A double tour
Les producteurs champenois regrettent que la porte du ministère leur soit fermée
Hausse des charges patronales, droit des transmissions, règlementation environnementale… le syndicat des vignerons de champagne voudrait faire valoir ses spécificités mais la porte du ministère de l’agriculture leur est pour l’instant restée fermée.
« Nous avons fait un certain nombre de propositions afin de trouver des compromis équitables mais pour l’instant personne ne nous écoute » regrette Pascal Férat, président du Syndicat des vignerons de champagne. Ce dernier a déploré l’accumulation des contraintes fiscales et règlementaires qui pèsent de plus en plus sur les épaules des vignerons champenois. « Cela remet en cause notre modèle fait de petites exploitations. Nous ne pourrons conserver la richesse de notre tissus social au train où vont les choses » a martelé le président.
Premier point d’inquiétude : la hausse des charges patronales, prévue par la loi de finance 2013. La convention collective champenoise prévoit le versement de 10% de primes de fin de contrat, ce qui provoque le dépassement du seuil permettant un abattement de charges. « Plus on est généreux, plus on est imposé » s’alarme Pascal Férat qui souhaite que ces 10% de primes soient sortis de l’assiette de calcul pour permettre l’accès à l’abattement de charges à un plus grand nombre d’entreprises
Second point : la transmission du foncier devient un vrai casse-tête. En cause : le coût des terres s’effectue sur leur valeur vénale, calculée à partir du prix du foncier dont les prix atteignent en moyenne 1 million d’euros/ha (selon la Safer). «Il faut ainsi compter entre 50 et 70 ans d’exploitation des vignes pour amortir la transmission » estime Pascal Férat, qui remarque que dans les autres secteurs de l’économie la valeur d’une entreprise est calculée sur sa rentabilité. La transmission du patrimoine est tellement complexe et coûteuse que certains vignerons champenois la prévoient sur une dizaine d’années. « Cela devient un investissement à part entière, au lieu d’investir pour s’agrandir » déplore Pascal Férat. Le syndicat champenois regrette également que les prix conduisent à ce que le foncier tombe de plus en plus entre les mains du négoce. « Or le fait que ce soit la production qui détienne le foncier est un élément fondamental dans l’équilibre des rapports avec le négoce » souligne François Pierson, vice-président du SGV.
Enfin, dernier point de discorde : la règlementation environnementale. Précurseurs dans le domaine de l’adaptation des pratiques pour préserver l’environnement, les vignerons champenois sont plus que circonspects devant deux nouvelles règlementations. La première concerne l’obligation de faire appel à un prestataire de service pour la protection du vignoble lorsque l’on n’est pas détenteur du Certiphyto. Les exploitants de moins de 18,75 ares n’ont pas le droit de passer ce diplôme, ce qui rend impossible l’achat de produits phytos mis à part dans les jardineries… Donc ils n’ont pas la possibilité d’acheter les produits afin de les fournir à leur prestataire qui lui n'a pas le droit de leur vendre à moins de devenir distributeur. Le SVG souhaite qu’un seuil à 2 ha soit instauré, en deçà duquel les exploitants n’aient pas l’obligation de faire appel à un prestataire de service.
L’autre règlementation est celle de la directive nitrate. Le projet en cours vise à interdire tout application d’engrais, même organique, sur les pentes de plus de 15%. Les écorces seraient ainsi bannies, pourtant très utiles pour lutter contre le ravinement. Il est fort probable que cette règlementation conduise les producteurs à ne plus enherber. Le SVG rèclame que la nouvelle directive nitrate soit écrite comme les précédentes, en concertation avec les acteurs du bassin, selon les contraintes de chacun. Cette problématique risque de faire du bruit dans les vignobles. Elle est loin d'être uniquement champenoise.