Quel président pour la viticulture ?
Quel candidat à la présidentielle porte le programme le plus favorable à notre filière ? Pour le savoir, nous avons soumis les cinq principaux concurrents à quatre questions. Seule la candidate frontiste ne nous a pas répondu, malgré nos multiples relances. Ses positions proviennent donc de son site de campagne.
Quel candidat à la présidentielle porte le programme le plus favorable à notre filière ? Pour le savoir, nous avons soumis les cinq principaux concurrents à quatre questions. Seule la candidate frontiste ne nous a pas répondu, malgré nos multiples relances. Ses positions proviennent donc de son site de campagne.

Les responsables professionnels français sont très attachés au maintien de l’OCM viti-vinicole. Il en va de même pour plusieurs candidats, qui se disent favorables à sa conservation, à l’image de François Fillon et d’Emmanuel Macron. Le premier va même plus loin, en plaidant pour une simplification administrative des dossiers. Benoît Hamon ne se prononce quant à lui pas sur l’opportunité de maintenir, ou non, l’OCM viti-vinicole, mais il insiste sur le fait que la future PAC doit être faite « pour les consommateurs européens » et mette en place des outils de régulation.
Par ailleurs, tant Emmanuel Macron que François Fillon veulent peser au niveau européen, afin d’aboutir « à la négociation d’accords de libre-échange pour assurer notre compétitivité à l’export, tout en protégeant nos appellations », informe l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron. Benoît Hamon est sur la même ligne en ce qui concerne la protection des IG au niveau mondial.
À l’inverse, Marine Le Pen souhaite que la France « retrouve sa souveraineté nationale, avec une Europe des nations indépendantes ». Par voie de conséquence, elle compte transformer la Politique agricole commune en politique agricole française et refuser les traités de libre-échange (Tafta, Ceta, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.). Un dernier point qu’elle a en commun avec Jean-Luc Mélenchon, qui déclare vouloir s’opposer à « la concurrence sans règle que préparent les traités de libre-échange, Ceta et Tafta ». Le candidat de la France Insoumise voudrait également « rétablir la spécificité du vin dans la politique européenne, le vin étant un produit culturel autant qu’alimentaire ».
La « libération » des entreprises est l’un des chevaux de bataille de François Fillon. Il propose de simplifier le droit des entreprises agricoles, pour laisser les agriculteurs choisir la forme juridique de leur exploitation. Par ailleurs, il prévoit que les vignerons bénéficient « de la baisse généralisée des charges sur les entreprises de 40 milliards d’euros ». Et les salariés, d’une baisse des charges de 10 milliards d’euros. Des diminutions qui seraient financées par « une hausse de deux points de la TVA, touchant également les produits importés, qui participeraient ainsi au financement de la protection sociale ». De même, le candidat des Républicains suggère « d’abroger par ordonnance toutes les normes ajoutées aux textes européens ». Et il plaide pour la création d’un compte épargne aléas climatiques et économiques, « alimenté librement pendant les bonnes années (comptabilisé en charge d’exploitation), utilisable en cas de pertes (comptabilisé en produit d’exploitation) et très simple d’utilisation. » Un dispositif qu’il souhaiterait abondé par l’aide à l’assurance récolte.
Emmanuel Macron n’est pas en reste. La « libération » des entreprises fait également partie de son programme. Il ambitionne de lever les « freins relatifs à la franchise et au seuil de déclenchement des assurances climatiques, pour mettre à disposition des vignerons le souhaitant une assurance efficace soutenue par l’Union Européenne ». De même, il veut « permettre d’entreprendre plus facilement ». Notamment par le biais de « la transformation du CICE en allégement de charges », avec « la révision de toutes les normes inutiles » et "le droit à l’erreur avec une administration qui conseille plus qu’elle ne sanctionne". Quant à Marine Le Pen, elle promet de simplifier le quotidien des agriculteurs "en stoppant l’explosion des normes administratives et encourager l’installation des jeunes agriculteurs, par le biais de défiscalisations durant les premières années".
Dans ce domaine dit « environnemental », les candidats sont particulièrement prolixes. Logiquement, Jean-Luc Mélenchon est le plus « jusqu’au-boutiste ». Sa conviction est « que le bio doit devenir la règle et la chimie l’exception dans la gestion des cultures. » Il prône « l’interdiction de tous les pesticides dangereux », notamment du glyphosate, et veut bannir le désherbage chimique « toxique pour l’environnement et aberrant pour la fertilité durable des sols ». Il envisage d’introduire « une taxation croissante des intrants chimiques (pesticides et engrais) au cours du temps » et veut libérer les vignerons « de leur dépendance face à tous les vendeurs de produits, surtout à l’heure de la monstrueuse fusion entre Bayer et Monsanto ». Le candidat socialiste va dans le même sens, mais de manière plus modérée : il veut retirer l’AMM de tous les pesticides dangereux. Pour le reste, les propositions de Benoît Hamon se situent dans la continuité de la politique menée par Stéphane Le Foll, puisqu’il compte promouvoir l’agro-écologie. « Il faut cesser de considérer que la prise en compte des préoccupations environnementales constitue une contrainte, explique-t-il. Il faut l’intégrer dans les facteurs positifs de la production agricole et prendre les consommateurs à témoin : ils sauront reconnaître les démarches vertueuses. »
De son côté, le candidat d’En Marche note que la prise de conscience des producteurs est là. Il prône une politique de tolérance et non d’opposition entre bio et conventionnel, et souhaite sortir d’une démarche d’écologie punitive. Pour ce faire, il souhaite lancer le PSE, ou Paiement pour services environnementaux, visant à rémunérer les vignerons s’engageant volontairement dans des pratiques vertueuses ; une mesure assortie d’un budget de 200 millions d’euros par an. Parallèlement, il prévoit la mise en place d’un plan de transformation agricole (5 milliards d’euros sur cinq ans), ayant pour but de "moderniser les exploitations ayant un impact positif sur l’environnement".
Pour sa part François Fillon veut d’un côté supprimer les produits à dangerosité avérée, en retirant leur AMM, et d’un autre côté, il compte favoriser les pratiques innovantes en insérant un espace de liberté au sein des cahiers des charges des AOC, et en rendant les exploitations éligibles au Crédit impôt recherche. Il souhaite développer la certification HVE ainsi que la recherche « dans l’agriculture 3.0 », afin « de s’approcher du juste nécessaire de produits phytosanitaires ». De manière plus générale, il souhaite appuyer la recherche viticole, en investissant dans quatre axes de recherche prioritaires : le machinisme viticole, la lutte contre les maladies de dépérissement, la création de variétés résistantes ou encore les recherches sur la fertilité des sols.
La plupart des candidats sont favorables à une poursuite, voire une amplification de la prévention, comme l’explique Benoît Hamon : « l’apprentissage de la dégustation, la découverte de nos terroirs et de leurs produits constituent les meilleures façons d’encourager la modération et d’éviter les excès, estime-t-il. Je ne suis pas convaincu par les approches prohibitionnistes, l’essentiel est de responsabiliser le consommateur ». Pour leur part, Emmanuel Macron désire allouer plus de moyens à la prévention, et Jean-Luc Mélenchon est favorable à une lutte globale contre les addictions, psychotropes compris. Par ailleurs, il souhaite veiller « à ce que les choix de santé publique ne soient pas pris en otage par des lobbies ». De son côté, François Fillon désire « aller plus loin dans la lutte contre l’alcoolisation des jeunes » et renforcer les actions de prévention « dans le champ de la santé au travail ». Tant Emmanuel Macron que François Fillon se disent satisfaits de l’équilibre atteint dans le cadre de la loi Evin.
À l’heure où nous envoyons ce numéro à l’imprimerie, François Fillon est toujours candidat à l’élection présidentielle.Ce qu’ils en pensent
La plupart des responsables professionnels que nous avons interrogés espèrent que le vainqueur des urnes sera un pro-européen. Et pour cause. Le maintien dans l’Union Européenne est indispensable pour notre filière, sous peine de voir les exportations de vins s’effondrer suite à des droits de douane supérieurs à ceux de nos concurrents. Or avec une consommation intérieure qui ne cesse de s’éroder, c’est bien sur les marchés extérieurs que la croissance se fait.
Le président du Cniv, Jean-Marie Barrillère, va un peu plus loin. Il estime qu’Emmanuel Macron et François Fillon sont les mieux placés pour défendre la filière, car « on a besoin de refaire des choses », déclare-t-il. Thomas Montagne, le président des Vignerons indépendants de France, a quant à lui choisi son candidat. Il estime que François Fillon est le mieux à même de soutenir les entreprises que sont les exploitations viticoles. « Il a repris 16 de nos 18 propositions dans son programme agricole », se réjouit-il. Pour sa part, Bernard Farges, le président de la Cnaoc, reste prudent : « le sujet pour nous, ce ne sont pas les élections. Il n’y a que des recueils de bonnes intentions jamais tenues. Ce qui importe, c’est le travail mené avec les équipes en place après, afin que la viticulture puisse se faire entendre le mieux possible ». De toute part, les responsables professionnels appellent les vignerons à aller voter.