Oenologie
Quand les levures influent sur les fermentations malolactiques
Oenologie
Toutes les levures n´ont pas le même impact sur la croissance des bactéries lactiques : certaines souches la favorisent, d´autres l´inhibent.
Les souches de levures ne se contentent pas d´effectuer les fermentations alcooliques mais jouent également un rôle sur le déroulement à suivre des fermentations malolactiques. C´est ce que laissent entendre plusieurs chercheurs et onologues.
A l´Institut coopératif du vin, dans l´Hérault, Dominique Delteil note, par exemple, des différences nettes entre la levure ICVK1 et la ICVD47. « Sur un même moût, les malos tardent davantage après une fermentation alcoolique effectuée par une ICVK1 marquée qu´après une fermentation effectuée par la ICVD47. » Un phénomène que l´ICV explique d´abord par le fait que la K1 produit davantage de SO2 que la D47 au cours de la fermentation alcoolique, ce qui gène le développement à suivre des bactéries. Ce n´est pas la seule explication avancée : « la ICVK1 acidifie davantage le vin que la ICVD47. Ce qui participe à l´inhibition, les bactéries préférant les vins peu acides », poursuit l´ICV.
Compétition sur les nutriments
Si la production de composés soufrés par les levures et l´acidification du milieu sont à priori les deux principaux facteurs d´intéractions entre levures et bactéries, les levures les plus consommatrices de nutriments et notamment d´azote assimilable sont également en cause. « Une souche de levure qui a de faibles besoins en azote, comme la QA 23, la EC1118 ou la 71B, facilite en général la fermentation malolactique à suivre. Alors qu´après une levure exigeante comme la L2226, la malo est souvent plus difficile », constate André Fuster de la société Lallemand. Il y aurait compétition sur les nutriments : plus la levure consomme d´azote moins il en reste pour les bactéries, on peut même arriver à des situations de carence. Et en cas de carence azotée justement ou de stress, les levures peuvent produire des composés soufrés ou des métabolites (acides gras...) qui gênent encore plus le développement des bactéries. Quant aux levures qui, à la fois, ont de gros besoins en azote et produisent beaucoup de SO2, elles sont de fortes chances de gêner les bactéries.
©D. R. |
Eric Pilatte, de chez Chr. Hansen, met également en cause la vitesse d´autolyse des levures. « Depuis cinq ans, nous avons observé que certaines levures champenoises à autolyse lente peuvent retarder l´implantation des bactéries ».Elles libèrent moins vite leurs composants dans le vin. « Certaines souches de bactéries sont plus sensibles que d´autres à ces phénomènes, ajoute l´onologue, mais il y a toujours un effet notable. »
Trouver le bon couple levure/bactérie
A l´inverse, les levures peuvent libérer des molécules favorisant le développement des bactéries. Sur vins rouges, l´ICV rapporte que les malos s´effectuent plus rapidement après des macérations longues qu´après des macérations courtes, « sans doute parce que les macérations longues libèrent davantage de polysaccharides dans le vin, qui favorisent le développement des bactéries ». « La levure LalvinBM45, qui produit beaucoup de polysaccharides au cours de la fermentation alcoolique, favorise en général la malo », confirme André Fuster. Mais attention, tout n´est pas si simple. « Comme d´autres levures, si elle ne trouve pas suffisamment de nutriments dans le moût, elle peut à contrario produire des inhibiteurs de bactéries (acides gras, composés soufrés...) et freiner le déroulement de la malo. »
Les Etats-Unis se penchent également sur les intéractions levures/bactéries. L´Université de Cornell, qui a comparé quelques souches, a mis en évidence le fait qu´un ensemencement avec la levure Lalvin EC1118, associé à un ensemencement avec la bactérie Lalvin 31, après fermentation alcoolique, permet d´effectuer très facilement les malos.
Tous les couples possibles levures/bactéries ne sont pas encore passés au banc d´essai, les comparaisons n´en sont qu´à leur début. Il peut néanmoins s´avérer intéressant de se renseigner d´ores et déjà auprès des distributeurs de levures pour choisir des souches qui favorisent la malo lorsque celle-ci est désirée, ou au contraire des souches qui inhibent les bactéries, lorsque l´on veut éviter les départs en malo.