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Robot viticole : en Cuma, le Jo travaille un parcellaire très morcelé

La Cuma de la Faye, en Bourgogne, réalise sa première campagne avec le robot chenillard Jo. Un investissement en commun qui permet aux adhérents de travailler le sol de manière respectueuse et sécurisée.

Dans les vignes étroites de la Cuma bourguignonne, le robot Jo, de Naïo Technologies, travaille entre 1,2 et 2 hectares par jour.
Dans les vignes étroites de la Cuma bourguignonne, le robot Jo, de Naïo Technologies, travaille entre 1,2 et 2 hectares par jour.
© L. Duclos

Ils sont les premiers à l’avoir fait en France ! Les vignerons bourguignons Damien Gachot, Éric Pansiot et Raphaël Dubois ont investi en commun dans un robot, via la Cuma de la Faye, à Villers-la-Faye, en Côte-d’Or. Selon eux, cette mutualisation permet de disposer d’un matériel neuf, tout en réduisant l’investissement personnel de départ. Le choix de la Cuma s’est porté sur le Jo de Naïo Technologies. Et ce, pour plusieurs raisons. Les viticulteurs souhaitaient diminuer l’utilisation d’énergies fossiles, limiter les tassements du sol, sécuriser le travail des opérateurs dans les parcelles dangereuses et pouvoir travailler le sol en autonomie. Autant de critères qui les ont guidés vers ce robot chenillard électrique, de tout juste 850 kg. En outre, ses 68 cm de large lui permettent d’évoluer dans les vignes plantées à 1 mètre.

Le Jo ayant été livré au printemps, les viticulteurs réalisent actuellement leur première campagne. Si tout n’est pas encore parfaitement rodé, le passage du robot dans certaines parcelles nécessitant encore des ajustements, l’organisation et la logistique, elles, semblent au point. Le chenillard est garé chez un viticulteur et y est ramené tous les soirs. C’est là qu’il est nettoyé et surtout chargé ; une opération qui prend environ 10 heures.

Les membres se le partagent selon les jours et les besoins, en échangeant par téléphone ou de vive voix. Ils le transportent d’une parcelle à une autre grâce à une remorque ou à un fourgon, sur lesquels ils disposent des rampes. Ces dernières, choisies pour supporter les 850 kg du robot, plus ses outils, servent à le charger et le décharger.

Entretien du sol complet, interrang et rang

Une fois arrivé sur la parcelle, quelques étapes de paramétrage (saut de rang ou pas, profondeur du relevage, …) suffisent à le lancer. Il a ensuite un débit de chantier de l’ordre de 1,2 à 2 hectares par jour, selon les conditions (salissure, morcellement, pente, type d’outil, etc). Chaque vigneron de la Cuma met entre trois et quatre jours à couvrir ses 3-4 hectares.

Jo travaille aussi bien le cavaillon que l’interrang, que ce soit simultanément ou séparément. Pour ce faire, il est équipé d’un porte-outil Boisselet (qui monte ou descend les perches via un vérin électrique) recevant, au choix, l’une des deux perches dont dispose la Cuma. L’une peut être dotée des décavaillonneuses Humus associées à un griffon, tandis que l’autre fonctionne avec un pack Vintage de Boisselet, qui comprend des griffes pattes d’oies et des outils de binage. « Quand on a besoin de changer d’outil, il suffit de dételer la perche et de mettre l’autre. C’est plutôt rapide », témoigne Damien Gachot. Il suffit en effet de déboulonner une tige et d’avancer le robot pour désolidariser la perche du porte-outil. Puis il faut reculer le robot sur la seconde perche et reboulonner la tige. Une opération réalisée en dix minutes.

Mais avant d’arriver à cela, il a fallu identifier les parcelles les plus propices au robot et les cartographier. Puis se former. « En amont du déploiement du robot, nous avons fait le tour des parcelles pour sélectionner celles avec les meilleures conditions pour le robot : pente raisonnable, c’est-à-dire jusqu’à 25-26 % chez nous, contours suffisants pour son demi-tour (de l’ordre de 3,50 m), détaille Damien Gachot. À partir de là, la cartographie a été réalisée par notre concessionnaire et le robot a été livré avec ces hectares de cartes. Nous avons fait une formation en salle, suivie d’une mise en route dans les parcelles. »

Aucun problème dans les pointes ou les chicanes

Au final entre 3 et 4 hectares de vigne, allant de quelques ares à un peu plus d’un hectare, ont été cartographiés chez chacun des trois vignerons. Soit l’équivalent de 10 à 12 hectares au total. Léa Duclos, technico-commerciale chez le distributeur Nodimat-Granday, du groupe Ouvrard, les a appuyés lors de cette démarche. « Certaines parcelles ont des complications avec des chicanes et des pointes mais le robot s’en accommode très bien : le tout est de bien cartographier la parcelle en amont », précise-t-elle.

Des temps de trajet moindres et pas de tractoriste

Pour les adhérents de la Cuma, la configuration du vignoble, qui s’étale sur une quarantaine de kilomètres, de Saint-Aubin à Vougeot, et ses contraintes parcellaires ajoutent de l’intérêt, y compris économique, au chenillard autonome. « Aujourd’hui, le Jo répond à un impératif de volume à travailler à l’hectare, résume Damien Gachot. Si l’on veut correctement entretenir le sol dans nos vignes, il faut beaucoup de temps. Et ce d’autant plus que nous avons un parcellaire très morcelé sur la Côte. Emmener le Jo en camionnette pour faire ces petites parcelles est moins coûteux que d’y aller directement à l’enjambeur. Par ailleurs, certaines parcelles sont plutôt dangereuses : avec le robot, on peut les travailler sans mettre en danger nos tractoristes. »

Autre atout : le robot fonctionne sans qu’il y ait besoin de tractoriste. Les utilisateurs interviennent au démarrage et à la fin de la mission, et le supervisent de loin le reste du temps. L’investissement mutualisé dans ce premier robot a également pour objectif de valider sa pertinence. Si les résultats en fin de campagne sont probants, les viticulteurs de la Cuma envisagent d’autres acquisitions similaires.

zoom sur

Jo

CONSTRUCTEUR Naïo Technologies

DIMENSIONS largeur : 0,68 m, longueur : 2 m, hauteur : 2 m (support antenne déplié)

POIDS 850 kg (sans outils)

VITESSE DE TRAVAIL 2,2 km/h maximum

MOTORISATION électrique 48 V, deux moteurs de 3 000 W

TYPE DE BATTERIES lithium-ion (pack standard : 16 kWh, pack optionnel : 21 kWh)

AUTONOMIE jusqu’à 10 heures de travail et autant de temps de charge

RELEVAGE 1 vérin électrique d’une capacité de 250 kg. Capacité de traction : 400 kg

PRIX 115 000 à 130 000 euros HT selon les options et outils

En vignes larges : un investissement en commun intéressant pour un peu plus de 30 hectares

La FRCuma Occitanie s’est penchée sur l’intégration concrète des robots dans les Cuma viticoles. Comment partager un robot ? La technologie répond-elle bien aux attentes des viticulteurs ? Y a-t-il une pertinence organisationnelle et économique à ce type d’équipement ? Toutes ces questions, et bien d’autres encore, ont été passées au crible. « En discutant avec les vignerons, il est clairement ressorti qu’au printemps, c’est le rush. Et ce qui en pâtit, c’est le désherbage mécanique », résume Marie-Flore Doutreleau, chargée de mission agroéquipement au sein de la FRCuma Occitanie. Dans ce cadre, disposer d’un robot permettrait de réaliser un passage de décavaillonneuse supplémentaire et deux tontes de plus.

Peu adapté aux parcelles de moins de 2 hectares

La FRCuma a donc étudié la faisabilité financière d’un tel investissement en vignes larges. « Tout d’abord, nous avons établi qu’à part lorsqu’elles sont regroupées, les petites parcelles de moins de 2 hectares ne sont pas intéressantes à travailler au robot. Le temps de transport, puis de chargement et déchargement du robot est trop chronophage », détaille Marie-Flore Doutreleau. De même, une surface d’environ 30 hectares semble souhaitable pour rentabiliser l’outil. « Dans la simulation que nous avons effectuée, la Cuma comprend quatre vignerons, 32 hectares et sept passages chacun », précise la chargée de mission.

Un coût horaire supérieur à celui d’un tracteur entrée de gamme…

Au niveau du débit de chantier, le robot peut évoluer à environ 5,5 km/h lorsque le tracteur, lui, travaille à 8-12 km/h (disques émotteurs) ou 9-10 km/h (tondeuse). Pour un même itinéraire, comprenant deux passages d’interceps, deux passages de disques émotteurs, un passage de décavaillonneuse et deux tontes en vignes à 2,20 m, on passe ainsi de 8,3 h/ha pour l’entretien du sol avec un tracteur à 11,32 h/ha avec un robot.

Si on compare le prix d’un tracteur d’entrée de gamme classique avec les outils de travail du sol, à celui d’un robot Bakus avec batterie 60 kWh et outils électriques, la différence de prix est nette : on passe de 79 000 euros à 180 000 euros. Mais si l’on ajoute la main-d’œuvre, la différence commence à se réduire : 42 euros de l’heure avec le tracteur contre 67 euros de l’heure pour le robot (avec prise en compte d’une demi-personne en main-d’œuvre pour le robot pour le charger, transporter et décharger, contre une pour le tracteur). Soit un coût à l’année de 17 600 euros pour le tracteur et de 28 350 euros pour le robot.

… mais proche de celui d’un tracteur haut de gamme

Une différence qui s’amoindrit encore si l’on compare cet équipement avec un tracteur haut de gamme doté d’autoguidage, valant 130 000 euros. Le coût à l’heure, avec main-d’œuvre, passe de 66 euros pour le tracteur à 67 euros pour le robot ! Le coût annuel est quant à lui de 23 900 euros et 28 000 euros.

Avec les vignerons de la simulation, la FRCuma Occitanie a aussi répondu à des questions techniques comme le mode de transport le plus pratique d’une parcelle à une autre : avec un pose à terre, et le mode de chargement le plus adapté : avec une borne mobile.

Ils ont identifié des freins, le premier d’entre eux étant les zones blanches où l’utilisation de ce type de matériel est impossible. Le second est la topographie. Les pentes ou dévers trop importants pénalisent le robot. De même, il n’arrive pas à travailler dans des vignes « mal tenues ». Enfin d’un point de vue concret, il est préférable que tous les utilisateurs du robot effectuent les mêmes opérations à la suite afin de limiter les pertes de temps liées aux opérations d’attelage et de dételage (40 à 50 minutes). Et il est souhaitable de désigner une personne référente ou d’embaucher un salarié formé, le matériel étant malgré tout spécifique.

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