« La vaccination sera réussie lorsqu’elle sera pleinement acceptée à l’exportation »
Quelles sont les prévisions de production de foie gras pour la saison 2024/2025 ?
Fabien Chevalier : « Après des années de vaches maigres, on a retrouvé une certaine sérénité pour produire, et c’est tant mieux ! En termes de production, on s’approche des 30 millions de canards gavés, ce qui permet de retrouver de la disponibilité, tout en reconstituant les stocks qui étaient complètement à sec fin 2023.
Avec ma casquette de transformateur, je préfère en effet parler du « disponible », en intégrant les variations de stocks de foie et le solde import-export. On va être aux alentours de 13 500 tonnes de disponible fin 2024, à comparer (à quelques dizaines de t près) aux 10 000 t des saisons 2022 et 2023 et aux 14 400 t des années 2020 et 2021 (16 à 17 000 t les années précédentes).
Après des importations aux volumes stables en 2023, les transformateurs ont nettement moins importé cette année, d’autant que l’Europe de l’Est a connu la grippe aviaire en 2023-2024 ».
Comment se portent les marchés français du foie gras et du magret ?
F.C.- : « En début d’année 2024 On ne servait plus de foie gras ! Nous allons tout de même avoir de quoi faire un Noël normal. Certes l’offre 2024 progresse de 3500 t (+ 35 % ) mais nous ne sommes pas encore au niveau de 2021. En résumé, ce ne sera ni la pénurie, ni le trop-plein.
En revanche, les produits sont plus chers qu’au début des années 2020, car l’inflation est passée par là, avec des surcoûts liés au sanitaire notamment (investissements biosécurité, vaccination). Nos indicateurs de coûts de revient sont stables par rapport à 2023. Les consommateurs doivent s’attendre à des prix du même niveau que l'an dernier.
Il y a trois débouchés principaux pour le foie gras : 40 % en grande distribution, 40 % en restauration et 20 % à l’exportation.
En GMS, le foie gras est un produit plaisir et refuge qui marche bien et qui fait venir les consommateurs, même quand la période est anxiogène. Nous sommes optimistes et tablons sur une très bonne année, même si le prix est plus élevé qu’il y a 5-6 ans.
En restauration, le foie gras français a besoin de reprendre la place qui lui revient. Faute de marchandise, les restaurateurs se sont fournis en escalopes congelées d’importation. Nous aimerions que l’étiquetage du pays d’origine puisse s’appliquer, mais ce n’est pas possible sur le foie gras, considéré comme un abat. Nous alertons les pouvoirs publics, sachant que 70 % des foies portent une IGP et que les consommateurs plébiscitent l’origine hexagonale pour le foie gras !
Quant au magret, on a plus de mal à retrouver une adéquation entre offre et demande. Les ventes en frais, surtout en GMS, ne sont pas revenues aussi vite que la montée en production. Nous avons rencontré les mêmes difficultés qu’en canard maigre, mais nous voyons des signes positifs de reprise depuis cet été. En résumé, on tient le bon bout sur le magret ».
Avez-vous retrouvé vos débouchés à l’exportation ?
F.C.- : « Après une balance commerciale négative de 3,5 millions d’€ (M€) en 2023, les six mois de 2024 sont positifs de 3,6 M€. Malgré le frein de la vaccination, la diplomatie sanitaire a payé, même si on n’est pas revenus à nos objectifs.
Le Japon qui représentait 25 % de nos exportations (hors Europe) reste à convaincre. Ce sera long et laborieux, car une année de vaccination ne lui suffira pas. Tout comme les USA qui n’importent pas, mais qui influencent d’autres pays (Canada, Royaume Uni, Chili).
Nous misons aussi sur des pays asiatiques émergents. La croissance de la filière du foie gras français dépend de celle de nos exportations, dont le sujet de la prévention sanitaire est une des clés ».
Quel bilan faites-vous de la première campagne de vaccination influenza ?
F.C.- : « Mieux vaut avoir du canard vacciné à vendre que pas de canard du tout ! Après trois années sans marchandise, la vaccination est un succès indéniable.
La diffusion des virus IA HP a considérablement diminué en élevage en France, grâce la vaccination préventive des canards qui protège les autres productions de volailles.
Je suis très optimiste pour l’avenir, mais je reste prudent car il reste encore à apprendre. Par exemple, explorer toutes les possibilités des deux vaccins, appliquer le vaccin au couvoir.
Il est important que l’État garde la main sur la surveillance, financement compris. S’il venait à s’en décharger financièrement, des pays importateurs pourraient l’interpréter comme une privatisation et cela réduirait sa crédibilité.
Nous souhaitons que l’État continue de financer pleinement les vaccins et la surveillance, au moins pour cette seconde campagne. Il doit nous le dire rapidement pour que nous puissions intégrer ou pas ce surcoût lors des négociations commerciales qui vont démarrer début 2025.
En résumé, il faut que le dispositif « vaccination + surveillance » fonctionne et soit indiscutable. La vaccination sera pleinement réussie lorsqu’elle ne sera plus un frein à l’exportation ».
Pourquoi l’interprofession a-t-elle décidé de lancer officiellement le sexage des œufs de canes depuis le mois de juillet ?
F.C.- : « La position du Cifog est que tous les canetons éclos, mâle et femelle, soient élevés et valorisés. Développée depuis plusieurs années, la technologie du sexage dans l’œuf commence à trouver des applications commerciales, au moins chez trois accouveurs.
En prenant l’initiative, le Cifog veut anticiper plutôt que subir, en gérant un calendrier d’application progressive jusqu’en 2030.
La filière finance cette technique avec ses propres deniers et sans mise en avant marketing. Cette initiative collective fait partie intégrante d’une large et ambitieuse démarche de progrès, que l’on retrouve dans le plan de Responsabilité Sociétale et Environnementale du Cifog ».