« Stockons le carbone dans les sols », Claire Chenu, enseignant-chercheur AgroParisTech
Lors de la COP21, 39 pays, dont la France, se sont officiellement engagés à soutenir l’initiative du « 4 pour 1000 ». Claire Chenu, enseignant-chercheur à AgroParisTech, nous éclaire sur cette démarche, qui répond aux enjeux climatiques et agronomiques.
Lors de la COP21, 39 pays, dont la France, se sont officiellement engagés à soutenir l’initiative du « 4 pour 1000 ». Claire Chenu, enseignant-chercheur à AgroParisTech, nous éclaire sur cette démarche, qui répond aux enjeux climatiques et agronomiques.
L’atmosphère possède un stock de carbone équivalent à 829 milliards de tonnes. L’estimation pour les sols est bien supérieure. Elle varie entre 1 500 et 2 400 milliards de tonnes, soit deux à trois fois plus. Lorsque l’on fait la synthèse des flux de carbone, entre l’air, la végétation, les océans, les sols et les émissions de carbone fossile, il y a chaque année un excédent net annuel de 4,3 milliards de tonnes, qui part dans l’atmosphère. C’est l’une des causes du réchauffement climatique. La communauté scientifique a calculé que si l’on augmentait annuellement la concentration de carbone du sol de quatre millièmes, cela compenserait la hausse de dioxyde de carbone due aux activités anthropiques.
C’est un levier puissant, mais ce ne doit surtout pas être une raison pour continuer à émettre du CO2 et conserver notre mode de vie actuel. D’autant plus que le stockage du carbone dans le sol est limité, et que c’est un processus lent, qui peut prendre plusieurs décennies pour s’équilibrer. Sur le territoire français, certains agrosystèmes comme les prairies permanentes atteignent déjà leur capacité maximale, ce qui réduit les marges de manœuvre. En fin de compte l’effet sur le climat relève plus du co-bénéfice. Les motivations principales doivent être agronomiques. Il s’agit d’assurer la fertilité et la pérennité des sols, de limiter l’érosion et la migration des polluants… En fait, on a tout à y gagner !
Le gain potentiel de carbone par unité de surface est important dans les sols viticoles. Ceux-ci contiennent en moyenne, dans les 30 premiers centimètres, 35 tonnes de carbone par hectare, contre 50 pour les autres cultures, et 80 pour une prairie permanente ou une forêt. L’action d’un viticulteur peut être très efficace. On estime par exemple qu’un enherbement permanent de l’interrang permet de stocker en moyenne 0,32 tonne de carbone supplémentaire par hectare et par an, contre 0,15 pour un semis direct en céréales.
D’autres pratiques sont bénéfiques, comme l’implantation de haies. Il est favorable également de labourer moins ou le moins profondément possible. Et il faut avant tout préserver les stocks de carbone existants, car le déstockage est extrêmement rapide.
Il existe une déclaration d’intention en soutien à l’initiative, à destination des États, Instituts de recherches, ONG, mais aussi des entreprises privées. Il s’agit d’un contrat moral basé sur le volontariat, où l’on s’engage à favoriser le stockage de carbone dans les sols. Il n’y a pas de mesures contraignantes. Pour un viticulteur, cela peut passer par le retour des sarments à la terre plutôt que le brûlage, par un enherbement maximal et pérenne ou mieux encore, par de l’agroforesterie. Je pense qu’il serait intéressant pour la filière de s’approprier le sujet. Il a le mérite de mettre l’agriculture au cœur du débat climatique, et de l’associer à une contribution positive. C’est l’opportunité de prouver que ce n’est pas seulement une activité polluante, comme certains se l’imaginent.
@ Pour rejoindre l’initiative « 4 pour 1000 » : http://4p1000.org/rejoindre