Oenologie
Les OGM expérimentés dans une cave Moldave
Oenologie
La première levure OGM a discrètement franchi les portes d´un chai, en l´occurrence d´un chai moldave. Ces essais ne font pas l´unanimité.
Le chercheur canadien, Hennie Van Vuuren et la société productrice de levures BioSpringer (appartenant au groupe Lesaffre) ont expérimenté « en conditions industrielles » dans une cave moldave, une levure OGM capable d´effectuer simultanément les fermentations alcooliques et malolactiques, et dotée pour cela de deux gènes « étrangers ». Les essais ont eu lieu sur des cuvées 2001 et 2002 mais n´ont été dévoilés qu´en juin dernier lors du Symposium international d´oenologie de Bordeaux et de l´assemblée générale de l´Organisation internationale de la vigne et du vin.
D´un point de vue technique, la société BioSpringer annonce des résultats intéressants. La levure, utilisée comme une levure commerciale classique, a fermenté plusieurs cuvées de différents cépages (chardonnay, sauvignon, merlot, pinot...). « Les fermentations alcooliques et malolactiques se sont déroulées simultanément sans soucis, explique Olivier Niedergang, ancien chef produit oenologie chez BioSpringer. Tout l´acide malique a été dégradé en acide lactique en moins de cinq jours, sans ralentir la cinétique de la fermentation alcoolique et sans modifier le profil organoleptique. »
Un chercheur canadien a effectué des essais de levure OGM sur plusieurs cuvées de vin moldave. ©D. R. |
« Des essais hors CEE, pour être tranquille... »
« L´emploi de la levure OGM préserve la couleur des rouges car elle évite les pertes de couleur observées habituellement lors des fermentations malolactiques, estime M. Van Vuuren. Elle évite également la production d´amines biogènes et limite celle de carbamate d´éthyle », deux composés jugés toxiques. La levure OGM ne se serait pas non plus montrée plus compétitive qu´une souche classique.
Mais d´un point de vue éthique, ces essais ne font pas l´unanimité. « C´est regrettable, presque scandaleux, que des industriels fassent de tels essais loin de la CEE pour être tranquille », juge Bruno Blondin, microbiologiste à l´Ensa-Inra de Montpellier et délégué français du groupe microbiologie de l´Organisation internationale de la vigne et du vin. « Toutes les informations techniques et scientifiques sur le sujet n´ont pas été communiquées. Le problème du relargage de ces levures dans l´environnement n´a pas été évoqué. Alors qu´on sait que le risque de dissémination des levures existe, même s´il est extrêmement faible. »
Chez BioSpringer, on estime avoir travaillé sous suivi d´un groupe d´experts moldaves en accord avec les autorités du pays et dans des « cuves isolées », mais « avec les moyens du bord d´un pays de l´Est en pleine restructuration. »
Olivier Niedergang avoue ne pas savoir ce qu´est devenu le vin élaboré, ni les lies contenant les levures OGM, mais pour lui il n´y a pas de risques. « Les levures OGM sont construites proprement. Elles ne contiennent que deux gènes prélevés sur des micro-organismes habituellement présents dans le vin. »
BioSpringer ne compte pas en rester là. La firme va renouveler ses essais en Moldavie cette année et pourrait en lancer aux USA. Elle attend en effet le feu vert de la FDA (Food and drug administration) qui fait autorité dans le domaine.