AG Jeunes agriculteurs : des vaches à la rescousse du climat
Non seulement l'élevage ne consomme pas autant d'eau que beaucoup le prétendre, mais il est aussi utile pour... faire pleuvoir !
L e fameux cycle de l'eau, appris à l'école, est en grande partie faux ! C'est un des enseignements de la table ronde organisée par les Jeunes agriculteurs du Cantal, lors de leur assemblée générale du 31 mars à Montsalvy. Quatre intervenants débattaient sur le thème "les vaches à la rescousse du climat".
En introduction, le référent territorial de Météo-France, David Marchal, plantait le décor : la France a gagné + 1,7°C depuis le début de l'ère préindustrielle ; en 2022, tous les mois ont affiché
des températures supérieures aux moyennes ; record en octobre avec + 4,5°C et, pour la quatrième année consécutive, février affichait des données au-dessus des normales... Le spécialiste parle même d'une "cinquième saison" que les experts nomment le "sur-été", pour lequel 2022 rivalise avec le tristement célèbre 2003. Au-delà de l'évolution des températures, la fréquence des précipitations et la quantité d'eau tombée du ciel inquiètent au plus au point. "L'an dernier a été l'année la plus sèche sur le Cantal", confirme l'ingénieur Météo-France.
La clé : l'évapotranspiration
Et voilà l'heure de revoir sa copie sur le cycle de l'eau, avec l'agronome Konrad Schreiber, un des co-fondateurs de "la Vache heureuse", dont la vocation est l'autonomie en protéines et en énergie des fermes d'élevage, en s'inspirant du fonctionnement de la nature. "Quand on nous apprend que la pluie qui tombe sur les continents est issue de l'évaporation de l'eau des océans, ce n'est vrai que pour 30 %, l'essentiel retombe dans la mer... Le plus gros est issu de l'évapotranspiration des végétaux", lance-t-il. Et de fait, il s'inquiète de la situation des sols français d'une zone au sud de l'axe Niort/Lyon, où, selon lui, l'agriculture a cassé le cycle de l'eau en faisant disparaître l'élevage. Moins de prairies, moins de haies, plus de labours et des sols à nu. "Bio ou pas bio, c'est pareil, on se prive du cycle de l'évaporation d'automne et de printemps, sachant que même les orages suivent un certain type de sol." Il prédit une catastrophe dans le Gers où l'élevage ovin et bovin recule de manière spectaculaire.
Autre idée contre laquelle se bat Konrad Schreiber, la quantité présumée d'eau nécessaire à la production d'un steak. "C'est zéro, puisque tout est recyclé. Dans les urines sur la prairie, en évaporation ou dans la fumière, dans le lait, dans la viande." En gros, rien ne se perd. Sous une condition toutefois, bien savoir gérer son fumier et son lisier. "On a une perte incommensurable de nutriments, essentiellement azote et souffre, dans la gestion et la réglementation délirante autour du stockage et de l'épandage des lisiers et fumiers : il faudrait les conserver avec des bactéries lactiques qui enlèvent les odeurs, stabilisent en azote pour une qualité nutritive des sols et des plantes exceptionnelle. Et tous les épandages se font à l'automne, car au printemps, sur un sol qui sèche, il n'aura aucune efficacité et génèrera, sous l'action du soleil, des gaz à effet de serre." L'idée complète d'autres "recettes", comme la généralisation du pâturage dynamique ou du sursemis pour "produire de plus en plus de végétaux, même quand c'est difficile". D'où la nécessité d'une "bonne gestion de la prairie", insiste Christophe Chabalier de la Chambre d'agriculture. Le technicien illustre son propos par la présentation de l'approche agronomique AP3C (Adaptation des pratiques culturales aux changements climatiques). Il salue aussi le travail des GVA qui réfléchissent collectivement à la problématique. "La nouvelle génération a intégré
l'accompagnement aux changements climatiques. À nous de savoir accueillir ces nouveaux profils", ajoute le président de la FDSEA, Joël Piganiol.
Parole de jeune éleveur
Installé en Gaec à Menet depuis trois ans, Pierre Taguet a livré quelques pistes explorées sur son exploitation. "On essaie de recapter des sources, redisposer des points d'eau pour les animaux, récupérer l'eau pluie tombée sur les toitures des bâtiments...", liste-t-il. Il pratique le pâturage tournant "par petits lots qui tournent vite", procède à des fauches précoces, conserve toutes les haies et, là où il constate des sols qui s'appauvrissent, il (re)amende les terrains pour retrouver une flore diversifiée. Il est également convaincu qu'un faible chargement (une vache pour deux hectares) est la clé de la réussite. Ce n'est pas encore le cas sur son exploitation, mais le Gaec de la Roche blanche a la volonté de tendre vers ce ratio.
Et pour faire le lien avec l'actualité, quid des retenues d'eau ? "Oui, elles ont leur utilité", affirme Konrad Schreiber. "On peut faire pleuvoir en créant une dépression une fois qu'on a fait évaporer de l'eau de l'irrigation, en changeant la température des sols par des cultures immédiatement après récolte." À l'heure de la conclusion, le président des JA du Cantal, Mathieu Théron, convenait que personne n'échappera au changement climatique et que, de fait, tout un chacun sera "obligé d'adapter un peu ou beaucoup ses pratiques".