La filière œuf se prépare à la fin de la cage
La transition vers l’élevage hors cage doit se poursuivre à un rythme maîtrisé pour répondre aux engagements de la grande distribution tout en évitant une pénurie d’œuf durant l’année charnière de 2026.
La transition vers l’élevage hors cage doit se poursuivre à un rythme maîtrisé pour répondre aux engagements de la grande distribution tout en évitant une pénurie d’œuf durant l’année charnière de 2026.

Depuis 2017, la filière poule pondeuse a entamé une transition très rapide des élevages de poules en cages vers des modes alternatifs pour répondre aux engagements de la grande distribution et de nombreux opérateurs d’arrêter de commercialiser des œufs en code 3 d’ici fin 2025.
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Cette transition s’est toutefois ralentie depuis 2023. L’an dernier, 25 % du cheptel national de poules pondeuses était encore logé en cages aménagées. Cette proportion a diminué de seulement 0,7 point en 2024 contre une baisse de plus 5 points durant les deux précédentes années.
Deux raisons principales à ce coup de frein : des prix de matériaux de construction élevés depuis l’inflation et une conjoncture commerciale très favorable permettant une bonne valorisation des œufs de code 3, toutes deux retardant les décisions d’investissement.
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« Quinze milliards d’œufs ont été produits l’an dernier, tous codes confondus, et tous ont été vendus », confirme Yves-Marie Beaudet, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO). « L’interprofession ne peut pas se prononcer sur une échéance d’arrêt total de la cage, chaque producteur étant libre de ses choix. Elle s’est toutefois fixé le cap d’atteindre au moins 90 % de poules hors cages d’ici 2030 », a-t-il expliqué en décembre dernier, à la table ronde organisée lors de la journée pondeuse de l’Itavi.
2026 sera une année charnière
Pour mieux mesurer le rythme de la transition vers la sortie de la cage, l’Itavi a interrogé les producteurs de poules pondeuses en cage sur le devenir de leur(s) bâtiment(s) à l’horizon 2030 entre arrêt, transformation ou reprise (voir encadré).
Concrètement, sur les 14 millions d’emplacements de poules pondeuses actuellement en cage, 4 millions seraient maintenus en cages à échéance 2030 et 3 millions seraient transformés en code 2 d’ici 2026. Il resterait 7 millions à convertir entre 2027 et 2030. C’est l’équivalent de 140 élevages de 50 000 poules, soit 35 élevages à rénover chaque année entre 2027 et 2030.
« La tendance à la conversion devrait se poursuivre de manière soutenue jusqu’en 2026, grâce aux projets déjà engagés. Au-delà, la volonté de transition est plus complexe à analyser », analyse Aymeric Le Lay, économiste de l’Itavi.
Un manque de visibilité après 2027
« Nous conseillons à nos producteurs de ne pas faire la bande de trop et de convertir leur poulailler le plus tôt possible. On escompte terminer les dernières transitions fin 2026 », explique Ludovic Duriez, directeur de L’œuf de nos villages, qui représente 18 % de parts de marché en code 3. « Tous les œufs en cage seront vendus en 2025, mais 2026 risque d’être plus compliquée. »
Même constat du côté du groupement Armor Œufs, autrefois très orienté en code 3. Ce dernier ne représente plus que 40 % des effectifs du groupement, soit 5,5 millions de poules pondeuses. « Nous manquons de visibilité après 2027 », souligne Frédéric Chartier, son président. « La transition se poursuit avec des projets engagés pour 2026-2027. La difficulté porte sur l’anticipation et le délai d’environ un an entre la décision et la fin des travaux. Avec un coût de transformation de 25 euros par poule et une baisse de capacité du bâtiment de 20 %, les éleveurs cédants s’interrogent sur la stratégie d’investir ou pas avant de transmettre leur outil », poursuit-il. D’autant que le chiffre d’affaires élevé des bâtiments en cage du fait de la conjoncture rend difficile l’estimation de la valeur d’une exploitation à reprendre pour un jeune.
Une perte de 3 millions de places à compenser
Entre les arrêts de bâtiments en cages et la baisse de capacité des poulaillers transformés en code 2, l’enquête de l’Itavi a évalué entre 2,5 à 3 millions la perte d’emplacements à l’horizon 2030. Pour pallier la baisse de capacité, la profession a lancé en juin 2024 un plan de filière prévoyant la création d’un million de places par an d’ici 2030, soit la construction de 50 bâtiments de 30 000 poules chaque année et durant six ans. Un plan ambitieux face aux oppositions sociétales et aux difficultés à construire dans certaines régions.
Pas de craintes de pénurie en GMS
Dans ce contexte se pose la question d’un manque d’œufs en grande distribution en 2026-2027. « On ne croit pas à un manque crucial en France, soulignent les intervenants de la table ronde Itavi, se montrant plutôt confiants, à condition que la transition se fasse à un rythme maîtrisé. » Face au risque temporaire d’importations d’œufs coquille, l’arrêté sur l’ovosexage constitue aussi une force pour défendre l’œuf français. Enfin, l’échéance d’un arrêt total de la production d’œufs en cage dépendra de l’évolution de la réglementation européenne, sachant que le projet d’interdiction de l’élevage en cage initialement prévu pour 2027 a été reporté.
Trois quarts des poules pondeuses logées hors cage en 2024
En 2024, les œufs en cage représentaient 17,7 % des achats en grande distribution
- Avec un cheptel d’environ 14 millions de poules logées en cages aménagées, la production annuelle d’œufs en code 3 atteint quatre milliards, soit environ 250 000 teoc (tonne équivalent œuf coquille).
- Avec environ 60 000 toec importées et 80 000 toec exportées en code 3, l’équivalent de 100 % de ce qui est produit en œuf cage est consommé en France.
- En grande distribution, la transition vers la sortie de l’œuf en cage se poursuit. La part de marché du code 3 baisse à 18,7 % en 2024 au profit de l’œuf au sol et plein air.
- Pour les ovoproduits destinés à la restauration hors domicile, la transition vers la fin de l’œuf en cage est beaucoup moins marquée, ce code représentant les trois quarts des volumes.
- Pour la filière ovoproduits en agroalimentaire, la tendance s’est même inversée en 2023, avec une part d’œufs en cage de 39,4 % en 2023 contre 37,7 % l’année précédente.
- La consommation en œufs reste très dynamique avec 223 œufs en moyenne par habitant en 2024. La croissance de la consommation est estimée à 1,4 % par an, selon les projections à 2033 de l’Itavi.