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« Une vingtaine de variétés résistantes d’ici 2025 »

Christophe Schneider est en charge de la création des variétés résistantes à l’Inrae de Colmar. Il nous éclaire sur les travaux de l’institut et les perspectives futures.

Où en sont les recherches sur les variétés résistantes ? Que peut espérer la filière ?

Notre équipe est toujours à la recherche de nouveaux gènes de résistance au mildiou et à l’oïdium, car toutes les sources n’ont pas été explorées. Pour cela, nous étudions d’anciens hybrides connus qui ont de bonnes caractéristiques, comme le rayon d’or par exemple, mais dont nous ne connaissons pas la génétique. Cela passe aussi par l’étude d’autres espèces du genre Vitis. Je pense notamment à des populations asiatiques ou américaines, qui n’ont été que peu étudiées. À l’heure actuelle, les travaux portent plus particulièrement sur Vitis coignetiae et Vitis cordifolia, pour lesquelles il y a de bons espoirs de trouver de nouveaux gènes. Mais il faut à minima trois ans d’études pour chaque espèce avant d’espérer un résultat, et plus la recherche avance, moins il y a de chance d’en découvrir, car ces gènes sont bien souvent communs à plusieurs vignes.

En parallèle, nous essayons de mieux connaître les interactions plante-pathogène, et de décrypter les gènes du mildiou ciblés par ceux de la vigne résistante. Cela permettrait d’estimer la durabilité de la résistance. Si le gène de résistance reconnaît une fonction essentielle à la survie du bioagresseur (la reproduction par exemple), alors nous pourrions être sereins vis-à-vis du risque de contournement. S’il s’agit d’une modification d’un simple caractère morphologique, alors l’adaptation du pathogène est très probable. Avec cette connaissance, nous pourrions définir une stratégie de pyramidage des gènes et de déploiement des variétés résistantes claire et plus solide. L’enjeu va donc bien au-delà du concept de résistances polygéniques !

Travaillez-vous sur d’autres maladies cryptogamiques que l’oïdium et mildiou ?

Oui. Nous nous intéressons également au black-rot et au botrytis.

Pour le premier, il existe actuellement deux gènes connus qui induisent une résistance partielle à la maladie. Nous essayons d’en trouver d’autres, mais c’est plus difficile que pour les deux maladies principales. Cela demande notamment des expérimentations plus lourdes. Aller aussi vite supposerait de gros investissements. Mais nos voisins Allemands avancent bien sur ce domaine, et il n’est pas exclu qu’une nouvelle solution vienne de chez eux. Quoi qu’il en soit, nous avons des marqueurs qui nous permettent déjà d’intégrer les gènes existants à nos sélections. Notre stratégie est donc de continuer à utiliser ces connaissances, comme nous l’avons fait lors des deux derniers programmes de création variétale. Concernant le botrytis, nous ne connaissons pas les gènes de résistance, mais nous nous sommes rapprochés de l’Agroscope de Changins en Suisse, qui a déjà développé des variétés tolérantes.

Pour ce qui est des autres maladies secondaires, nous savons qu’il existe des résistances à l’anthracnose dans le génome des Vitis américains. Ces derniers ont très probablement légué cette caractéristique aux descendances obtenues, car sur toutes les nouvelles variétés que nous observons, nous ne voyons que très peu de symptômes par rapport au témoin non traité. C’est légèrement différent pour l’excoriose, où nous ne connaissons pas de gène de résistance. Par contre, il existe, comme pour le botrytis, des sensibilités différentes. Nous éliminons de fait les variétés les plus sensibles lors de la sélection intermédiaire. Il en résulte que ces maladies ne sont quasiment plus observées sur les candidats en sélection finale.

Quelles variétés résistantes devraient arriver sur le marché ?

Nous venons tout juste d’arriver au terme du programme ResDur1, lancé en 2000. À l’époque, l’idée était de créer des variétés à résistances polygéniques pour valider le concept du pyramidage, ce que nous avons fait, et voir ce qui sortait, en termes de production et de qualité. Nous sommes donc partis sur la base des obtentions d’Alain Bouquet, que nous avons croisées avec des variétés allemandes. Nous avons obtenu, après les trois étapes de sélection, quatre variétés résistantes intéressantes qui sont proposées à l’inscription au catalogue : vidoc et artaban en rouge, floreal et voltis en blanc. Leur résistance est totale pour l’oïdium et d’un bon niveau pour le mildiou. De par leurs caractéristiques de production, elles répondent bien aux attentes des vins sans indication géographique ou en IGP.

D’ici quatre ans, nous devrions être en mesure de proposer quelques variétés supplémentaires issues du programme ResDur2, ayant une résistance plus efficace sur le mildiou, totale sur oïdium et partielle sur le black-rot. Et d’ici sept ans, le programme ResDur3 arrivera à terme, avec un lot de variétés possédant trois gènes de résistance pour le mildiou et l’oïdium, ainsi qu’une résistance partielle sur black-rot et botrytis. J’espère qu’en 2025 nous aurons mis à disposition des viticulteurs une vingtaine de nouvelles variétés résistantes ayant de bonnes caractéristiques organoleptiques, et dans une gamme de précocité étalée allant de la première période à la troisième. Elles devraient être bien adaptées à une production en IGP.

À l’avenir, nous n’allons pas reconduire de projet de type ResDur supplémentaire. Mais depuis 2012 nous travaillons en synergie avec l’IFV, qui commence à développer de nouvelles variétés résistantes de son côté.

Peut-on espérer des variétés résistantes ayant les caractéristiques de nos cépages traditionnels ?

Plusieurs interprofessions sont venues à notre rencontre, pour que nous les aidions à créer de nouvelles variétés résistantes, qui pourraient être utilisables en AOC. Nous avons déjà signé quelques conventions de partenariat, conjointement avec l’IFV. Le but est de se rapprocher au maximum des variétés traditionnelles, afin de respecter la typicité des appellations. Pour l’instant, les programmes sont centrés sur les cépages emblématiques tels le chardonnay, le pinot, l’ugni blanc, le colombard, le cabernet franc, le petit verdot, le grenache, la syrah, le cinsault, le vermentino, le riesling et le gewurztraminer. Mais le challenge est énorme : un croisement éclate tous les caractères qui font un cépage, cela fait ensuite beaucoup de paramètres à regrouper. Nous ferons au mieux, en réalisant des dégustations poussées et des analyses fines des molécules aromatiques lors de la sélection. Les programmes sont dimensionnés pour aboutir à l’inscription d’au moins un candidat, bien que rien ne soit garanti. Ce sera à l’interprofession ensuite de décider si leurs nouvelles variétés méritent ou non d’entrer dans les cahiers des charges. Mais c’est une question qui se posera à la fin de nos recherches, dans quinze ans…

La réglementation européenne, qui interdit les hybrides en AOP, est-elle un frein dans le développement de ces projets ?

La réglementation peut toujours évoluer ; la question est de savoir à quelle vitesse. Mais avant de regarder l’aspect communautaire, on pourrait aussi se poser la question de notre définition réglementaire d’un hybride, car c’est elle qui fait la distinction. En Allemagne par exemple, ils ne se basent pas sur les parents mais sur les critères morphologiques de la plante, ce qui fait que les variétés résistantes sont utilisables chez eux en AOP, puisqu’elles sont considérées comme Vitis vinifera. Pour les autres espèces cultivées que la vigne, comme le blé tendre ou la pomme, ça ne fait pas un pli, on ne regarde pas les ancêtres mais l’espèce finale. Une espèce se définit d’ailleurs habituellement sur la base d’une cinquantaine de caractères morphologiques, et non sur sa génétique. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut laisser les variétés faire leur preuve pour motiver les réponses à apporter à ces problématiques.

voir plus loin

En Europe, les nouvelles variétés sont la propriété intellectuelle de leur obtenteur. Mais les gamètes n’entrent pas dans le périmètre de la protection : les gènes de résistance ne sont donc pas brevetables. Ce qui veut dire qu’un hybrideur privé peut tout à fait utiliser le pollen d’une variété résistante inscrite au catalogue pour créer ses propres obtentions. Un contexte plutôt favorable à la création variétale et donc au viticulteur, mais qui est à double tranchant. Car une diffusion massive trop rapide peut conduire à certains écueils. « C’est notamment ce qu’il s’est passé dans le cas de la tavelure du pommier, rappelle Christophe Schneider. Dans les années 80, la filière arboricole a déployé de nombreuses variétés à résistance monogénique. Au bout d’une dizaine d’années, des races de tavelure capables de contourner ce gène sont apparues et se sont propagées, rendant la résistance variétale inopérante. » C’est alors un gène qui est perdu pour toujours.

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