Privilégier les racines courtes à la plantation
Pour Olivier Jacquet, responsable Vigne et vin de la chambre d’agriculture du Vaucluse, l’occupation du sol par le système racinaire est déterminante pour assurer la pérennité de la vigne. Cela peut s’anticiper dès la plantation en favorisant les pieds à racines courtes.
Pour Olivier Jacquet, responsable Vigne et vin de la chambre d’agriculture du Vaucluse, l’occupation du sol par le système racinaire est déterminante pour assurer la pérennité de la vigne. Cela peut s’anticiper dès la plantation en favorisant les pieds à racines courtes.
Quel constat vous a amené à réfléchir sur le développement du système racinaire des jeunes plants ?
Les pieds livrés par les pépiniéristes qui ont de longues racines sont présentés comme plus robustes et disposant de plus grandes réserves qui faciliteront les taux de reprise. Avec mon équipe, nous étions d’accord sur le principe mais nous avions des doutes concernant l’impact à long terme sur l’implantation du système racinaire. En 2013, nous avons donc mis en place des essais comparatifs avec des pieds avec des racines longues plantées « comme à la machine » en regroupant les racines sur le côté, des plants avec racines coupées à ras et d’autres avec des racines de 5 cm de long que nous avons disposé en étoile. Pendant quatre ans, nous avons suivi le développement de ces vignes. Puis nous les avons arrachées afin d’observer l’implantation du système racinaire en profondeur et aux alentours. Les différences étaient probantes.
Qu’avez-vous constaté au niveau racinaire ?
La première année, les plants à racines longues et de côté se développaient mieux, et il y avait peu de mortalité. Mais après quatre ans, les racines secondaires repartaient des racines primaires et s’orientaient exactement dans la même direction, pour une occupation du sol très limitée. En revanche, les racines des deux autres modalités repartaient du talon et bifurquaient dans tous les sens. Nous avons de plus observé un poids racinaire très variable : 19 g pour les racines coupées à ras, 30 g pour les racines sur le côté et 51 g pour celles en étoile. Ce qui montre bien l’impact sur la croissance du système racinaire. Dans les conditions expérimentales, avec un sol qui n’était pas travaillé pour une replantation, environ 75 % de l’espace autour du pied était occupé avec les racines en étoile, contre 40 % pour les racines sur le côté. Or selon moi, pour avoir une vigne durable, et notamment dans des conditions de sécheresse accrue, il faut que les racines puissent descendre en profondeur chercher de l’eau et s’implanter dans un périmètre pas trop restreint pour trouver des nutriments.
Et quant au développement aérien ?
Les deux sont liés, c’est évident. Nous avons constaté un aoûtement bien plus important sur les plants à racines en étoile. À l’inverse, les plants à racines coupées étaient les moins aoûtés au stade quatre feuilles. Ce sont également ceux-là qui ont subi le plus de mortalité.
Il vaut donc mieux privilégier les pieds avec racines disposées en étoile ?
Tout n’est pas encore validé car nous arracherons à nouveaux quelques plants au bout de huit ans, temps nécessaire pour que la vigne puisse totalement mettre en place son système racinaire. Mais pour l’heure, c’est l’alternative la plus pertinente.
Comment procéder pour disposer les racines en étoile ?
C’est une étape qui est forcément manuelle : il faut espacer les racines et faire en sorte qu’elles s’orientent dans toutes les directions, un peu comme une étoile. Il faut ensuite creuser un trou à la bêche et veiller à étaler les racines au fond du trou. De ce fait, cette technique est envisageable pour remplacer des manquants. On ne peut pas planter une parcelle entière à la main. Ce serait bien trop long et bien trop coûteux. Les plants avec des racines de 5 cm maximum sont un bon compromis, cela permet de garder des réserves en s’assurant que les racines restent droites.
Faut-il en faire expressément la demande auprès de son pépiniériste ?
Oui, car même si globalement les pépiniéristes sont assez réceptifs à nos alertes et fournissent de plus en plus de pieds à racines courtes, il faut continuer d’interpeller. Je pense qu’aujourd’hui environ 80 % du vignoble est mal planté, donc c’est un sujet qu’il ne faut pas prendre à la légère. Nos travaux font par ailleurs l’objet d’une étude dans le cadre du projet Origine mené avec l’IFV, lui-même partie intégrante du plan de dépérissement du vignoble.