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Les étiquettes dans la tourmente

Grossissement du logo femme enceinte, affichage des calories, mention des ingrédients, disparition de l’étiquetage temporaire… 2017 est une année à enjeu pour l’habillage des bouteilles. Voici sur quels sujets rester vigilant.

Les étiquettes de vin risquent de devoir intégrer de nouvelles mentions. Pourtant, elles sont déjà bien chargées et sont avant tout un support marketing.
© J.-C. Gutner

Coup de théâtre. Le 2 décembre 2016, et sans aucune consultation de la filière vitivinicole, le Comité inter-ministériel Handicap a pris la décision d’augmenter la taille du pictogramme « femme enceinte » présent sur les étiquettes de boissons alcoolisées, de le barrer d’un trait rouge, et de l’accompagner d’un message sanitaire. Avec une entrée en vigueur… fin janvier 2017 !

On s’en souvient, l’apposition de ce logo, ou de la phrase d’information " La consommation de boissons alcoolisées pendant la grossesse, même en faible quantité, peut avoir des conséquences graves sur la santé de l’enfant ", avait été imposée par un arrêté ministériel le 2 octobre 2006. Mais sa taille, tout comme sa couleur, avaient jusqu’à présent été laissés au libre arbitre des opérateurs. La seule obligation résidant dans sa proximité avec le titre alcoométrique volumique acquis.

Abandon du message sanitaire

Si ce projet devenait réalité, cela serait chose révolue. Tout serait réglementé. « On entend notamment parler d’un logo de 10 mm de diamètre », confie un observateur. Quelques semaines plus tard, et après intervention des responsables professionnels, les choses ont un peu évolué. L’idée de message sanitaire aurait été mise de côté. Et un groupe de travail, réunissant les ministères de l’Agriculture, de la Santé et de l’Économie, chargé de plancher sur les modalités concrètes de mise en œuvre aurait été constitué.

Malgré cela, la filière ne décolère pas, comme l’a fait savoir la Fédération des grands vins de Bordeaux le 20 janvier. Elle milite pour un abandon pur et simple du projet, celui-ci n’étant pas, selon elle, en mesure de répondre à l’enjeu de santé publique. « Vin & Société préconise une abstention totale de consommation d’alcool pendant toute la durée de la grossesse. Ce message est largement relayé sur le site internet de Vin & Société […] et à travers notre campagne d’information. […] Toutefois, la filière viticole estime que le grossissement d’un logo existant n’est pas la réponse adéquate », argumentent Vin & Société et la Cnaoc, dans un courrier adressé aux élus. Et de poursuivre : « Support marketing avant tout, l’étiquette n’a pas vocation à apporter des indications médicales détaillées, quel que soit le produit considéré. » Les responsables professionnels en profitent d’ailleurs pour rappeler que l’étiquette des bouteilles comprend déjà huit mentions obligatoires. Le mieux étant l’ennemi du bien, surcharger ce support ne procurera pas davantage de visibilité au message sanitaire. Par ailleurs, les professionnels renvoient les pouvoirs publics dans leurs cordes en arguant du fait que « l’OCDE a rappelé en novembre 2016 que les dépenses de prévention étaient insuffisantes dans tous les pays membres et en particulier en France ». C.Q.F.D. Mais encore faut-il pour cela que le ministère de la Santé lâche prise. Ce qui est loin d’être gagné. À moins que le sujet ne traîne jusqu’aux prochaines présidentielles…

Ingrédients et calories en embuscade

Autre épée de Damoclès : l’étiquetage des ingrédients et des calories. Cette fois-ci, ce n’est pas du côté de la France, mais de l’Union Européenne que les attaques risquent de provenir. Jusqu’à ce jour, la Commission Européenne exemptait les boissons alcoolisées, dont le vin, des obligations d’affichage nutritionnel (ingrédients et calories) en vigueur sur les produits agroalimentaires. Mais depuis plusieurs années, elle examine l’opportunité de maintenir, ou non, cette exception. Son rapport sur le sujet est en effet attendu depuis deux bonnes années. Et il pourrait bien arriver ces jours-ci. « Il ne devrait pas contenir de proposition législative, relativise Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Cnaoc. Néanmoins, il pourrait demander à la filière de revenir vers elle dans un délai d’un an, avec des propositions d’auto-régulation. » Et c’est là que les choses se compliquent, la filière des alcools étant loin d’être unie sur la question. En effet, certains opérateurs, tels que les brasseurs, sont en faveur d’un tel affichage. En septembre 2016, leur association au niveau européen, The Brewers of Europe, présageait que d’ici la fin de l’année 2017, plus de la moitié des bières brassées en Europe afficheraient des informations en termes d’ingrédients et de calories, le secteur ayant constaté que la perception des consommateurs est pire que la réalité en ce qui concerne l’apport calorique des bières. Du côté des spiritueux, certains grands groupes ont une démarche similaire sur les calories. C’est le cas de Diageo. En juin 2016, le géant mondial a en effet annoncé le déploiement de nouvelles étiquettes contenant des informations sur la quantité d’alcool et nutritionnelle par verre, à compter de l’automne 2016 pour le Johnnie Walker Red Label et au cours du premier semestre 2017 pour le Johnnie Walker Black Label, Double Black, Gold Label Reserve, Platinum et Green Label.

Bien qu’opposée à une telle généralisation, la filière vinicole risque donc d’avoir du mal à être audible, au moins sur le sujet des calories. « Nous ne voulons pas de cette mesure », indique Pascal Bobillier-Monnot. Mais si elle venait à être imposée, les responsables professionnels plaideraient pour des valeurs moyennes de calories et non pour une mesure à chaque vin. Par ailleurs, ils militeraient pour un affichage de ces informations sur un site internet, à l’instar de ce qu’a mis en place le négoce (voir encadré), et non sur les étiquettes, déjà bien chargées.

La filière est encore plus arc-boutée sur le sujet des ingrédients. « Nous ne voulons même pas entrer dans la discussion, poursuit Pascal Bobillier-Monnot. Si jamais le vin y venait, il serait considéré comme un produit agro-alimentaire, avec tout ce que cela implique. »

L’étiquetage temporaire sur la sellette

Malheureusement, tant le logo que l’étiquetage nutritionnel pourraient bien être les arbres qui cachent la forêt. Un dernier sujet concernant l’étiquetage s’avère plus préjudiciable à moyen terme, et relève de la simplification européenne voulue par Bruxelles, suite au traité de Lisbonne.

Jusqu’ici, une fois qu’un l’État membre avait entériné une modification de cahier des charges, et que ce dernier avait été transmis à la Commission européenne, il entrait en vigueur. C’est ce qu’on appelle l’étiquetage temporaire. Or Bruxelles souhaiterait désormais valider le moindre changement. Ce qui impliquerait des délais supplémentaires aux vignerons. Et ce d’autant plus que la Direction générale de l’agriculture (DG Agri) devrait perdre 20 % de ses effectifs. « La validation d’une modification ou d’un cahier des charges prend déjà du temps à l’heure actuelle, reconnaissait ainsi Eric Tesson, de la Cnaoc, lors de la journée vendanges de l’organisme. C’est un temps nécessaire. Mais il ne faudrait pas qu’à ce temps nécessaire s’ajoute un temps non nécessaire. Nous demandons que ne soit renvoyé au niveau communautaire que ce qui est indispensable. » Un changement de nom pour une AOC a en effet un impact large, qui peut concerner l’Europe, tandis qu’un changement de cépage secondaire n’a que peu de répercussion au niveau communautaire. « La fin de l’étiquetage temporaire risque d’entraver la capacité des AOC à évoluer », s’inquiète Pascal Bobillier-Monnot. Il craint que derrière cette abrogation de l’étiquetage temporaire, ne pointe la volonté de la Commission de renforcer les contraintes sur les AOC et les IGP, de décourager les producteurs et de les inciter à se réorienter vers la production de VSIG. Par ailleurs, la filière craint que la DG Agri ne délègue l’instruction des cahiers des charges à une agence extérieure. Or un signe de qualité n’est pas une marque. Logo, nutrition, et étiquetage temporaires sont donc autant d’inquiétudes qui pèsent sur la filière, à quelques mois des présidentielles.

voir plus loin

Fin 2016, la Fédération française des vins d’apéritifs (FFVA), la Fédération française des spiritueux (FFS) et l’Union des maisons et marques de vin (UMVIN) ont créé un site d’information sur les calories contenues dans un verre d’alcool ou de vin.

Plus d’infos sur : http://www.info-calories-alcool.org

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