Trois spécificités des vignobles volcaniques
Vulcania, dans le Puy-de-Dôme, accueillait fin janvier la première édition de Vinora, le salon des vins volcaniques. L’occasion de faire le point sur les particularités de ces vignobles établis aux pieds des volcans.
Vulcania, dans le Puy-de-Dôme, accueillait fin janvier la première édition de Vinora, le salon des vins volcaniques. L’occasion de faire le point sur les particularités de ces vignobles établis aux pieds des volcans.
« Cratère », ainsi était nommé dans l’Antiquité le récipient utilisé par les Grecs pour mélanger l’eau et le vin. C’est dire si le lien entre les vignes et les volcans est ancien. Parfois au péril de leurs vi (gn) es, ils sont aujourd’hui quelques centaines de producteurs à travers le monde à exercer leur savoir-faire sur les flancs de volcans pas toujours endormis. Fin janvier, ils étaient une trentaine de France et d’Europe à présenter le fruit de leur travail au salon Vinora, avides de découvrir les points communs entre leurs différents terroirs volcaniques. Car si les vignerons de la Chaîne des Puys, ensemble volcanique inactif depuis 7 000 ans, et ceux situés sur les flancs de l’Etna, qui entre en éruption en moyenne 14 fois par an, ont a priori une approche de la viticulture quelque peu différente, des points communs existent bel et bien. « Il y a encore très peu de science derrière les vins volcaniques », averti toutefois John Szabo, journaliste et expert mondial sur le sujet. Pour lui, il ne peut y avoir que des vins volcaniques au pluriel, « car la composition du magma, l’âge de la coulée de lave et les modes de culture sont extrêmement variés d’un vignoble à l’autre ». Mais globalement, trois caractéristiques communes peuvent être soulignées.
1) Les rendements sont bas, voire très bas
Le basalte et la pierre ponce, toutes deux des roches volcaniques, présentent une porosité élevée et une densité très faible, ce qui donne des sols particulièrement drainants. Certes, la vigne y rencontre peu de résistance pour y faire pénétrer ses racines. Mais elle peut rapidement y souffrir de stress hydrique. Dans les régions où la pluviométrie est faible, les viticulteurs doivent donc ruser. « À Santorin, la vigne est enroulée de sorte à former un petit panier, qui protège du vent et préserve l’humidité. À Lanzarote, les vignes sont plantées en entonnoir afin d’amener l’eau jusqu’aux racines », illustre John Szabo. Cette faible disponibilité en eau impacte les rendements, d’autant que les sols sont souvent très pauvres. « Ces terres hostiles à la flore sont faibles en matière organique, et bien qu’il y ait de nombreux nutriments dans la roche, ils ne sont pas disponibles pour la vigne », note le spécialiste. Le travail, harassant car souvent exclusivement manuel, n’est donc pas généreusement récompensé. « Les bonnes années, je peux monter à 15 hl/ha », confirme Antonio Moita Maçanita, œnologue chez Azores Wine Copany. À titre comparatif en Auvergne, le rendement moyen est de 40 hl/ha.
2) Une maturation des baies lente et hétérogène
L’altitude, l’exposition, le sens du vent, la présence de murets ou non, sont autant de facteurs influençant la maturation des baies, car ils génèrent une multitude de microclimats sur des surfaces réduites. « On est géographiquement en Provence, mais je peux vous assurer que le climat n’est pas du tout méditerranéen », lance Pierre Guénant, de la Villa Baulieu, près d’Aix-en-Provence, dont les vignes sont situées en plein cœur du cratère du seul volcan de la région. Avec des températures en septembre pouvant frôler les 3°C, on est loin de s’attendre à des vins chaleureux, et pourtant. Les sols, composés de pouzzolanes, des projections volcaniques de basalte de couleurs foncées, noir ou rouge brique, possèdent des propriétés bien particulières. « La journée, les pouzzolanes emmagasinent la chaleur, et la restituent pendant la nuit », explique John Szabo. La maturation des baies se fait donc lentement mais il est ainsi possible d’atteindre des maturités poussées. « Cette particularité permet d’obtenir des vins assez riches en alcool et en polyphénols tout en conservant des pH bas, autour de 3, ce qui est assez surprenant », raconte le journaliste. Difficile néanmoins d’avoir des maturités homogènes, ce qui a des répercussions sur l’organisation des vendanges. « On récolte toujours en deux passages, parfois trois, comme à Sauternes », s’amuse Pierre Guénant.
3) Une minéralité bien spécifique
Philippe Faure Brac, président de l’Union des sommeliers de France est formel : tous les vins situés sur des terroirs volcaniques, peu importe la couleur, ont une minéralité prononcée, et particulière. « Elle se caractérise par une salinité, une fraîcheur iodée même dans les vignobles volcaniques qui ne sont pas à proximité de la mer », développe-t-il. John Szabo, qui a creusé le sujet, associe cette minéralité à de l’amertume. « J’ai réalisé des analyses qui révèlent des concentrations en ion potassium près de trois fois plus élevées dans les vins issus de terroirs volcaniques, à cépage équivalent. J’ai aussi constaté des teneurs élevées en acide succinique, impliqué dans l’amertume, et en glutamate, composante de la saveur umami », révèle-t-il. Dans ses recherches, il a comparé deux vins issus du cépage grec assyrtiko, l’un produit à Santorin, l’autre en Corinthe. Les résultats sont surprenants : le vin de Santorin contient 330 % de fer et 20 % de zinc en plus. « Ça a forcément un rôle sur la conductivité et la résonnance magnétique. Mais il est encore impossible de faire le lien sur l’impact organoleptique », regrette John Szabo. Le journaliste poursuit actuellement ses travaux sur le sujet en partenariat avec un laboratoire d’analyses canadien. Un dossier que l’on espère pouvoir suivre au fil des prochaines éditions de Vinora.
« Vins volcaniques », un argument marketing de poids
New-York, Montréal, Toronto, Londres, d’après John Szabo, la nouvelle tendance chez les sommeliers de ces villes branchées est d’élaborer des cartes qui mettent en avant les vins volcaniques. « Les volcans ont depuis la nuit des temps le pouvoir de fasciner l’Homme, argue Philippe Faure Brac, président de l’Union des sommeliers de France. Les vignerons ont tout intérêt à communiquer sur leur appartenance à ces territoires d’exception. » Dans les allées de Vinora, les vignerons auvergnats approuvent. « On nous confond souvent avec le Beaujolais, voire la Bourgogne. Revendiquer une appartenance à un vignoble volcanique nous permettrait de créer une nouvelle identité prometteuse, et en finir avec l’image de vins pas terribles qui nous collent à la peau », développe la Maison Desprat. Du côté des organisateurs, la création « d’un label ou une identité commune » sur la base des critères analysés pour sélectionner les participants à Vinora est déjà dans les tuyaux.