Stratégie: ils relancent une IGP de vin localement
En Charente, à 30 minutes à l’est d’Angoulême, le vignoble de Saint-Sornin est un peu oublié. Jacques Soulat, caviste à Angoulême et Olivier Pucek, vigneron, ont décidé de contribuer à le réveiller en élaborant un vin IGP charentais saint-sornin.
En Charente, à 30 minutes à l’est d’Angoulême, le vignoble de Saint-Sornin est un peu oublié. Jacques Soulat, caviste à Angoulême et Olivier Pucek, vigneron, ont décidé de contribuer à le réveiller en élaborant un vin IGP charentais saint-sornin.
Saint-Sornin, c’est la désignation géographique qui s’affiche sur l’étiquette du vin IGP charentais que sortent début juillet 2020, Jacques Soulat, caviste et négociant à Angoulême et Olivier Pucek, devenu vigneron par passion (en plus d’un autre métier). En 2019, ils ont fondé la SARL Grands vins de Charente (GVC). Ils ont repris pour l’instant 3 ha en fermage. « On veut maîtriser », lance Olivier Pucek.
Mettre en valeur un patrimoine local qui souffre
La possibilité de revendiquer "Saint-Sornin" est offerte aux vignes de ce coin de Charente depuis 1992. « Cela fait bien dix ans qu’il n’y a pas eu une bouteille de saint-sornin. Pourtant il y a des gens qui se sont battus pour avoir cette dénomination », expose Jacques Soulat. Au sein de l’IGP charentais, Saint-Sornin partage ce privilège avec deux stars du tourisme, l’île de Ré et l’île d’Oléron. Autant dire qu’à Saint-Sornin, le challenge est beaucoup plus corsé. Le vignoble est situé à 30 minutes d’Angoulême, sur les cantons de La Rochefoucauld et de Montbron. Ce coin verdoyant mais désertifié, où se produisait la pantoufle charentaise, peut attirer les amateurs de préhistoire, de vieilles pierres et de nature… mais la mer et ses touristes, c’est loin ! « C’est un projet local. Notre but c’est l’amélioration de la qualité », martèle Olivier Pucek.
Que l’on puisse faire du bon vin ici, sur ce terroir que le chaier des charges de l'IGP décrit comme « argilocalcaire sur calcaire », les deux associés en sont persuadés. Même si « ça grêle, ça gèle », soupire Olivier Pucek. Situés sur les premiers contreforts du Massif Central, les coteaux sont exposés sud, au-dessus de la vallée de la Tardoire, à 200-250 m d'altitude.
Henri Jammet, qui fut directeur de la coopérative, a déjà apporté la preuve du potentiel du lieu. À partir de 1998, il a élaboré le Guimbelot, un vin de France issu de chardonnay planté à 10 000 pieds/ha. Son vin s’est taillé une petite réputation dans la région, allant jusqu’à challenger des grands bourgognes dans des dégustations. Il a aussi planté du chenin. Le vigneron a revendu ses vignes mais son exemple a inspiré Olivier Pucek pour devenir vigneron à partir de 2009, sur un peu moins de 3 ha. Lui s’est lancé dans des rouges issus de syrah, pinot noir et gamay, qu’il élabore sous le nom Maverlan en vin de France également.
Le pari de la valorisation avec des vins de terroir premium
Le vin IGP de Jacques Soulat et Olivier Pucek est un gamay associé à « 5 à 7 % de cabernet franc ». Ils sont assez contents du profil fruité, assez intense et frais de leur premier millésime. Ils lui ont offert des barriques ayant déjà élevé pendant 18 mois un premier cru classé du Médoc. À la vigne, ils ont engagé la conversion en bio. Ils visent résolument un créneau premium pour cette première cuvée, avec un prix entre 12 et 15 €. Le positionnement est assurément inédit pour un vin IGP charentais saint-sornin. Une deuxième cuvée 2019 est prévue, un peu moins chère. « Cette année, on va faire du bon vin mais nous voulons faire un grand vin de Charente », ambitionne Jacques Soulat avec « une belle matière, de la puissance pour la garde ». « Je ne sais pas ce que les gens ont avec le prix du vin quand on voit qu’ils dépensent 4,20 € pour acheter une cannette ou 8 € pour une bière », lance Olivier Pucek pour qui la valorisation est la seule issue dans ce vignoble.
Faire jouer les synergies pour limiter les investissements
GVC s’est installé dans les locaux de l’ex-cave coopérative de Saint-Sornin (voir encadré). Les associés ont rééquipé le chai de cuves plus petites, achetées d’occasion, plus proportionnées à leurs ambitions volumiques.
Érick Delage, ex-salarié de la cave de Saint-Sornin, a été embauché pour gérer la boutique, veiller sur le chai et donner des coups de main à la vigne. Il connaît le vignoble comme sa poche. Une jeune femme a été recrutée pour s’occuper des vignes. Le travail à la vigne et au chai est réalisé en commun avec l’exploitation d’Olivier Pucek qui emploie lui-même un salarié. Ils s’aident ponctuellement de saisonniers.
Commercialement, « on va beaucoup travailler sur la clientèle locale », dévoile Jacques Soulat. Avec sa cave Maison Soulat, il a constitué un solide réseau de vente. Il est notamment partenaire d’événements locaux où son wine truck baptisé Maurice est de sortie. Il a aussi repéré l’attente forte de produits locaux ces dernières années. Une attente que l’épisode du Covid-19 a renforcé. Il élabore lui-même en négoce Le vin du coin, une gamme de vins IGP charentais qui plaît beaucoup. À Saint-Sornin, il peut aussi compter sur la clientèle d’Anglais et de Hollandais qui habitent à côté.
Les associés n’ont pas l’ambition de faire renaître à eux seuls tout le vignoble. Avec leur IGP charentais saint-sornin, ils veulent d’abord faire un vin dont "on soit fiers et dont les habitants du coin puissent être fiers". Ils visent à terme 25 000 à 30 000 bouteilles. « On peut intéresser une clientèle nationale si c’est bon. Il y a quelques pépites dans le vignoble, notamment de superbes cabernets francs », s’enthousiasme Olivier Pucek. « On est aux prémices de la renaissance. Rendez-vous dans dix ans », plaisante Jacques Soulat. Le vignoble planté de merlot, gamay, cabernet sauvignon, cabernet franc recèle aussi quelques curiosités comme l’arinarnoa ou le jurançon noir. L'initiative de GVC a déjà quelques effets. Jacques Soulat a reçu l’appel d’une femme lui demandant de venir voir huit rangs de vigne situés près du cimetière qu’elle s’apprêtait à arracher, se disant tout d’un coup qu’elles avaient peut-être une valeur.
De nouvelles pages à écrire
L’IGP charentais est la seule dénomination possible pour le vignoble car il est hors de la zone d’appellation du cognac. La coopérative de Saint-Sornin, cofondée par l’instituteur de Saint-Sornin en 1967, bénéficiait d’un fort attachement de la population locale. En 2015, elle est tombée dans le giron du groupe coopératif Ocealia. Lorsqu’en juillet 2018, un violent orage de grêle a dévasté le bâtiment et les vignes, le chai et le magasin ont été fermés. Des vignerons livrent toujours leurs raisins à Ocealia qui en fait de l’IGP charentais ou du VSIG, mais le vignoble périclite faute de valorisation. Selon Olivier Pucek, une cinquantaine d’hectares sont encore travaillés et une dizaine d’hectares sont en friche. Jacques Soulat a repris la boutique de la cave coopérative. « Les anciens étaient super contents qu’elle réouvre. » Il y vend les BIB d’Ocealia mais aussi sa sélection Maison Soulat.
Le projet de relance de Jacques Soulat et Olivier Pucek est soutenu par la communauté de communes (CDC) de La Rochefoucauld-Porte du Périgord. C’est elle qui a racheté et rénové le bâtiment de la cave coopérative et leur en loue la moitié. Une collaboration est envisagée avec un centre de réinsertion voisin pour initier des personnes à la viticulture.
repères
GVC
Localisation Saint-Sornin (Charente)
Surface 3 ha
Cépages gamay, cabernet franc
Appellation IGP charentais saint-sornin
Commercialisation Objectif millésime 2019 : 10 000 bouteilles.