Volailles de chair : L’interprofession Anvol défend la souveraineté française
Lors de son assemblée générale, l’interprofession Anvol a débattu d’environnement, de décarbonation et de souveraineté alimentaire. Trois défis majeurs imbriqués et à relever d’urgence.
Lors de son assemblée générale, l’interprofession Anvol a débattu d’environnement, de décarbonation et de souveraineté alimentaire. Trois défis majeurs imbriqués et à relever d’urgence.
Les conséquences du réchauffement climatique et les solutions à mettre en œuvre sont à peu près connues, pourtant des réponses concrètes et d’envergure tardent à venir. C’est sur cette thématique que l’interprofession de la volaille de chair avait demandé à Pierre-Marie Aubert d’intervenir le 10 avril pour introduire la table ronde sur les leviers à actionner pour adapter le secteur avicole au réchauffement climatique, pour atténuer ses impacts environnementaux et pour renforcer l’indépendance alimentaire de la France.
Embarquer tout le monde
Son constat de la montagne d’obstacles à franchir pour atténuer le réchauffement climatique et de l’ambition des objectifs chiffrés pourrait paraître décourageant, et finalement paralyser l’action. C’est contre ce sentiment que s’insurge Dylan Chevalier, directeur RSE – responsabilité sociale et environnementale – du groupe LDC. « Commençons par valoriser ce qu’on fait déjà bien, ce qui suppose de quantifier d’où on part. Et ne tombons pas dans l’injonction à faire comme ceci ou comme cela. »
Pour l’illustrer, le responsable RSE parle du CO2 « évité », celui qui n’est pas émis grâce aux économies d’aliment (indices de consommation, origine des matières) et d’énergies (biomasse, chaleur fatale), grâce à des transports optimisés et au recyclage des effluents, etc. C’est déjà le lot quotidien des éleveurs, dont beaucoup sont aussi des cultivateurs, et des entreprises luttant depuis longtemps contre le gaspillage.
« Nous avons une agriculture française qui mérite d’être requalifiée à son juste niveau. Ça nous manque aujourd’hui et il nous faut en parler plus aux politiques et aux consommateurs. » À condition qu’ils y soient sensibles, car « leur priorité est d’abord la santé », confirme Aurélie Ménenteau, responsable qualité des produits frais sous marque de Système U. Sans oublier le prix. Il faudra donc être très convaincants.
Actionner les leviers en synergie
Vincent Blazy, responsable environnement à l’Itavi, rappelle que l’élevage avicole contribue faiblement aux émissions de Gaz à effet de serre (GES), avec 1,4 million de tonnes (0,34 % du total France) émises par leurs consommations énergétiques. Les sources émissives sont connues (gaz, aliment, effluents, transports…) et les leviers d’action identifiés à trois niveaux : les GES qu’on produit soi-même (scope 1) et ceux indirects qu’on « importe », via l’électricité (scope 2) et les intrants achetés (scope 3), comme l’aliment, la litière, les emballages…
Des actions de réduction sont en œuvre à chaque maillon de la filière, comme l’ont indiqué Jérémy Choquet, éleveur de poulet et dinde (chauffage biomasse, photovoltaïque), ainsi que Ludovic Michel, fabricant d’aliment. Attention à ne pas raisonner chacun dans son coin, prévient ce dernier. « Nous pourrions fabriquer de l’aliment non granulé pour économiser de l’énergie, mais cela aurait un impact négatif sur l’indice de consommation. »
« On peut entraîner tout le monde dans la démarche (biodiversité, GES…), si on la partage de l’amont vers l’aval et si on sensibilise », complète Dylan Chevalier. Reste là encore à informer et convaincre le consommateur.
Protéger la volaille produite localement
Ces attentes de réduction des GES cadrent avec la baisse des impacts environnementaux mise en œuvre depuis des années, quoi qu’en disent les antiélevages, lesquels abusent de l’argument environnemental pour freiner les projets de poulaillers.
En produisant localement, ces nouveaux élevages pourraient concourir à maîtriser les GES issus de viandes de volailles importées. Ils contribueraient aussi à rééquilibrer la dépendance alimentaire de la France. C’est cette démarche vertueuse que défend l’interprofession auprès des pouvoirs publics, en mettant en avant les points forts nationaux : la variété du choix pour le consommateur (espèces, gammes), la variété de la qualité (du bio au standard), la garantie de l’origine et la traçabilité.
Ne manque que la quantité, surtout en viande de poulet dont l’importation a augmenté de 33 % en cinq ans. L’Anvol a un plan pour récupérer les parts perdues, à condition que les pouvoirs publics français et européens réagissent politiquement et soutiennent financièrement.
Politiquement, ce sont les révisions des accords commerciaux bilatéraux (moratoires, clauses miroirs, quotas), les pauses sur les normes administratives (IED, transport des animaux, instruction simplifiée des projets), l’obligation de traçabilité complète des produits de volaille. Financièrement, l’Anvol aimerait un renforcement des aides pour l’installation des jeunes et pour la construction. Rien que pour reprendre 10 % de la consommation de poulet importée, il faudrait 500 millions d’euros pour bâtir 400 poulaillers et 2 abattoirs ces cinq prochaines années. « Depuis des années, les filières agroalimentaires ont subi les injonctions contradictoires des pouvoirs publics et des consommateurs, estime Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol. Nous attendons un soutien moral et politique affiché clairement. »
Pas de stratégie gagnant-gagnant
Selon Pierre-Marie Aubert, chercheur à l’Iddri, groupe de réflexion lié à Sciences Po Paris, « il sera difficile de faire l’économie de la sobriété si l’on veut atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre ». En évoquant la « tragédie des communs », son diagnostic est plutôt pessimiste, mais lui se veut réaliste. De quoi s’agit-il ? « Pour parvenir aux bénéfices escomptés, il faudra obtenir la coopération de tous, mais cela aura un coût pour chacun. Alors personne n’a envie d’être le premier à commencer et à payer. » Autrement dit, celui qui fait le premier pas est le seul à perdre tant qu’il n’est pas suivi, ce qui peut le désavantager. C’est peut-être ce qu’a fait l’UE avec son Green Deal.
Pour que les lignes bougent vraiment, Pierre-Marie Aubert insiste sur la nécessité d’un dialogue entre acteurs politiques et économiques, de façon à parvenir à un accord collectif. « Il faut se dire les choses même s’il y a un désaccord profond, car il y aura bien des gagnants et des perdants de l’adaptation, d’autant plus qu’il me paraît difficile de pouvoir tout faire en même temps. »
Les trois objectifs de la Cop 28
Pour respecter l’objectif d’un réchauffement maximal de 1,5 °C en 2 100 par rapport à l’époque préindustrielle, la conférence de Dubaï sur les changements climatiques de 2023 a établi trois objectifs chiffrés :