Parole d'agriculteur
Agriculteur et basketteur en fauteuil
Gaëtan Arnaud est agriculteur, producteur de céréales et d’herbe, à Espalem, mais aussi sportif au sein du Club des Aigles du Velay au Puy-en-Velay. Il partage son temps entre son exploitation et le Basket-Fauteuil.
Gaëtan Arnaud est agriculteur, producteur de céréales et d’herbe, à Espalem, mais aussi sportif au sein du Club des Aigles du Velay au Puy-en-Velay. Il partage son temps entre son exploitation et le Basket-Fauteuil.
En 2000, BTA option Commerce et services en poche, Gaëtan Arnaud était sur le point de s’installer en Gaec avec son père alors éleveur de 40 vaches montbéliardes sur une petite surface à Espalem. Mais le sort en a décidé autrement, deux mois avant son installation, un accident prive le jeune homme de l’usage de ses jambes et le contraint à revoir ses projets.
Après sa rééducation, ce sportif -il jouait au rugby à Brioude et dans l’équipe du Lycée de Brioude-Bonnefont- plutôt rebelle, décide alors de s’éloigner géographiquement de sa famille : « tout le monde voulait m’aider, faire à ma place. Non, je ne voulais pas vivre comme ça, je voulais me débrouiller seul, rester indépendant ». Et c’est comme ça qu’il s’installe dans le sud de la France et découvre le Basket-Fauteuil à Perpignan où il restera une petite dizaine d’années. Quand il n’est pas sur le parquet à jouer ou s’entraîner, il va dans les écoles faire découvrir la pratique de l’handisport à travers plusieurs disciplines, le basket bien sûr mais aussi le tennis… Il rejoindra ensuite le club de Toulouse, avec lequel il touchera les sommets « j’ai pu côtoyer les meilleurs joueurs de France et d’Europe ; j’ai beaucoup appris ». En 2008, il veut revenir dans sa région, dans sa famille, et apporter son aide au club de Basket-Fauteuil du Puy-en-Velay, « le premier club qui (m)’avait reçu après mon accident ».
Dernier paysan d’Espalem
Mais Gaëtan, très attaché à la ferme familiale tenue par les Arnaud depuis 100 ans, refuse que tout s’arrête après son père. « Je suis le dernier paysan à Espalem, dans le village d’Espalem » aime-t-il à préciser en clin d’œil à son ami résident à Espalem mais paysan à La Pénide sur la commune et qui n’est autre que Yannick Fialip… Il a donc mûri son projet, avant de faire le pas pour s’installer alors que son père prenait sa retraite. « L’idée de m’installer est revenue quand j’ai rencontré ma femme et qu’on a commencé à parler d’avoir des enfants. Mon père m’a mis de bonnes choses dans la tête et je souhaite transmettre ces valeurs à mes enfants ». Il voulait aussi avoir un métier dont ses enfants pourraient être fiers, « c’est autre chose que de dire papa joue au basket… ».
Il n’y avait déjà plus de vaches sur la ferme en 2013 quand il s’est installé. 38 ha de céréales et 22 ha de prairies naturelles constituent l’assolement de l’exploitation. Les céréales sont stockées puis vendues en hiver, les prairies fanées et le foin est vendu à divers clients aujourd’hui fidèles. Pour son travail au quotidien, Gaëtan n’a pas fait beaucoup d’aménagements spécifiques au regard de son handicap, comme dans sa maison qu’il a aménagée dans l’ancienne étable : « dans ma maison, je n’ai rien voulu adapter ; j’ai juste fait les choses avec bon sens » explique-t-il. «Quand on adapte trop, c’est là qu’on devient handicapé » ajoute-t-il. Son besoin de liberté, son indépendance, il les revendique.
Un bras hydraulique sur le tracteur
Et sur son exploitation, c’est pareil. Seul son tracteur est équipé d’un bras hydraulique avec un siège pour le hisser jusqu’à la cabine où il prend place. Ensuite, toutes les manœuvres se font à la main. Pour atteler son matériel, il se sert de boules d’attelages et de cordelettes qui sont prévues pour cela mais dont la plupart des utilisateurs ne se servent pas parce qu’ils peuvent faire autrement. « Pour atteler les charrues, je peux, mais c’est plus difficile. Alors je me fais aider par ma femme, mon père ou même mes enfants de 6 et 8 ans ». Confort et sécurité sont importants pour lui : « On réfléchit à tout, pour ne pas se faire ch… et pour que rien ne soit dangereux ».
Gaëtan Arnaud a encore des idées plein la tête pour « dynamiser l’exploitation ». Pour lui, il a comme reçu la ferme en héritage. «Elle est de plus en plus viable même si je ne pourrais pas, seul, faire vivre ma famille sur cette structure de 60 ha. Mais je veux encore l’améliorer avec pourquoi pas de l’agri-tourisme ». Et, « si mes enfants ne reprennent pas, j’installerai quelqu’un… je veux que cette exploitation perdure ».
Dans le sport comme dans son métier, Gaëtan prône l’autonomie au service du collectif, et ne recule devant rien. « Je ne veux être un boulet pour personne, je veux être autonome et rendre tout ce qu’on a fait pour moi ». Voilà pourquoi, au club des Aigles du Velay, il est encore joueur dans l’équipe 2, coach de cette équipe (même si une blessure l’oblige en ce moment à rester éloigné des parquets) et dirigeant au côté, entre autres, du président, un autre agriculteur David Chamard.