Polémique autour d’un « méga-poulailler » dans l’Yonne : un reportage de France 2 agite twitter
Un sujet du JT de France 2 sur la polémique autour des « poulaillers géants » en projet dans l’Yonne suscite de nombreuses réactions auprès d’éleveurs et agriculteurs sur les réseaux sociaux.
Un sujet du JT de France 2 sur la polémique autour des « poulaillers géants » en projet dans l’Yonne suscite de nombreuses réactions auprès d’éleveurs et agriculteurs sur les réseaux sociaux.
« Des tonnes de terre retournées par des tractopelles dans un champ de l’Yonne créent de nombreuses polémiques » sur fond de musique angoissante, le ton de la voix off est anxiogène. Le journaliste poursuit : « dans quelques mois dans cette vallée se dressera un immense poulailler capable à lui seul de contenir 40 000 volailles ». Diffusé au journal télévisé de 20h de France 2 le 28 avril dernier, le reportage continue avec l’interview du céréalier Eric Bourdon dont l’exploitation agricole va accueillir un bâtiment de 95 mètres de long pour fournir du poulet standard de 41 jours à l’intégrateur Duc (filiale du néerlandais Plukon). « L’industriel s’est même engagé à payer la moitié des travaux s’élevant à 300 000 euros » souligne le sujet de France 2 qui se poursuit par un micro-trottoir dans les rues de Sergines, commune concernée par le projet.
Les conditions d’élevage et la consommation d’eau pointées du doigt
Les détracteurs du projet s’inquiètent des futures conditions d’élevage des volailles (le reportage n’hésite pas à rediffuser des images tournées par L214 dans un élevage fournissant Duc prises en septembre 2020) et de la problématique de l’eau, le maire de village de Michery s’inquiétant de la consommation de 6000 m3 par an annoncée pour l’élevage.
France 2 conclut son reportage en rappelant que Duc prévoit à terme la construction « de 80 méga-poulaillers » dans une zone de 150 km autour de l’abattoir de Chailley qui va investir pour passer de 227 tonnes de volailles abattues par jour à 400 tonnes.
Un poulailler « géant » vraiment ?
A peine diffusé ce sujet a suscité de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. Plusieurs agriculteurs membres du réseau FranceAgritwittos ont notamment réagi à la tonalité du reportage de France 2.
Le terme de méga-poulailler est relativisé dans nombres de posts d’agriculteurs qui rappelle la part croissante de volailles d’importation consommées en France, en particulier en restauration hors domicile.
La moitié de la volaille que vous consommez en dehors de chez vous est importée depuis des fermes 4 fois plus grandes
« Ca n’a rien de géant. La moitié de la volaille que vous consommez en dehors de chez vous est importée depuis des fermes 4 fois plus grandes mais que vous ne voyez pas, car elles sont à l’étranger », écrit ainsi à France 2 Denis Beauchamp, président de FranceAgritwittos.
- ça n’a rien de géant
— Denis Beauchamp 🧢 (@GrainHedger) April 29, 2023
- la moitié de la volaille que vous consommez en dehors de chez vous est importée depuis des fermes 4 fois plus grandes mais que vous ne voyez pas, car elles sont à l’étranger
- Ça ne consommera pas plus d’eau que plusieurs petits poulaillers .
« Mega, géant…. Sérieusement ? Avec mes cocottes, dans un « méga-poulailler » comme vous dites, nous produisons en 13 mois ce que les Parisiens (intramuros) consomment en 2 jours. Il serait bon que les 8 français sur 10 qui vivent en ville produisent leur propre nourriture. Non ? », commente pour sa part l’éleveuse Lucie Gantier, alias Les Jolies Rousses.
Mega, géant… sérieusement ? Avec mes cocottes, dans un « méga-poulailler » comme vous dites, nous produisons en 13 mois ce que les parisiens (intramuros) consomment en 2jours. Il serait bon que les 8 français sur 10 qui vivent en ville produisent leur propre nourriture. Non ?
— 🐓🐝Les Jolies Rousses 🎥🥚 (@JoliesRousses) April 28, 2023
« 3 fois moins que dans le reste de l’UE »
La conseillère élevage de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, Marianne Ranque, elle, se fend d’un thread pédagogique en réponse au reportage.
A propos de la taille de l’élevage en construction. « Effectivement la taille classique dans le 89 était à 18 000 places. Ici on va juste en mettre 2 en 1 ce qui est la moyenne française en élevage de volailles. C’est 2 poulaillers pour 40 000 places la moyenne en France. 3 fois moins que dans le reste de l’UE », écrit-elle. Elle rappelle ensuite que Duc représente plus de 600 emplois et développer la production locale, tout en valorisant les céréales et protéagineux du département.
Beaucoup de superlatifs dans ce reportage, GIGA poulailler, Mega .... bref on va replacer quelques chiffres quand même ! Alors il y a déjà plusieurs catégories de volailles : les standar, le certifié, le label rouge et le bio. Tout est expliqué ici https://t.co/kxnayK5uoA
— marianne ranque (@laranquette) April 29, 2023
Elevages plus grands ou importations ?
Sur la question du bien-être animal, c’est Tudual Le Bras, jeune vétérinaire rural spécialisé dans les bovins, plus connu sous le pseudonyme de Dr Toudou qui revient sur le sujet. « Bien évidemment, la production de poulets dits « standards » pose question, notamment à cette échelle. Ethique principalement, sanitaires par méconnaissance, écologiques par l’évolution de notre climat. Mais parce qu’il y a toujours un « mais », de nombreux facteurs sont oubliés », écrit-il. Le vétérinaire rappelle que la production de volailles standard est à ce jour celle qui est la plus consommée en France. Et alors que le nombre d’éleveurs diminue : « c’est mathématique : moins d’éleveurs + demande importante = élevages plus grands ». Et de conclure que s’opposer à ce type de projet a pour conséquence d’ouvrir grand les portes aux importations « sur lesquelles on n’a pas la main ».
Beaucoup s'émeuvent autour de ce reportage.
— Dr Toudou (@DrToudou) April 29, 2023
Et c'est normal.
Ceci étant, le sujet est bien plus complexe que ce que la petite musique triste veut nous dire... https://t.co/rd4gxMkmd5
A côté de ces posts de professionnels agricoles, le reportage de France 2 a suscité des réactions hostiles au projet d’élevage sur les réseaux sociaux et de nombreux relais vers la pétition « Non au poulailler industriel de Sergines dans l’Yonne ! » initiée par l’association Sergines à contre vent qui a déjà récolté plus de 40 000 signatures.