Préférer le compost jeune pour les vignes
Fertiliser à l’aide d’un compost jeune est préférable, que ce soit en conventionnel, en bio, ou même en biodynamie. C’est ce que confirment les essais de Dominique Massenot.
Fertiliser à l’aide d’un compost jeune est préférable, que ce soit en conventionnel, en bio, ou même en biodynamie. C’est ce que confirment les essais de Dominique Massenot.
Le sixième congrès sur l’approche biodynamique de la vigne, organisé à Arbois en février dernier, a été l’occasion pour Dominique Massenot, conseiller-formateur, de présenter ses derniers résultats d’expérimentations.
Il s’est notamment penché sur l’évolution de la qualité d’un compost au fil du temps. D’après ses conclusions, l’âge idéal se situe aux alentours du premier mois. « Je souhaitais bousculer les idées reçues en biodynamie. Beaucoup de viticulteurs ont tendance à faire des composts très mûrs, qui ressemblent presque à du terreau, explique-t-il. Ils ont alors des sols riches en matière organique, mais qui s’appauvrissent en éléments nutritifs. » D’un point de vue purement agronomique, c’est en effet un compost jeune, mais non frais, qui a la meilleure efficacité en vue de fertiliser la vigne. L’azote y est toujours aisément disponible, tout en ayant un effet moins vif que le fumier. Dominique Massenot a cherché à savoir si ce stade avait également un meilleur intérêt du point de vue "énergétique".
Pour cela, il a réalisé un compost biodynamique et à chaque étape de son élaboration, l’a fait analyser par une méthode de cristallisation sensible (voir sous-papier). Il a ainsi effectué six préparations de plantes différentes (achillée, camomille, ortie, chêne, pissenlit et valériane) qu’il a enterrées séparément durant tout un hiver. Au mois de janvier suivant, il a ajouté, par petits paquets, chacune de ces préparations dans un tas de fumier de bœuf frais, et a réalisé un compostage classique en contrôlant l’humidité, la température et en le retournant une fois.
Premier enseignement, à la sortie de l’hiver, les préparats biodynamique enterrés semblent de bien meilleure qualité que la matière végétale brute. Du moins, du point de vue de la cristallisation sensible. Cette dernière montre « qu’il y a une vraie transformation entre la plante sèche et le passage en terre, relève le conseiller. D’où l’importance de réaliser correctement cette étape lorsque l’on souhaite réaliser un compost biodynamique ».
Le compost biodynamique mûrit plus rapidement
Le chercheur a ensuite comparé deux composts âgés d’un mois, l’un n’ayant pas reçu ces préparations biodynamiques, l’autre oui. Ici encore, l’analyse est sans appel : le premier est très vif, et montre un potentiel nutritif limité dans le temps. Le deuxième quant à lui est à son optimum : il a perdu sa "nervosité" et sera plus à même de libérer progressivement ses composés. « À la même date, le compost biodynamique s’avère également plus mûr, il est déjà réorganisé. Il est visiblement prêt à être utilisé », observe Dominique Massenot.
Mais le plus intéressant tient au suivi du compost dans le temps. À quatre mois, il a clairement perdu de son potentiel. « Il a toujours de l’énergie, mais on voit qu’il est au bout. À ce stade il ne peut plus servir à nourrir directement les organismes du sol, il est juste bon à entretenir l’humus », analyse-t-il. Et à dix mois, le résultat est encore pire, le compost n’a plus grand-chose à transférer à la vigne. « Les préparations biodynamiques améliorent le compost, mais elles ne l’empêchent pas de mourir », commente le conseiller.
Parallèlement à cela, Dominique Massenot a cherché à savoir si les composts de déchets verts, que l’on peut trouver dans les déchetteries, étaient de bonne qualité pour la vigne. Selon lui, ils sont moins intéressants. « Les ingrédients utilisés, notamment le bois, sont trop stables. Ils n’auront pas d’effet fertilisant », conclut-il. Il avait d’ailleurs déjà essayé d’ajouter des sarments de vigne dans des composts biodynamiques. Le résultat était alors décevant, puisque apparaissaient des carences azotées et des baisses de rendements dans les vignes ainsi conduites. Pour entretenir les taux d’azote dans le sol, il préconise donc un compost jeune, issu de fumier de bovin et comprenant les préparats biodynamiques de l’année antérieure. Dans l’idéal, l’application intervient en fin d’hiver, pour que les micro-organismes puissent relarguer les éléments nutritifs nécessaires à la plante au moment du débourrement.
Témoignage
Le compost jeune est bien plus bénéfique
Initialement j’utilisais des composts vieux que j’appliquais à l’automne, comme beaucoup de mes confrères. Les réserves d’azote dans mes vignes se sont épuisées avec le temps. Lorsque je suis passé sur du compost jeune, l’effet a été flagrant : j’ai observé de meilleurs rendements et même de meilleures fermentations dès la première année. J’apporte environ deux tonnes hectares au mois de mars, avec un compost biodynamique âgé d’un mois et demi environ. Comme il est plus gras, l’idéal est de le faire passer d’abord par un épandeur à fumier agricole pour l’émietter, puis de l’épandre avec son matériel viticole. Au final ce n’est pas beaucoup plus contraignant, il faut juste s’organiser un peu !
Qu’est ce que la cristallisation sensible ?
La cristallisation sensible est une méthode permettant d’évaluer de façon globale l’énergie d’un produit vivant. Mise au point par un chimiste et agronome allemand au début du vingtième siècle, elle est aujourd’hui utilisée, principalement en biodynamie, pour étudier les forces contenues dans divers composés. Le scientifique avait démontré à l’époque qu’un sel pur se cristallise de façon désordonnée, alors qu’il subit une coordination évidente en présence d’une substance vivante. « Chaque composant vivant émet une énergie particulière, et la méthode permet de synthétiser toutes ces énergies », explique Margarethe Chapelle, gérante du laboratoire Œnocristal. L’analyse consiste à associer dans une boîte de Petri une solution de chlorure de cuivre et un extrait liquide de la substance à étudier, puis à faire sécher le tout. Cela s’opère dans une étuve à température et hygrométrie constantes, sur des plaques montées sur silentbloc, afin d’éviter tout mouvement. « La méthode n’est toutefois pas standardisée, commente Christian Marcel, cristallographe. Nous sommes très peu à l’utiliser. » La cristallisation s’opère naturellement en quelques heures. Il en découle une « image », qu’il faut interpréter. « C’est donc une évaluation qualitative, et non quantitative », précise Margarethe Chapelle. Ces images obtenues après le processus ne sont pas reproductibles. Cependant, selon la scientifique chaque composé possède une signature propre. La lecture se fait en observant les anomalies (cassures du réseau cristallin, distorsions ou encore germinations secondaires) par rapport à une grille de lecture. Trois zones distinctes sont interprétées, chacune représentant un aspect particulier du produit (arômes et potentiel de garde d’un vin, par exemple). Attention toutefois. Selon Christian Marcel, « Cette lecture suggère les choses, elle ne les affirme pas ! ». La cristallisation sensible n’a pas vocation à remplacer une analyse œnologique ou agronomique. « Mais c’est une bonne méthode complémentaire » conclut Margarethe Chapelle.