Semer les couverts à l’aide d’un drone en viticulture, c’est possible !
Ovalie Innovation teste l’épandage de graines par drones. Les débuts sont encourageants, notamment pour les semences de petite taille.
Ovalie Innovation teste l’épandage de graines par drones. Les débuts sont encourageants, notamment pour les semences de petite taille.
Nous connaissons déjà les drones qui cartographient, détectent les maladies, et attendons prochainement ceux pour la pulvérisation. Mais ces engins pourraient encore trouver de nouvelles applications dans nos vignobles. Comme celle de semer les couverts végétaux, par exemple. Dans le Gers, l’entreprise Ovalie Innovation (filiale de Vivadour) travaille depuis deux ans sur l’épandage de graines par drone en vignes et grandes cultures. Avec l’aide de la société bordelaise Reflet du monde, spécialiste du drone, elle a développé un prototype spécialement conçu pour cela. « Il s’agit d’un octocoptère équipé d’une trémie et d’un épandeur », explique Sébastien Ballas, technicien chez Ovalie Innovation. Après quelques essais concluants sur des bandes de maïs, l’entreprise a décidé de tester l’application en vigne. À l’automne 2017, elle a semé une parcelle de colombard d’1,3 hectare avec du trèfle, à la dose de 20 kg/ha. « La technique fonctionne, assure le technicien. La levée a été rapide et au mois de mai le couvert était bien développé. » Pour s’assurer de la bonne répartition des graines, il a fait à ce même moment une mesure de photogrammétrie. « Le tout est encore un peu hétérogène, avoue-t-il. Nous allons travailler sur l’expulsion des graines à la sortie de l’épandeur pour améliorer la qualité de travail. Il y a une marge pour l’optimiser. »
Une technique bien adaptée à la fétuque et au ray-grass
Guidé par GPS, le drone suit un plan de vol déterminé et épand sur une largeur d’environ 12 mètres, soit l’équivalent de quatre rangs à la fois. Et avec une vitesse de vol comprise entre 3 et 6 mètres par seconde, la technique se révèle plutôt rapide. « Jusqu’ici nous avions une trémie de 4 kilos, ce qui impliquait des recharges fréquentes et donc des pertes de temps, indique Stéphane Ballas. Mais l’an prochain nous pourrons embarquer 10 kilos. » L’autonomie de la batterie est quant à elle d’une trentaine de minutes.
Le semis par drone a toutefois quelques limites. S’il se révèle bien adapté pour implanter de la fétuque, du ray-grass ou du trèfle, ce n’est pas aussi vrai pour des semences de plus gros diamètre. « Le drone ne nous permet d’épandre que de petites graines, regrette Stéphane Ballas, d’autant plus que le semis est superficiel. Cela ne convient pas à toutes les espèces ». Difficile donc d’espérer implanter un couvert d’engrais vert à base de féverole. Autre inconvénient, l’épandage se fait sur toute la largeur, et donc sur le rang de vigne également. Le viticulteur qui souhaite garder le cavaillon propre doit donc le désherber par la suite.
Le concept peut être intéressant pour des usages de niche
" À première vue, cette idée d’épandre les graines via un drone n’est pas inintéressante. Il faut toutefois évaluer quelles pourraient être les situations où cet usage serait le plus adapté. En grandes cultures, il est clair qu’il peut y avoir un intérêt pour les plantations intercalaires, afin de semer des couverts avant récolte sans affecter la végétation en place. En vigne, je pense que l’avantage du drone est son agilité. Puisqu’il n’y a plus besoin d’entrer dans la parcelle, le viticulteur peut intervenir quelles que soient les contraintes (humidité du sol, fortes pentes, etc.). L’inconvénient reste cependant le poids de l’engin, qui affaiblit son autonomie, mais aussi les aspects réglementaires liés aux vols de drones. Se pose également la question de l’enfouissement des graines : si cela nécessite un passage d’outil dans le rang, alors le semis par drone perd de l’intérêt. Dans la configuration actuelle, je ne vois pas ce système remplacer complètement les méthodes actuelles de semis, mais plutôt être une solution à considérer pour des situations très spécifiques qu’il faut bien identifier. "
Bruno Tisseyre, professeur titulaire de la chaire AgroTIC