« Nous ne mettons pas assez en avant les signes de qualité », Gérard Bancillon, président de Vins IGP
Le congrès annuel de la confédération des vins IGP de France, qui s’est tenu en Corse du 21 au 23 juin, a consacré une table ronde à la consommation de vin. Gérard Bancillon, président de Vins IGP, revient sur les principaux enseignements de ce congrès et plaide pour une réaction rapide face aux évolutions du marché.
Le congrès annuel de la confédération des vins IGP de France, qui s’est tenu en Corse du 21 au 23 juin, a consacré une table ronde à la consommation de vin. Gérard Bancillon, président de Vins IGP, revient sur les principaux enseignements de ce congrès et plaide pour une réaction rapide face aux évolutions du marché.
Lors du congrès, une table ronde s’est penchée sur la diminution de la consommation de vin. Quels constats en retirez-vous ?
Les intervenants ont évoqué des chiffres qui nous bousculent. La consommation mondiale diminue alors qu’en parallèle la population augmente. Le marché américain, sur lequel on fondait beaucoup d’espoir, est en baisse de 1,5 million d’hectolitres.
La consommation a chuté de 20 % depuis 2015 en France. Certains pays comme la Corée du Sud, le Mexique ou la Pologne progressent mais ça ne fera jamais des gros volumes susceptibles de compenser.
Comment regagner des consommateurs ?
On sait que les jeunes sont à la recherche d’authenticité. Ce qui nous incite à penser que nous ne mettons pas assez en avant les signes de qualité et les cahiers des charges. Il y a beaucoup de pédagogie à faire. Nous faisons tout un travail de contrôle dont nous ne parlons pas. Nous avons de vrais atouts. Nos produits sont 100 % locaux. Les jeunes d’aujourd’hui valorisent le plaisir. Ça aussi, ça va dans notre sens, comme le besoin d’incarnation des produits.
Les vins effervescents plaisent, est-ce une piste à suivre ?
La jeune génération a été élevée au soda. Le succès du prosecco grâce au spritz, ça fait des volumes qui font pâlir d’envie les producteurs français. Quand on voit que l’on interdit à l’IGP pays d’oc, qui représente la moitié des surfaces du Languedoc-Roussillon, d’intégrer les bulles dans son cahier des charges, on se dit qu’on a peut-être raté un revenu intéressant au niveau de la Ferme France.
Les vins IGP doivent-ils aller vers le sans alcool ?
Chaque cahier des charges doit définir ce qu’il autorise ou pas. Les IGP ont une image d’innovation et de souplesse, elles ne devraient pas s’interdire grand-chose en dehors de l’adjonction d’arômes qui irait à l’inverse de l’authenticité attendue par les consommateurs.
Il faut avoir une offre qui puisse toucher les jeunes directement, par exemple dans les festivals, car aujourd’hui le vin ne se transmet plus dans la cellule familiale. Or des produits avec des taux d’alcool élevés ne sont pas le bon véhicule.
Même si ce que l’on goûte aujourd’hui en désalcoolisation presque totale ne ressemble pas à du vin tel qu’on le connaît, il va falloir se bouger. Le marché évolue très vite.
Pourquoi certaines IGP s’en sortent-elles mieux que d’autres ?
Prenons l’exemple de l’IGP île-de-beauté. Elle performe. Elle est repartie d’une feuille blanche. 75 % à 80 % du vignoble a été arraché. L'IGP est revenue à la notion d’origine, a retrouvé une vraie identité corse. Aujourd’hui, sur l’île, on se bat pour s’installer là où ailleurs, l’envie de produire ne se transmet plus. Les deux signes de qualité travaillent en cohésion. L’IGP se vend 150 à 170 euros l'hectolitre. À 80 hectolitres par hectare de rendement, c’est un revenu très intéressant.
Comment faire évoluer l’offre des IGP ?
La recherche de valeur ajoutée doit être au cœur des réflexions. Il faut appréhender les marchés autrement, cibler les produits, travailler la « premiumisation », tendre vers des créneaux à 7, 8 euros. Je ne crois pas à la politique des volumes.
Recadrer l’offre et la demande est dans l’intérêt des producteurs. On ne pourra pas distiller ad vitam aeternam. Il faut trouver des débouchés autres mais rémunérateurs. La formule de l’arrachage où l’on bloque pendant vingt ans les surfaces agricoles pose problème. Mais avec les aléas climatiques, une forme de fatalisme s’installe. En France, il y a cinq à six enseignes de grandes surfaces, on n’a pas de marge de manœuvre. Les hausses de coûts de production n’ont pas été répercutées, c’est une catastrophe.
« La filière ne doit plus être dans le déni »
Dans un communiqué publié le 20 juillet, quelques semaines après cette interview, Gérard Bancillon, président de la Confédération des vins IGP, et Christophe Bou, secrétaire général plaident pour des mesures rapides face à la situation de crise du marché du vin.
« Nous sommes au regret de constater que les demandes de distillation pour 2023 atteignent 4,4 millions d’hectolitre », introduisent Gérard Bancillon et Christophe Bou dans leur communiqué. Selon eux, suite à la campagne de distillation de 2020, des leçons auraient dues être tirées quant à la situation de surproduction structurelle de vin. « La filière ne doit plus être dans le déni face à cette réalité », s'alarment-ils.
En dehors des efforts de communication sur les signes de qualité et le côté local des produits abordé dans l'entretien, ils militent pour :
- « la création d’une étanchéité entre segments » pour éviter le « déversement d’un segment vers l’autre et donc la dégradation de valeur ». Pour eux, la solution repose sur la mise en place d'outils de régulation de l'offre basés sur des références de volumes commercialisés, à l'instar du BIC d’Inter-Oc ou du VIP2C pour Inter-Med ;
- l'analyse fine de l'évolution des marchés par couleur par chaque interprofession ;
- la limitation des autorisations nouvelles de plantations dans les régions où les marchés sont compliqués ;
- le recensement des opérateurs ayant distillé des volumes importants. Il convient de les accompagner « vers une sortie de métier grâce à des mesures sociales (distillation, arrachage différé ou définitif, etc) et ainsi faire en sorte que ceux dont les produits répondent aux demandes des marchés puissent vivre dignement de leurs productions ».
- l'innovation sur les produits comme les bulles, les no-low, les canettes ou les petits contenants.
Sans ces mesures de court terme, « c’est toute une filière (avec ses emplois directs et indirects) déjà fortement fragilisée qui risque de s’effondrer », alerte Vins IGP.