[Webinaire sur la PAC] Eric Andrieu, eurodéputé S&D : « Il faut remettre en perspective des outils de régulation »
En pleine semaine de négociation sur la PAC à Bruxelles, l’eurodéputé S & D Eric Andrieu a répondu à l’invitation de l’Afja (association de journalistes agricoles) pour faire un décryptage, en visioconférence, de ce qui se trame à Bruxelles. Le député européen se dit très inquiet par rapport à cette réforme de la Pac pour la période 2022-2027. Il souhaite notamment davantage de régulation dans le cadre du règlement OCM unique dont il est rapporteur.
En pleine semaine de négociation sur la PAC à Bruxelles, l’eurodéputé S & D Eric Andrieu a répondu à l’invitation de l’Afja (association de journalistes agricoles) pour faire un décryptage, en visioconférence, de ce qui se trame à Bruxelles. Le député européen se dit très inquiet par rapport à cette réforme de la Pac pour la période 2022-2027. Il souhaite notamment davantage de régulation dans le cadre du règlement OCM unique dont il est rapporteur.
Eric Andrieu, député européen du groupe ds Socialistes et Démocrates (S & D) a annoncé son intention de voter contre le projet de réforme de la PAC examiné cette semaine par le Parlement européen, en particulier sur le volet "plans stratégiques" de la réforme. En pleine négociation à Bruxelles, Eric Andrieu a accepté de s’exprimer, dans une visioconférence organisée par l’Afja (l’Association française des journalistes agricoles), le 21 octobre 2020 sur la réforme de la PAC. Le parlementaire a pris le temps d’expliquer les différents rouages de l’organisation européenne et du processus législatif européen : comment l’articulation entre la Commission, le Conseil et le Parlement permet l’adoption des textes.
En effet, le 20 octobre dans la nuit, au Parlement, en une seule session (au lieu des huit programmées), les principaux amendements de compromis sur le volet "Plans stratégiques" de la PAC ont été adoptés. Une accélération regrettable pour Eric Andrieu. « En une semaine, tout doit être bouclé. On n’a pas le temps d’aller dans les détails », estime-t-il. « Il s'agit d'un vote à la hussarde. Le débat a été tronqué », dénonce-t-il. Selon lui, la présidence allemande pousse à la roue pour que tout soit bouclé avant la fin 2020, où elle passera la main au Portugal.
Le Conseil des ministres de l'Agriculture a finalisé sa position commune le 20 octobre après deux jours de débats. Le Parlement, quant à lui, tient sa séance plénière du 20 au 23 octobre et votera lui aussi sa position commune. Puis, les discussions entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement vont se poursuivre par des réunions en « trilogue ». Celles-ci vont avoir lieu d’ici la fin de l’année pour arriver à un point de convergence pour chaque article des trois règlements européens qui encadrent la PAC : un sur les plans stratégiques nationaux qui décrit notamment le dispositif des aides Pac et les financements, un deuxième sur le volet horizontal qui traite du contrôle et de la gestion et un troisième sur l'OCM unique dont Eric Andrieu est rapporteur. L’objectif est de finaliser un compromis au printemps 2021. Et « tant que tout n’est pas réglé, rien n’est réglé », commente l’eurodéputé.
OCM unique : régulation et organisation
Avec son groupe parlementaire Eric Andrieu a beaucoup travaillé sur la question de l’OCM unique (l’organisation commune des marchés agricoles). « Dans la proposition de la Commission sur la PAC, il y avait très peu d’éléments sur l’OCM unique », regrette l’eurodéputé. « Comme s’il n’y avait pas de problèmes, de crise sanitaire… ». Pourtant, « les marchés agricoles sont structurellement instables. Nous demandons à la Commission européenne de jouer à nouveau son rôle de régulateur. Il faut mettre en perspective des outils de régulation ». C’est pour lui un « enjeu nécessaire ». « Nous avons un regard sur l’économie qui n’est pas partisan. Nous ne sommes pas dans le dogme. Nous sommes dans une approche très réaliste de la situation », considère-t-il. « Il ne faut pas se fermer la porte des outils d’intervention », assure encore Eric Andrieu qui prône un « retrait obligatoire des produits en cas de crise grave ».
Pour l’eurodéputé, il faut « élargir à toutes les AOP les possibilités qui existent pour les AOP dans les secteurs du vin et du fromage – c’est-à-dire une régulation de la production en fonction du marché -, il faut renforcer les aides au bio pour « rassurer les producteurs sur le volet des prix » et renforcer les organisations de producteurs (OP) pour que l’amont soit moins « atomisé » face à un aval « organisé ». « Nous avons renforcé le volet social, j’espère que les amendements passeront ».
Débat sémantique autour du "burger vegan"
Dans le cadre de l’OCM unique, un des sujets sur lequel Eric Andrieu a beaucoup travaillé est celui de l'autorisation ou non du terme « burger vegan » qui a fait la une des journaux dans les pays du nord de l'UE pour défendre cet possibilité. La terminologie autour de ces nouveaux produits fait polémique. En se penchant sur le dossier, l’eurodéputé a constaté que la législation prévoit « très peu de protection » en ce qui concerne la viande alors un travail législatif a été fait pour les produits issus de la volaille et du lait. La seule dénomination protégée est celle du mot « viande ». Mais il faut 30 ans d’utilisation d’un terme pour que celui-ci soit reconnu comme « traditionnel ». Pour les autres termes, il n’y a pas de protection.
Dans l’amendement proposé par le groupe S & D (article 78 de l’OCM unique), les parlementaires proposent une « approche rationnelle » vis-à-vis de l’industrie du secteur viande et celle du secteur végétal. L’idée n’est pas de prendre parti pour l’une ou pour l’autre mais de traiter de façon équitable les deux secteurs. « On doit garantir l’équité de traitement », assure l’eurodéputé.
« Les éco-régimes responsables d'une renationalisation de la Pac »
L’eurodéputé a abordé aussi la question épineuse des éco-régimes. Le 20 octobre, le Conseil a voté le fait que 20 % minimum du budget du 1er pilier de la Pac serait consacré aux éco-régimes, alors que le Parlement s’est positionné sur 30%.
Au-delà de part du budget qui est consacré, le député européen n’est pas convaincu de la mesure en elle-même. Il explique que la Commission va proposer « une liste de mesures environnementales » dans laquelle chaque Etat membre « va faire son marché ». Cette « mosaïque du champ des possibles » va pour lui dans le sens d’une renationalisation de la Pac qui risque « d’exacerber les distorsions de concurrence ». « On est en train de diviser cette politique commune, au moment où on aurait le plus besoin d’unité. Je suis assez inquiet », insiste Eric Andrieu.
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