Scanopy démocratise l’usage des drones en viticulture
La start-up Scanopy développe des outils de cartographie par drones qui rendent plus accessible l’utilisation de ces petits engins aériens, notamment pour gérer les apports de fertilisants intraparcellaires ou suivre des essais de couverture du sol. Récit de deux expériences.
La start-up Scanopy développe des outils de cartographie par drones qui rendent plus accessible l’utilisation de ces petits engins aériens, notamment pour gérer les apports de fertilisants intraparcellaires ou suivre des essais de couverture du sol. Récit de deux expériences.
Voilà environ cinq ans que les drones ont réellement investi la viticulture. D’abord utilisés pour compter les pieds manquants et détecter les maladies, ces engins sont en passe de devenir de véritables outils d’aides à la décision (OAD). « Les cartes agronomiques que l’on obtient à l’aide des drones permettent de pratiquer une viticulture de précision », explique Léa Genaudeau, technico-commerciale chez Scanopy. La start-up, créée en 2017 et basée à Quincy, dans le Cher, dispose d’une flotte de cinq drones qui survolé près de 1 000 ha de vignes en 2019.
Moduler l’apport en fertilisants en fonction du zonage aérien
En 2019, Scanopy a réalisé un zonage de vigueur sur une parcelle de sauvignon blanc et de pinot gris du domaine Les Demoiselles Tatin, afin de l’aider à piloter la fertilisation de la vigne. « Cette parcelle d’environ 1,80 ha située sur une veine calcaire présente depuis longtemps des hétérogénéités de vigueur », expose Maroussia Tatin, vigneronne. Une hétérogénéité qu’elle observe aisément à l’œil nu au cours du cycle végétatif. « Mais on s’en rend surtout compte depuis le coteau d’en face. C’est donc compliqué de bien délimiter les différentes zones », indique la vigneronne. Par ailleurs, le domaine réalise ses apports de fertilisants en fin d’hiver alors qu’il n’y a pas encore de feuillage. « On n’a donc aucun repère pour savoir comment moduler la dose à ce moment-là », analyse Maroussia Tatin. Grâce à deux vols positionnés à environ six semaines d’intervalle, Scanopy a pu cartographier très précisément la vigueur intraparcellaire. « Dans l'application web on retrouve les zonages d'hétérogénéité généré automatiquement. Pour chaque zone, il faut entrer les consignes de vitesses qui permettent d'apporter la dose adécuate ", explique Léa Genaudeau. Le jour de la fertilisation, il suffit donc d'ouvrir l'application mobile, de sélectionner l'intervention de fertilisation en attente et de suivre les consignes indiquant la vitesse à adopter. Une possibilité offerte par la géolocalisation rang par rang.
Plus de transparence sur les choix techniques
« Il faut juste prévoir de former un peu son tractoriste sur cette nouvelle façon de travailler mais sinon c’est très simple », complète Maroussia Tatin. Pour la vigneronne, c’est aussi une façon de rendre plus ludiques les heures passées sur le tracteur. « Cela affine la capacité d’observation, pour peu que le sujet intéresse », note-t-elle. Maroussia Tatin n’a pas pu se servir des données issues de la cartographie de 2019 au moment de fertiliser, prise de court par le confinement. Elle prévoit de réaliser un nouveau vol en 2020 sur cette même parcelle. « On a l’impression que ce que l’on observait l’année dernière s’est décalé, peut-être à cause de la sécheresse », suppose Maroussia Tatin. Elle envisage de réaliser à l’avenir de nouveaux survols sur d’autres parcelles, afin de piloter sa fertilisation le plus finement possible sur l’ensemble de son vignoble. « Si ça se trouve dans quelques années on devra justifier pourquoi on a apporté de l’engrais. La cartographie me permet d’être très transparente sur mes choix techniques », rapporte-t-elle. Une transparence qui, dans le cadre de ce suivi, coûte 150 €/ha.
Un outil pour piloter la stratégie d’enherbement
Légèrement plus à l’Est, à Bué, près de Sancerre, Thierry Merlin, vigneron au domaine Merlin-Cherrier, s’interroge comme nombre de vignerons sur sa stratégie de couverture du sol. « Il y a quelques années, le village a été complètement inondé suite à de fortes pluies, raconte-t-il. On a donc commencé à se poser des questions sur la gestion de nos parcelles en pente. » Après avoir implanté un couvert dans les plus fortes pentes, le viticulteur, qui « aime bien essayer des choses », constate que l’enherbement contraint la vigne trop poussante, et améliore la qualité de ses raisins. Il décide alors d’aller plus loin. Sur une parcelle de sauvignon blanc, il confronte trois modalités de couverture du sol. « Il y a une partie complètement enherbée, une partie avec désherbage chimique sous le rang, et une partie entièrement désherbée chimiquement », présente-t-il. Il observe un premier décrochage en 2018 avec des différences de TAV de l’ordre de 0,5 % vol. entre la modalité enherbée à 100 % et la modalité entièrement désherbée. Sur les conseils de Marie Thibault, sa conseillère (voir encadré), Thierry Merlin réalise un suivi par drone afin de mesurer concrètement les différences de vigueur entre les trois modalités. « Les articles que j’avais lus sur les suivis par drone dans d’autres filières agricoles en faisaient bonne presse, alors j’ai eu envie d’essayer », témoigne le vigneron.
Suivre l’évolution de la vigueur tout au long de la campagne
« Sur cette parcelle, les sols sont homogènes, donc les différences viennent forcément des pratiques », précise le viticulteur. Scanopy, qui gère indépendamment du vigneron le planning des vols, fournit à l’issue de chaque session une cartographie de vigueur. Cette dernière, calculée à partir de l’indice NDVI et d’un capteur permettant de matérialiser le développement foliaire en 3D, évalue la capacité de production de bois de la vigne analysée. « En juin, la vigueur était homogène puis des différences sont apparues en juillet. Elles se sont très clairement accentuées en septembre », commente Léa Genaudeau. Pour Thierry Merlin, la cartographie est sans équivoque. « On voit clairement que la vigne s’est dégradée là où il y avait de l’herbe, cette dernière ayant pompé toute l’eau disponible », indique-t-il. Il a apprécié l’accessibilité de l’information transcrite sur les cartes. Le viticulteur n’a pas encore tranché sur la stratégie à adopter. « La canicule et la sécheresse de 2019 ont considérablement affaibli mes vignes. J’ai donc détruit tout le couvert en fin d’hiver. Je laisse l’herbe repousser tranquillement avant de remettre en place ces trois modalités au printemps prochain. » Le vigneron a toutefois demandé à Scanopy de réaliser deux vols en 2020 afin d’observer la réaction de la vigne suite à la destruction de ce couvert « ancien ». Pour chaque survol, Thierry Merlin investit 60 €/ha. À l’avenir, il envisage de recourir à ces engins pour suivre des essais de couverts à partir de différentes espèces végétales, « avec l’appui technique de la Sicavac ».
Scanopy travaille actuellement à l’implantation de ses capteurs sur des engins agricoles, notamment sur les enjambeurs. « Les contraintes technologiques sont plus fortes qu’avec les drones, mais nous devrions pouvoir tester notre prototype dans un vignoble pilote en 2021 », se réjouit Léa Genaudeau. Les retours des utilisateurs poussent par ailleurs les ingénieurs de Scanopy à réfléchir à la création de deux interfaces distinctes. L’une serait destinée aux viticulteurs tandis que l’autre serait plus spécifiquement adaptée aux besoins des instituts de recherche et centres d’expérimentation.
Avis d’expert : Marie Thibault, conseillère en viticulture à la Sicavac(1)
« Nous assurons le lien entre l’univers des nouvelles technologies et celui de la viticulture »
« Nous travaillons avec Scanopy depuis sa création, car leurs outils nous semblent intéressants à exploiter pour être encore plus précis dans nos analyses. Les premières années, nous avons passé beaucoup de temps à mettre au point les cartes, à apporter les réglages suffisants pour qu’elles cadrent avec la réalité des parcelles. Depuis l’année dernière, tout cela est au point et nous commençons à en tirer des choses intéressantes. La cartographie confirme ce que l’on observe mais permet d’en garder une trace précise et objective, notamment lorsqu’il s’agit de zonage. C’est un outil supplémentaire pour affiner notre conseil. Dans le cadre de suivis d’essais, les résultats sont très concrètement visibles par la cartographie et très simplement, ce qui facilite la prise de décision. Les producteurs n’ont pas toujours le temps de se pencher sur ce genre de technologies qui sont relativement nouvelles et qui nécessitent de réfléchir un peu différemment. Notre rôle en tant que conseiller est d’assurer l’interprétation des cartes afin de permettre aux producteurs de prendre les bonnes décisions. Nous assurons en quelque sorte le lien entre l’univers des nouvelles technologies et celui de la viticulture. »