaisons avec la situation tendancielle locale de production, et les conditions dans lesquelles les sanctions seront prises, dépendent de la nature des parcs et de leur puissance. Tout cela sera fixé définitivement dans un arrêté attendu pour la fin du mois d’avril. « Ce qui laisse encore des doutes quant à une mise en place rapide et efficace des projets agrivoltaïques », soutient Marie-Annick Naudin.
Partage de la valeur : à qui profite le soleil ?
Sept arrêtés ministériels d’application du décret sont toujours en attente, ainsi que les lois et décrets complémentaires. Parmi eux, un texte sera particulièrement scruté : celui sur le partage de la valeur. « La ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Agnès Panner-Runacher a annoncé dernièrement à l’occasion d’un déplacement dans la Drôme que ce sujet ferait l’objet d’une loi en juillet prochain. Par ailleurs, nous attendons aussi un bail à clause agrivoltaïque qui remplirait la question du partage de valeur et qui sécuriserait pleinement dans le temps l’agriculture. Il y a des schémas qui existent mais le bail protège davantage l’exploitant », analyse Marie-Annick Naudin.
Qui va identifier les zones incultes ou non cultivées ?
Sur ce volet, l’expertise des Chambres est clairement reconnue. « Les chambres ont des réseaux de travail mutualisés. Ainsi les chambres du Rhône, de l’Ardèche, de la Loire, des pays de la Loire et de Bretagne ont travaillé sur une méthodologie d’élaboration d’un document cadre afin de de déterminer les zones incultes ou non cultivées depuis 10 ans ou plus », précise la responsable. Ces dispositions permettront de s’assurer qu’un terrain récemment cultivé ne pourra pas être transformé en champ photovoltaïque au sol. « Parfois, un agent qui va identifier les zones non exploitables, avec potentiellement des liens avec la Safer, va aussi travailler sur le potentiel des toitures des bâtiments car il reste encore beaucoup de potentiel, de ce côté-là », ajoute Marie-Annick Naudin. A ce titre, et hors décret, un sujet va vite être au menu : celui de la production d’énergie aujourd’hui sanctuarisée dans le Schéma Régional d'Aménagement de Développement Durable et d'Égalité des Territoires (SRADDET), qu’il faudra probablement rouvrir avec plus de surfaces à préempter…
Le décret a-t-il un effet rétroactif ?
Concrètement, aucune rétroactivité n’est prévue. Sur l’agrivoltaïque, le décret s’appliquera à partir du 9 mai. « Les projets déposés avant seront soumis aux règles antérieures à savoir à un avis simple de la commission départementale pour la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). A partir du 9 mai, cette commission composée de vingt-cinq membres étudiera les dossiers en fonction des nouvelles obligations. Il est prévu la mise en place d’une doctrine locale sous l’égide du préfet », explique la spécialiste. Pour les projets de photovoltaïque au sol, le décret ne s’appliquera que lorsque le document cadre aura été arrêté. Les chambres devront rendre leur copie avant le 9 janvier 2025. Le préfet procédera alors à une concertation qui devra aboutir à une validation du document cadre. « Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les projets de photovoltaïque au sol pourront se monter uniquement sur le périmètre identifié », précise Marie-Annick Naudin.
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