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Covid-19 : quelles sorties de crise pour la filière volaille ?

Les metteurs en marché avicoles ont su faire preuve d’agilité pour s’adapter dans l’urgence au bouleversement de leurs débouchés. Ils ont aussi dû activer des mécanismes de régulation pour anticiper les futures baisses de volumes. Cela a eu des impacts sur leurs fournisseurs éleveurs, accouveurs et fabricants d’aliments.

Ayant perdu de nombreux débouchés en RHD, le principal spécialiste de la pintade essaie de la proposer en GMS dans des formats jusqu'ici peu courants (ici en barquette de cuisses de 1 kg). © P. Le Douarin
Ayant perdu de nombreux débouchés en RHD, le principal spécialiste de la pintade essaie de la proposer en GMS dans des formats jusqu'ici peu courants (ici en barquette de cuisses de 1 kg).
© P. Le Douarin

Les agriculteurs, et tous les membres de la chaîne agroalimentaire, ont de quoi être fiers d’avoir réussi à approvisionner les Français sans que les magasins ne subissent de ruptures, excepté lors des premiers jours. Les Français leur en sont gré, comme ils le sont vis-à-vis des professionnels de la santé et du social. Il n’y aura pas eu de pénurie avicole, ce qui démontre que le secteur avicole pourrait assurer seul l’autonomie alimentaire du pays, hormis son approvisionnement en protéines végétales 100 % françaises.

En revanche, le transfert vers les magasins des volumes perdus par l’arrêt de la restauration hors domicile (RHD) a été très complexe, voire impossible parfois. Car cet arrêt a eu des impacts très contrastés. Il y a d’un côté les produits essentiels que sont les œufs avec le couple poulet-dinde du quotidien, et puis tous les autres : foie gras, canard à rôtir, pintade, pigeonneau, caille, poulet de Bresse, volailles et poules vendues vivantes. Tout ce qui contribue à la diversité culinaire de la France a vu ses ventes quasiment stoppées. Face à cette baisse des débouchés, les opérateurs ont fait preuve d’agilité : se réorienter si possible vers la vente en magasins ou en direct, détruire ce qui était invendable (ovoproduits RHD, œufs à couver, canetons…), congeler et stocker les excédents (volailles et foies gras), réduire et lisser la production (abattages anticipés en pondeuses et mulards ou retardés en volailles de chair, âge de mise en gavage allongé, mises en place réduites, pigeonneaux conservés en élevage).

Une reprise au profil inconnu

Autant les réponses immédiates étaient déjà connues pour répondre à des crises ponctuelles, autant les solutions à appliquer sur le moyen et long terme sont encore floues. L’équation à résoudre pour aborder l’après Covid-19 comporte plusieurs inconnues. Concernant le soutien aux entreprises fragilisées, l’État a mis en place de nombreux dispositifs pour leur permettre de résister et de repartir. Il a aussi élargi son filet social pour soutenir les ménages les plus modestes. Cela sera-t-il suffisant ? Le maintien du pouvoir d’achat est la seconde inconnue, avec l’impact sur les prix comme troisième inconnue. Pour l’après pandémie, le cabinet de conseil Mc Kinsey évoque un consumérisme de « frugalité générale », avec une consommation qui délaisserait les produits non essentiels et non contraints, et donc un risque de ralentissement. En fait, les experts économiques s’interrogent encore pour savoir quelle sera la vigueur de la reprise. Ce qui est sûr, c’est que ce ne sera pas une courbe en V avec un retour rapide à l’avant Covid-19. Ils spéculent sur un U (reprise après une phase de latence), un W (reprise avec des rebonds) ou un L (reprise très faible). Pour les filières avicoles liées à la RHD, la sortie du tunnel dépend de son redémarrage (15 juin ou 15 juillet ?). Pour celles qui ont souffert d’une relative désaffection, comme le foie gras et les petites espèces, le moment de communiquer est déjà arrivé et c’est ce qu’elles font.

Remise en cause du système alimentaire

Sur le long terme, d’autres éléments externes aux filières pourraient avoir des effets positifs. « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il existe des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation/… / est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle… », a déclaré le président Emmanuel Macron lors d’une intervention télévisée. En révélant une certaine fragilité de nos systèmes économiques vis-à-vis des changements planétaires à venir, ce virus Sars-Cov2 donne l’occasion de remettre en cause globalement la politique agricole et agroalimentaire. Les Français y sont favorables. Selon un sondage Odoxa-Comfluence réalisé en avril, 93 % souhaitent la garantie de l’autonomie agricole de la France. Plusieurs chantiers seraient ainsi à rouvrir : la résilience des systèmes de production, l’autonomie et la souveraineté alimentaires, la compétitivité française, la préférence communautaire, la régulation des marchés agricoles internationaux, la place de l’alimentation dans les accords de libre-échange, la mondialisation des échanges…

Les achats alimentaires vus par le Credoc

Pascale Hebel, directrice du pôle consommation et entreprises au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), a particulièrement observé les comportements des consommateurs pendant la crise du Covid-19 :

-Des achats de panique orientés sur des produits faciles à stocker (surgelés, conserves) ;
-La priorité aux produits basiques et essentiels pour la cuisine du quotidien ;
-La baisse des produits sous signes de qualité, jugés moins essentiels (« la nécessité avant le plaisir ») ;
-L’effondrement des hypermarchés remplacés par les supermarchés de proximité ;
-L’explosion des circuits courts qui s’adaptent au confinement (drive, livraison) ;
-Des consommateurs fragmentés : une partie attend plus de produits locaux (sains et meilleurs pour la planète) malgré des prix plus élevés, tandis que pour d’autres ce n’est pas une priorité (ou faute de moyens) ;
-Les consommateurs veulent des produits « plus », avec un bénéfice (santé, nutrition, environnement, bien-être animal…) ;
-Le local pourrait supplanter le bio en 2020, en conciliant mieux bénéfices et prix.

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