Agriculture : entre embellie et menaces...
En amont de la prochaine session consulaire, ce vendredi 13 mars à Aurillac, le président de la Chambre d'agriculture du Cantal, Patrick Escure, évoque la conjoncture agricole et les préoccupations de la profession.
L’autorisation de mise sur le marché de la bromadiolone vient d’être abrogée par l’Anses, qui ne laisse donc plus que dix mois pour le stockage et l’utilisation des stocks par les professionnels. Qu’est-ce qui, selon vous, a motivé cette décision ?
Patrick Escure, président de la chambre d’agriculture du Cantal : “Comme à chaque fois en France, on veut laver plus blanc que blanc et aller plus vite que les autres. On savait que l’échéance était fixée par l’Union européenne à fin 2021 : là, le délais est réduit jusqu’en décembre 2020. C’est une catastrophe du point de vue de la lutte contre les campagnols terrestres. On ne peut pas demander d’un côté aux agriculteurs de s’organiser pour mettre en place la lutte et, de l’autre, demander à l’entreprise l’arrêt de la fabrication de la seule molécule à ce jour efficace.
On sait tous que la recherche n’est pas prête et qu’il va falloir encore plusieurs mois voire plusieurs années pour avoir un produit efficace à même de remplacer la bromadiolone. C’est d’autant moins acceptable que si on n’est pas encore sur un pic de pullulation, on observe une recrudescence d’activité et déjà beaucoup de dégâts sur certains territoires du Cantal. Il est donc hors de question que les pouvoirs publics demandent l’arrêt de la bromadiolone.”
L’autre menace, à quelques semaines de la sortie des troupeaux, reste le loup...
P. E. : “Oui et je le redis, la présence du loup est incompatible avec le pâturage, quelles que soient les espèces, et encore plus pour les élevages ovins et caprins. En tant qu’éleveur et responsable agricole, cette volonté écologiste de développer le loup est incompréhensible. Ça ne peut pas fonctionner et il faut donner tous les moyens possibles aux agriculteurs de protéger leur troupeau sachant que la meilleure solution, c’est qu’il n’y ait plus de loup !”
Sur le front des prix, la situation semble plus favorable pour les producteurs de lait. Les ÉGA sont en bonne voie ?
P. E. : “La situation est effectivement meilleure qu’elle ne l’a été il y a quelques années, que ce soit sur les AOP ou le lait conventionnel. Malgré tout, lorsqu’on voit le niveau des coûts de production, il faudrait un prix du lait conventionnel autour des 400 €/1 000 l. Et sur les AOP, il faut se fixer l’objectif de 500 €/1 000 l. C’est important qu’on se donne les moyens d’atteindre ces prix-là en progressant sur la qualité de nos fromages AOP mais aussi parce qu’avec les États généraux de l’alimentation (ÉGA), les règles du jeu ont changé. Aujourd’hui, on ne doit plus vendre en dessous des coûts de production et ceux qui sont chargés de vendre notre production ont le devoir de proposer des prix en ce sens.”
Si la filière laitière fait aujourd’hui figure de bon élève, ce n’est pas le cas en viande bovine...
P. E. : “Les entreprises chargées de vendre nos animaux et nos viandes n’ont pas intégré l’évolution de la réglementation au travers des ÉGA. Il faut qu’elles se mettent elles aussi à proposer des prix qui permettent de couvrir les coûts de production des éleveurs, que ce soit pour la viande issue de nos races à viande ou de celles en provenance des races laitières. Tous les opérateurs doivent demander au minimum 4,85 € le kilo carcasse pour nos races à viande. On n’y est pas ! Et que ce soit en broutard ou viande finie, la conjoncture n’explique pas les prix actuels trop bas. S’agissant de la filière porcine, on ne peut en revanche que se féliciter des cours actuels en espérant que cette hausse, liée au marché chinois, soit durable.”
Pac : touche pas à mon budget...
Les discussions ont débuté sur la future Pac, êtes-vous confiant à ce stade ?
P. E. : “Même si ce n’est pas forcément le sujet du moment, il va arriver très vite. Les Anglais sont sortis de l’Union européenne et les chefs d’État ont commencé à discuter du budget de la future Pac. Le point le plus important, c’est que les chefs d’État maintiennent le budget de la Politique agricole commune au niveau où il est aujourd’hui. Pour l’instant, la France tient bon. Les discussions se font aussi sur une Pac encore plus verte, on parle du “green deal”. Ce qui préoccupe les responsables agricoles du Cantal et de toutes les régions de montagne c’est de faire reconnaître notre modèle d’agriculture comme préservant déjà l’environnement. Il serait difficile, voire impossible, de nous demander d’aller encore plus loin dans la protection de l’environnement. Nous avons un modèle déjà exemplaire, qui doit être reconnu dans la future Pac.”