Le boom de l’électricité
Écologie, fiabilité, confort de travail. Tels sont les arguments qui plaident en faveur de l’électricité, ce qui incite de plus en plus de constructeurs à se lancer sur le créneau.
Écologie, fiabilité, confort de travail. Tels sont les arguments qui plaident en faveur de l’électricité, ce qui incite de plus en plus de constructeurs à se lancer sur le créneau.
C’était l’une des attractions de ce Sitévi 2017. La Fédération gardoise des vignerons indépendants présentait un tracteur électrique interligne sur son stand. Fruit de trois ans de recherche et développement avec l’École des mines d’Arles, l’IUT de Nîmes et Sud vin bio, ce démonstrateur est équipé d’accumulateurs en lithium-ion sans mémoire, de 80 kWh. Il dispose ainsi d’une autonomie de quatre heures avec une charrue. Les blocs batterie, amovibles, sont rechargeables en une heure minimum et sont garantis pour pouvoir effectuer 4 000 cycles. D’une largeur hors tout de 1,40 m, d’une longueur de 3,25 m et d’un poids de 1,7 tonne, ce « tracteur vert » n’est pour l’instant doté que d’un attelage trois points. À l’avenir, il pourrait néanmoins recevoir une prise de force, à l’endroit prévu à cet effet.
Au niveau de la vitesse de travail, il peut évoluer à 20 km/h maximum, les concepteurs ayant privilégié la force motrice à la vitesse. « Mais nous aurions pu lui permettre d’aller plus vite, sans nuire pour autant à la force de traction », nuance Daniel Matt, de l’IUT de Nîmes. Les quatre roues, indépendantes, sont montées sur réducteurs avec moteurs, « ce qui fait que le tracteur peut tourner sur place », poursuit Daniel Matt. Les deux roues avant sont directrices, et le freinage est récupératif, ce qui permet de recharger les accumulateurs tout en freinant. Le tracteur vert est articulé sur un axe horizontal, ce qui lui procure une bonne capacité de franchissement. Par ailleurs, l’une de ses particularités réside dans le fait que les accumulateurs sont en basse tension. « On peut ainsi intervenir sur le tracteur sans risque d’électrocution », souligne Daniel Matt.
Si ce tracteur est intéressant, il n’est néanmoins pas encore commercialisé. Pour cela, il faut encore qu’un industriel s’empare du projet…
Fendt conserve la transmission Vario
Quelques mois plus tôt, Fendt présentait son prototype d’e100 Vario. Actuellement créé en version F (1,30 m de largeur hors tout), cet engin sera néanmoins facilement déclinable en V. « Le corps du tracteur est le même, décrit Olivier Leroy, responsable publicité et promotion des ventes de la firme. Seul l’essieu varie. » Doté d’une batterie en lithium-ion d’une puissance de 650 V, qui équivaut à une puissance d’environ 70 ch, il dispose d’une autonomie de « cinq heures d’affilée dans des conditions d’utilisation réelles » met en avant la société. Sur ce modèle, l’équipement électrique n’induit une surchage que de 100 kg par rapport au thermique. La transmission Vario est conservée, avec son relevage et sa prise de force. En revanche, deux sorties électriques PowerBus (une avant et une arrière) ont été ajoutées, pour animer des outils électriques, en norme d’alimentation 48 V. Les premiers exemplaires du e100Vario devraient être testés par la municipalité de Munich et quelques viticulteurs Allemands en 2018. « On peut espérer une commercialisation d’ici trois ou quatre ans, estime Olivier Leroy. À l’heure actuelle, le seul frein est le prix des batteries, qui est supérieur à 100 000 euros. »
De même, lors du dernier Tech & Bio, les visiteurs ont pu découvrir le tracteur électrique Alpo, de Sabi Agri. D’une largeur hors tout minimale de 1,20 m, cet engin disposerait, selon son concepteur, d’une autonomie de huit heures. Ses batteries, en lithium-ion, sont entièrement rechargées en l’espace de deux heures. Développant une puissance de 25 ch, l’Alpo évolue entre 0,1 et 12 km/h et pèse 450 kg à vide. En option, il peut être équipé d’une cabine, d’une correction de dévers par vérin électrique, d’une prise de force, d’un troisième point électrique et peut être bientôt de quatre roues motrices. Dans sa version salon, avec relevages avant, arrière et central, ce tracteur électrique vaut 29 800 euros HT. Une version chenillard, de 90 cm de large, est actuellement en développement.
Et à l’Agritechnica, l’indien Farmtrac présentait le 26E, un 26 ch électrique, doté de batteries en lithium-ion développant une autonomie de six à huit heures.
Mais aussi alléchantes qu’elles soient, ces solutions électriques vont-elles envahir le marché ? « On attend beaucoup de cette technologie, reconnaît Loïc Pasdois, conseiller en machinisme à la chambre d’agriculture de la Gironde. Mais on manque encore cruellement de retour. J’ai un peu peur que cela fasse un flop, comme la viticulture de précision. Nous avons actuellement tout un tas de capteurs qui permettent d’obtenir des cartes de vigueur. Mais derrière, il n’y a pas d’outils pour utiliser cette cartographie. »
Un travail de meilleure qualité
De fait, en vignes étroites, les enjambeurs électriques existent depuis plusieurs années. Kremer, puis Tecnoma, ont respectivement développé le T4E et le Voltis. Après avoir eu à résoudre quelques problèmes au lancement, ces appareils sont en cours de déploiement.
À Bordeaux, le château Pape Clément dispose ainsi de deux enjambeurs Kremer, équipés avec un broyeur à sarments, un outil de travail du sol, une tondeuse, une rogneuse et sous peu avec des panneaux récupérateurs. Le tout, électrique. « L’enjambeur fonctionne bien et procure un grand confort de travail, apprécié des tractoristes, note Arnaud Delaherche, responsable recherche et développement de l’entreprise. La visibilité de la cabine est très bonne, et permet un angle de vue important. En outre, c’est un engin totalement silencieux. Les chauffeurs peuvent se concentrer sur les outils et agir au moindre bruit. Tout cela permet un travail de meilleure qualité ; les tractoristes sont plus vigilants et réactifs. » Enfin, les bénéfices pour l’environnement sont au rendez-vous : les voisins apprécient l’absence de bruit, et il n’y a plus de risque de fuite hydraulique.
En revanche, ce type d’enjambeur, tout comme les outils adaptés, sont plus onéreux, environ 30 % de plus. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’électrique peine à se frayer un chemin sur le terrain. Mais pas uniquement. Un autre frein réside dans les interrogations relatives aux batteries. « Je ne pense pas qu’aujourd’hui, les enjambeurs électriques aient la puissance et l’autonomie nécessaires pour faire des travaux tels que du décompactage ou du broyage de sarments », indique Loïc Pasdois.
Néanmoins, à Pape Clément, cela ne pose pas de problème. « Nos enjambeurs présentent une autonomie au travail de 8 à 10 heures, selon les travaux, ce qui est largement suffisant, rapporte Arnaud Delaherche. Ils consomment davantage sur route qu’au travail, mais ce n’est pas un souci. En plus, on peut les recharger quand on veut, la batterie n’ayant pas de mémoire. » Il est néanmoins réservé quant à l’aspect recyclage des batteries et durée de vie.
Pas de problèmes d’explosion à craindre
Jean-Pierre Vazart, vigneron à Chouilly dans la Marne, s’interroge quant à lui sur la sécurité. « Il y a les problématiques d’échauffement des batteries et d’explosion, notamment sur les téléphones, explique-t-il. Du coup, ça pose question. » Sur ce point, Loïc Pasdois se veut rassurant : « cela fait des années que les vignerons taillent à l’électrique, avec les batteries dans le dos. Et on n’a jamais entendu parler d’explosion. Donc en employant ces batteries dans de bonnes conditions, il n’y a pas trop d’inquiétude à avoir. » Et ce d’autant plus que la technologie employée dans ces deux types de batteries est distincte. « Les téléphones portables sont équipés de batterie en lithium-ion, avec électrodes au cobalt, expose Daniel Matt. Sur les tracteurs, les électrodes sont en fer phosphate. Elles n’ont pas le même comportement en cas de chauffe : elles cassent au lieu d’exploser. »
Autre interrogation : le SAV. Car comme le souligne Jean-Pierre Vazart, il n’est pas certain que tous les concessionnaires soient formés à l’électricité. Un propos confirmé par Loïc Pasdois. « On ne peut que s’interroger sur le comportement des systèmes électriques, quand on voit le vieillissement des tracteurs interlignes, concède le conseiller. Je ne suis pas sûr que les forgerons locaux disposent des outils informatiques nécessaires pour détecter les pannes électriques. » Un élément à prendre en compte avant de sauter le pas…
Pour découvrir le tracteur vert en vidéo, rendez-vous sur vigne.reussir.fr