Regarder les flux de sève pour former le cep
La prise en compte des flux de sève revêt une grande importance pour la taille des plantiers. Choisir le mauvais sarment peut conduire à des malformations physiologiques qui pénalisent le futur cep.
La prise en compte des flux de sève revêt une grande importance pour la taille des plantiers. Choisir le mauvais sarment peut conduire à des malformations physiologiques qui pénalisent le futur cep.
« Je me suis rendu compte de l’importance de la taille au moment de la formation en étudiant les pieds qui végètent, et ceux qui sont atteints d’esca très jeunes, explique François Dal, formateur à la Sicavac de Sancerre. À chaque fois que j’ai ouvert un tel cep, j’ai trouvé un déséquilibre lié à la taille. » Il faut dire que bien souvent, les viticulteurs font attention aux flux de sève une fois le pied adulte, mais n’y pensent pas lors de la formation du cep. Or c’est un élément crucial pour la vie de ce dernier.
Les inversions de flux conduisent à la formation de goulots d’étranglement à la base du cep. Un processus vicieux car la vigne continue à pousser tout de même, sans que ces goulots soient visibles. Les répercussions arrivent dix ou vingt ans plus tard. « Si l’on ne porte pas attention aux plaies des cinq premières années, on amène le pied à la mort », estime le conseiller. Voici donc comment former un plant sur de bonnes bases, en respectant ses flux de sève.
Un déséquilibre systématique dans la greffe
Pour comprendre l’importance de raisonner la taille de formation, il faut savoir qu’il existe un déséquilibre systématique dans la greffe. L’œil qui constitue le greffon envoie des hormones qui favorisent la soudure des canaux de sève et la reprise. De fait, le côté du bourgeon est toujours plus qualitatif que l’autre, qui présente des nécroses (voir photo). « On s’en rend compte facilement en décapitant les greffes », relève François Dal. Le flux de sève direct et efficace se situe exactement sous ce premier bourgeon. Et plus la greffe est de bonne qualité, plus la proportion du flux augmente.
Le tout premier geste de taille, lors de l’hiver qui suit la plantation, est un acte déterminant. En règle générale, il est très facile de repérer le flux de sève à cette étape. Il passe par le sarment qui a poussé depuis le dessous du courson formé par le pépiniériste. C’est-à-dire à l’opposé du « téton » de cire. « Si l’on plante à la main, on peut orienter les plants afin de tailler toujours du même côté », suggère François Dal.
La tentation, lorsque l’on coupe à deux yeux, est de garder le sarment le mieux orienté et qui nécessitera le moins de coups de sécateurs. De même, on aurait tendance à éliminer le plus faible. Or si l’on garde le bois implanté vers le mauvais côté de la greffe et que l’on taille l’autre, c’est à ce moment que l’on crée un goulot d’étranglement et une rupture de flux. « Il ne faut pas avoir peur de garder une pousse plus faible, si elle est sur le flux elle aura rattrapé son retard dès l’année suivante », assure le conseiller. Par ailleurs, contrairement à ce que craignent les viticulteurs, garder un courson qui n’est pas dans l’alignement ne conduit pas à des ceps tordus, le plant se rééquilibre. « Il ne faut pas non plus avoir peur de couper avant le premier œil au besoin, les bourgeons sur la couronne, à la base, sont suffisants », ajoute-t-il. Pour anticiper l’année suivante, il est également possible de faire en sorte que le premier œil franc soit côté extérieur, pour qu’il soit dans le flux.
Lors de la seconde taille, garder le plus gros bois
Lors de la deuxième taille, il est possible de procéder en observant le flux de sève, mais le plus facile est de regarder la grosseur des sarments. Celui qui est le mieux développé est généralement celui qui est sur le bon flux, et donc celui à garder. Une erreur fréquente est de laisser un sarment légèrement moins gros, mais parfaitement droit et dans l’axe du plan. « C’est condamner le cep à vivre avec un handicap qu’il gardera pour toujours », estime François Dal.
Il recommande par ailleurs de ne pas former le tronc trop rapidement pour ne pas avoir une base fragile. « Une étude sur chardonnay en Bourgogne nous a démontré que plus on monte le pied rapidement, plus il y a ensuite de symptômes d’esca », étaye le technicien. Il conseille donc de regarder le volume de bois produit pour déduire la capacité à produire du nouveau bois. Généralement, une jeune vigne a la capacité de doubler son volume, et un complant peut produire un sarment supplémentaire. Ainsi, pour un plant ayant deux sarments, l’idéal est de laisser quatre yeux sur une plantation nouvelle, ou trois sur une complantation.
le conseil
Pour être sûr d’avoir le meilleur sarment pour la taille, une option est de passer en vert pour sélectionner la branche adéquate. Pour François Dal, le mieux est d’intervenir tôt, lorsque le rameau fait sept ou huit centimètres, puis de passer quinze jours après pour attacher. Attention toutefois dans les régions ventées, pour éviter la casse mieux vaut ne pas miser sur une seule branche.
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