Oenologie
Les Pro-Restart, levures de luxe pour aider les fermentations
Oenologie
La commercialisation des billes de levures incluses a débuté. Le produit, innovant et pratique, est relativement cher.
Après plusieurs années de tests, les billes de levures incluses sont enfin commercialisées comme remède aux arrêts de fermentation et aux fermentations languissantes. Les « Pro-Restart », de leur nom commercial, sont en effet disponibles depuis fin 2002 chez les distributeurs Laffort Onologie et Martin Vialatte. Ces billes se composent de petites capsules en alginate (extrait naturel d´algues marines) qui emprisonnent des levures classiques, en l´occurrence des saccharomyces bayanus. Particulièrement innovantes, leur premier intérêt est de faciliter le travail des vinificateurs : elles s´ajoutent directement dans les cuves en difficulté fermentaire ce qui supprime l´étape fastidieuse de la confection du levain d´acclimatation. Les Pro-Restart ne demandent qu´une simple réhydratation de 4 à 5 heures dans de l´eau sucrée complémentée avec un activateur de fermentation (voir encadré). « Le fait d´immobiliser les levures dans de l´alginate permet de les pré-acclimater à l´alcool et à d´autres conditions difficiles de fermentation, explique-t-on chez Martin Vialatte et Laffort, ce qui n´est pas possible avec les levures sèches actives classiques qui perdent davantage leur capacité d´adaptation à l´alcool après séchage. »
©D. R. |
Compter 825 euros pour une cuve de 100 hl
Les premiers utilisateurs sont plutôt satisfaits. Non seulement les billes font gagner du temps mais elles se révèlent très efficaces. « Je suis une convaincue, avoue Francine Calmels, oenologue au laboratoire oenologique de Gaillac. Depuis trois ans que je teste les billes, elles ont terminé toutes les cuves en arrêt de fermentation, même là où les levains classiques avaient échoué. » Mêmes échos dans le Mâconnais. « L´an dernier nous avons comparé l´efficacité du Pro-Restart à celui d´un pied de cuve classique sur des pièces de chardonnay arrêtées à 35 g/l de sucre. Les deux lots ont terminé leurs sucres, le Pro-restart a été plus rapide de quinze jours », rapporte Didier Brun oenologue chez Tecnicav. Les deux essais bordelais ont également donné de bons résultats
Mais, car il y a un mais, une telle innovation n´est pas donnée. Il faut compter rien moins que 110 euros le kilo de billes pour une dose conseillée de 75 g/hl : soit 825 euros pour une cuve de 100 hl. « Le coût fait reculer des utilisateurs potentiels », juge Patrick Auduit, oenologue au Centre oenologique du Blayais, qui conseille de privilégier l´oenologie préventive.
« En surveillant les teneurs en azote, les températures, les aérations, etc., on ne doit pas avoir de problème de fermentation, les levures encapsulées sont à réserver aux quelques erreurs ou négligences. » Même les distributeurs s´inquiètent du prix. « Les levures encapsulées ne vont pas résoudre tous les problèmes fermentaires à elles seules, les acheteurs risquent d´être plus que déçus d´avoir payé un tel prix pour rien », s´inquiète l´un deux. Tout le monde n´est pourtant pas si effrayé par le prix. « C´est peut-être cher mais ça reste intéressant si ça peut faire repartir une cuve arrêtée qui n´aurait pas eu l´agrément sans ça », estime Jean-Paul Albert, vigneron à Gaillac. Et des petits arrangements peuvent largement diminuer le coût de revient. Dans le Bordelais et le Gaillacois, les sacs de billes ont été réutilisés avec succès sur plusieurs cuves. « Il suffit de réhydrater les sacs entre chaque utilisation », conseille un vigneron, « et de fractionner les cuves en arrêt », suggère un autre.
Les billes en sac testées dans les cuves de liquoreux
Le fait de pouvoir retirer ces billes de la cuve à n´importe quel moment leur confère un intérêt indéniable pour les fermentations de moelleux. Le Château Montluc, dans le Gers, les a testées sur des gros manseng. « La fermentation s´est déroulée lentement mais la densité a chuté progressivement après l´introduction des sacs de billes ». Les sacs ont pu être retirés après 25 jours de fermentation avec un taux de sucres résiduels de 49 g/l. « Aucune activité fermentaire n´a été observée après le retrait des levures, même sans addition de SO2. Et les vins dégustés après élevage en barrique n´ont pas semblé différents des vins témoin. » D´autres essais sont prévus pour les vinifications 2003 sur moelleux.