Les millenials boostent l'Amérique
Les États-Unis sont depuis 2013 les premiers consommateurs de vin au monde, détrônant la France qui occupait historiquement cette place. Dans l'ombre de la Chine depuis quelques années, le marché américain revient sur le devant de la scène. Vinexpo a donc mis cette année les États-Unis à l'honneur en leur consacrant plusieurs conférences, et en leur dédiant l'édition 2015.
Les États-Unis sont devenus en 2013, avec 29,1 millions d'hectolitres consommés, le premier marché au monde pour le vin. Forte d'une économie qui a retrouvé ses niveaux d'avant crise, d'une croissance à nouveau positive bien que convalescente, et d'une population de 316 millions d'habitants de plus en plus attirée par le vin, cette destination intéresse à nouveau les vignerons, échaudés par l'instabilité du marché chinois.
Au salon Vinexpo 2015, Michel Rolland, le célèbre flying winemaker bordelais, s'est exprimé sur le sujet : « le marché américain a un gros potentiel. Les consommateurs y connaissent le vin et l'aiment, mais comme sur tout marché en développement, ils se tournent d'abord vers la production locale avant de s'ouvrir aux vins étrangers. Je suis confiant pour l'avenir ». C'est justement la forte population américaine qui fait la force de ce marché, car avec une consommation d'un peu plus de 9 litres par habitant et par an seulement, les États-Unis sont loin derrière des pays tels la France ou le Portugal, et de leurs 40 litres. C'est devant cet écart abyssal que l'on mesure le mieux le potentiel du marché américain ; d'autant plus que la nouvelle génération de consommateurs est en train de redéfinir l'approche que la société américaine a de la dive bouteille. « Les millenials (nouveaux consommateurs nés entre les années 1980 et 2000) sont de plus en plus éduqués aux vins, ils aiment en découvrir de nouveaux et veulent se démarquer de leurs parents en en dégustant des différents », expliquait, lors d'une conférence, David Trone, propriétaire du site de vente en ligne Total Wine & More.
Rosés, vins peu alcoolisés et effervescents ont le vent en poupe
Les États-Unis sont donc « un pays d'opportunités pour un large spectre de vins différents, déclare Jean-Philippe Perrouty, directeur de Wine Intelligence. Ils représentent le quatrième marché mondial des vins effervescents, le deuxième pour les rosés, et le premier pour les vins dit lights (TAV <= 10,5 %) ! » Ainsi, dans une quête de légèreté, les millenials dopent effectivement les ventes de rosés, qu'ils consomment maintenant toute l'année et préfèrent désormais secs. « Nous avons connu une progression de 35 % en volume et 45 % en valeur l'an dernier ! », se réjouit François Millo, ancien directeur de l'interprofession provençale, CIVP. « La consommation de vins rosés aux USA augmente énormément ».
Côté marketing, l'évolution est également marquée. « Les millenials sont à la recherche de transparence, ils veulent avoir confiance dans la qualité du produit, et dégainent leur smartphone à la recherche d'informations. Il y a une quête de connaissance chez cette génération, décrit Annette Alvarez-Peters, de Costco, deuxième mondial de la grande distribution. Les ventes de vins autour de 15 dollars progressent davantage que les autres segments, et, dans cette gamme de prix, tous ont de la qualité... Avoir bon goût n'est donc plus une fin en soi, et il faut maintenant savoir transmettre un héritage tout en soignant particulièrement le nom de sa marque et son packaging ». « Le vin fait partie du style de vie des millenials, il faut les garder « excités », précise Jean-Philippe Perrouty. Ils sont prêts à dépenser plus d'argent que leurs aînés pour une bouteille, car le vin devient un marqueur social : c'est cher, donc c'est bon. »
Le marché américain, « pire système de gestion dans le monde »
Mais le problème principal du marché américain est sa complexité administrative, que Thomas Matthews, du Wine Spectator, n'hésite pas à traiter de « pire système de gestion dans le monde ». En effet, chacun des 50 états, ou presque, possède son lot de spécificités plus ou moins héritées de la prohibition des années vingt, s'ajoutant au « three tier system » ou système de distribution triangulaire, caractéristique américaine qui oblige le vin à passer par trois agents (importateur, distributeur et détaillant) pour aller du vignoble à l'acheteur. Pour s'installer sur le marché américain, il faut donc soit en avoir une excellente connaissance et y créer une filiale ou enregistrer sa société aux États-Unis, soit faire confiance à un importateur, ce qui peut impliquer de perdre le contrôle de la vente du vin aux distributeurs ou aux détaillants, soit d'entrer en relation directement avec un distributeur en passant par une société américaine qui ne fera qu'importer vos produits sans les distribuer.
Dans tous les cas, pour Michel Mondavi, de Folio Wine Partners, « il faut allouer du temps au marché américain ». Stephen Rust, de Diageo Château & Estate, renchérit : « il faut avoir une vision à long terme, avoir la possibilité et l'envie de travailler le marché plus de quatre à cinq mois par an ». Pour Annette Alvarez-Peter, il faut enfin « visiter les endroits où l'on veut vendre son vin, bien positionner son prix et sa catégorie, trouver son côté unique et le mettre en avant, et être proche du nouveau type de consommateurs ».
Le marché du vin aux États-Unis
Premier consommateur mondial : 29,1 millions d'hectolitres en 2013 (1)
33e mondial en consommation per capita : 9,3 l en 2013 (1)
1,17 million d'hectolitres de vin français importé pour un milliard de dollars en 2013, dont :
233 000 hectolitres de vins effervescents (137 000 de champagne)
639 000 hectolitres de vins rouges et rosés
300 000 hectolitres de vins blancs
(1) : Prévisions OIV