Ressources humaines
Trois conseils pour bien recruter dans le monde agricole et viticole
Comment recruter dans le monde agricole dans cette période tendue sur le front de l’emploi ? Interview avec Olivier Claux, directeur associé de MG consultants, cabinet de recrutement dans le monde agricole et viticole.
Comment recruter dans le monde agricole dans cette période tendue sur le front de l’emploi ? Interview avec Olivier Claux, directeur associé de MG consultants, cabinet de recrutement dans le monde agricole et viticole.
Le monde agricole peine à recruter depuis plusieurs années. Avec la reprise de l’emploi cette difficulté va se renforcer dans les prochains mois, non ?
Olivier Claux : Oui il y a des chances. La situation se caractérise par une pénurie de candidats prisés par un nombre important d’entreprises sur des mêmes fonctions. Sur le transport, la logistique, le commerce, la manutention, ça n’a jamais été aussi tendu. L’investissement a été trop faible ces dernières années sur la communication envers les candidats, sur la marque employeur en général, avec le minimum syndical fait pour recruter. Résultat : aujourd’hui il faut déployer beaucoup d’efforts pour recruter. Dans le monde agricole, certains métiers sont en forte tension comme chauffeur, agent de silo, ou technico-commercial.
Certains métiers sont en forte tension comme chauffeur, agent de silo, ou technico-commercial
Quels sont les trois conseils principaux pour bien recruter qu'à MG consultants vous donneriez aux professionnels de l’agriculture dans ce contexte ?
Des solutions il y en a :
- Premièrement, il faut avoir une demande très proactive de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Recruter n’est pas seulement le problème des dirigeants, ni de deux ou trois personnes. Il faut vraiment que le dirigeant implique tout le monde dans la recherche de candidats. Les salariés deviennent des ambassadeurs. Ils sont à même de donner aux gens l’envie de les rejoindre. La cooptation peut permettre d’augmenter significativement le nombre de candidatures qui sont en plus souvent de bonnes candidatures.
- Deuxièmement, il faut avoir construit un réseau d’établissements de formation dans un périmètre d’1 heure autour de l’entreprise et le travailler qualitativement. Il ne suffit pas d’envoyer les offres par mail. Il faut connaître les responsables et les rencontrer deux fois par an pour parler de l’entreprise. Ils deviennent ainsi les interlocuteurs privilégiés et ambassadeurs des sociétés auprès des jeunes, en apprentissage notamment.
- Enfin, il convient d’avoir une stratégie digitale de recrutement pour toucher les plus jeunes. Pour cela, il faut se faire aider avec une agence de communication digitale, et donc prévoir une petite enveloppe budgétaire (sachant que les retards dans le développement de projets si on peine à recruter peuvent vite se chiffrer en dizaine de milliers d’euros).
Comment voyez-vous évoluer l’image des agriculteurs auprès des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi ?
Il faut distinguer l’image des agriculteurs de celle des métiers. L’image des agriculteurs est plutôt bonne, mais se projeter à faire le métier, avec son grand nombre d’heures de travail, sa pénibilité, n’est pas évident pour les jeunes. C’est par exemple compliqué de recruter des chefs de culture, qui sont des profils très prisés.
Plus il y aura de projets mis en avant mieux ce sera. Pour les entreprises qui restent dans un schéma traditionnel, là c’est plus dur.
Pour faire la différence, il faut essayer de proposer un projet sur plusieurs années et pas seulement la gestion parcellaire avec l’encadrement de deux mécaniciens et un chauffeur par exemple. Il faut impliquer les nouvelles recrues dans les décisions et le processus de réflexion. Il faut dépasser le cadre du métier et des tâches quotidiennes.
Les impliquer dans l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique par exemple peut-il séduire de futures jeunes recrues ?
Ces virages-là intéressent effectivement comme tout ce qui concerne l’évolution du secteur agricole, que ce soit sur les plans agronomique, sociétal, environnemental ou technologique. Projet d’unité de méthanisation, conversion en HVE ou bio, mise en place de nouvelles cultures, diversification, intégration de nouvelles technologies, plus il y aura de projets mis en avant mieux ce sera. Pour les entreprises qui restent dans un schéma traditionnel, là c’est plus dur.
Comment les fidéliser ?
Le premier conseil pour les fidéliser est de communiquer, donner une définition de poste claire, définir les projets, leur durée, avec qui ils vont être déployés. Au départ, il faut une présence du manager forte pour expliquer et transmettre avec des échanges fréquents. Il faut aussi préparer et passer des entretiens annuels, ce n’est pas encore le cas dans beaucoup d’entreprises. Il est bon de se poser tous les deux à trois mois pour mesurer le niveau de motivation, aborder sans tabou tous les sujets, comme le salaire ou la formation qui est un facteur de fidélisation fort. Il ne faut occulter aucun sujet.
Est-ce que vous percevez ou conseillez une hausse de la rémunération à l’embauche ?
Sur certains postes très en tension, ça commence à escalader un peu, des candidats jouent sur la pénurie. Une entreprise doit être consciente de ce qui se passe à l’extérieur et de la rémunération moyenne sans tomber dans les excès. Il faut aussi mettre en avant toute forme de rémunération, y compris le véhicule ou les avantages propres à l’entreprise. Il peut être intéressant de proposer une progressivité dans la rémunération. En prévoyant par exemple une augmentation à 6 mois ou 1 an si cela se passe bien. Après il faut aussi penser à l’interne pour ne pas créer de différences.
Un autre conseil à donner ?
Les dirigeants ne doivent pas oublier eux-mêmes de se former aux techniques de recrutement (via une journée de formation ou des tutos). Attention au recrutement au feeling qui peut être un biais. Il faut éviter les effets de halo pour objectiver les choses.
Attention au recrutement au feeling
On peut aussi donner sa chance à des profils un peu différents à condition qu’ils partagent les mêmes valeurs humaines. Comme c’est très difficile de se projeter sur la réussite de quelqu’un après 1 heure d’entretien d’embauche, il faut envisager la période d’essai comme un grand entretien d’embauche pour voir si on a bien choisi. Il faut sortir des CV idéaux et des stéréotypes pour laisser sa chance à des personnes qui ne correspondent pas parfaitement au profil.