« La retenue collinaire nous apporte sécurité et réactivité pour irriguer les vignes »
Dans l’Hérault, BLB Vignobles irrigue 33 hectares de vignes grâce à une retenue collinaire. Ce système permet d’être autonome en eau, d’avoir une ressource plus durable et une plus grande réactivité.
Dans l’Hérault, BLB Vignobles irrigue 33 hectares de vignes grâce à une retenue collinaire. Ce système permet d’être autonome en eau, d’avoir une ressource plus durable et une plus grande réactivité.
Comment gérer de façon plus responsable la ressource en eau ? Telle a été la question qui a guidé Bruno Le Breton, gérant de BLB Vignobles à Combaillaux, dans l’Hérault, dans sa réflexion sur une retenue collinaire. Historiquement, il puisait l’eau pour l’irrigation via un forage dans la nappe phréatique. Mais depuis 2023, les 33 hectares irrigués du vignoble le sont avec de l’eau récupérée en hiver, et stockée pour les mois où elle fait cruellement défaut. Et ce, grâce à une retenue de 21 000 m3, qui collecte les eaux de ruissellement du domaine sur un bassin-versant d’une quarantaine d’hectares. « Chez nous, l’irrigation n’a pas vocation à favoriser les rendements, précise d’entrée Thomas Fouant, chef de culture de BLB Vignobles. Il s’agit de garder une qualité et une stabilité de produit permettant de répondre à nos marchés, qui attendent un certain profil. »
Faire aboutir ce projet n’a toutefois pas été une mince affaire. Il a débuté fin 2018, par une étude hydraulique préliminaire commandée à une entreprise locale. Moyennant quelques milliers d’euros, les experts se sont penchés sur la taille du bassin-versant, la quantité de pluie, le classement réglementaire des cours d’eau et exutoires. « Le but était de voir si nous rêvions complètement, ou bien si le projet était plausible », retrace Thomas Fouant. La conclusion a montré que la construction d’une retenue d’environ 20 000 m3, correspondant peu ou prou aux consommations annuelles, était envisageable.
Par chance, le domaine possédait une parcelle en friche, en bas de coteau, pouvant aisément l’accueillir. L’autre point positif pour aboutir a été l’absence de zones classées (Natura 2000, réservoir biologique…). Une deuxième étude, aidée à 80 %, a permis de chiffrer le projet : le devis a été établi à 343 000 euros. L’occasion également de valider la cohérence hydrologique, l’emplacement du réservoir et divers aspects réglementaires comme les enjeux en aval ou encore la potentielle soumission au régime des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Courant 2020, le domaine a finalement déposé un dossier de demande de subvention auprès de la région, sur la base de ce devis.
Une emprise au sol qui frôle l’hectare
C’est à partir de ce moment que les instructions ont commencé. D’abord par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), puis par la Commission locale de l’eau. La chambre d’agriculture est même venue vérifier les aspects techniques de l’irrigation, pour s’assurer de l’approche économe et qualitative du domaine. Puis enfin, le verdict. 50 % d’aides ont été accordées au projet, provenant principalement de l’Europe (Feader) mais aussi de la région et du département. « À ce moment-là, nous avons de nouveau pris le temps de la réflexion, car avec l’inflation le nouvel appel d’offres nous faisait sortir 230 000 euros de notre poche. C’est un investissement qui n’est pas anodin, avoue Thomas Fouant. Nous avons finalement lancé les travaux en mai 2022. »
Ils ont démarré par un chantier de terrassement, confié à une entreprise de TP et suivi par le bureau d’études, qui a duré six mois. Il faut dire que l’emprise au sol frôle l’hectare, pour une profondeur d’environ cinq mètres. Par chance, la nature très marneuse du terrain a rendu inutile la pose d’une bâche d’étanchéité. Deux fossés, de part et d’autre du réservoir, suivent un niveau topographique bien précis et collectent les eaux de ruissellement. Un système de by-pass permet d’alimenter la retenue quand les sols sont déjà gorgés d’eau, mais de laisser les pluies rejoindre le milieu naturel en conditions sèches. « Le suivi de chantier est important, prévient le chef de culture. Il y a une certaine rigueur à avoir et des règles de l’art qui doivent être respectées. » Pour compléter le tout, un local en contrebas abrite deux grosses pompes de 75 m3/h qui tirent dans la réserve via une crépine immergée et envoient l’eau dans le réseau.
Disponibilité de la ressource et réactivité sont au rendez-vous
Après une première saison d’utilisation, Thomas Fouant se dit conquis par ce système. « D’une part, nous sommes entièrement autonomes en eau et pouvons continuer à irriguer même en cas d’arrêté dû à la sécheresse puisque cette eau nous appartient, relate-t-il. Et d’autre part, il nous permet d’avoir une plus grande réactivité. » En effet, le chef de culture peut arroser cinq hectares à la fois, ce qui lui permet de couvrir tout le domaine en une semaine, alors qu’il lui fallait trois semaines en puisant dans le forage. « Je peux attendre la pluie plus longtemps sans prendre de risque, se réjouit-il. Cela devrait nous permettre de réaliser des économies d’eau. » Thomas Fouant a commencé la saison avec 16 000 m3, l’hiver ayant été sec et n’ayant pas apporté les 200 millimètres de pluie nécessaires au remplissage complet du réservoir. Il a tout de même pu réaliser deux tours d’eau de 20 mm dans l’été, représentant 13 000 m3. En été, la réserve doit garder un volume mort de 1000 m3 au minimum pour la faune locale. Les pertes par évaporation et infiltrations sont quant à elles minimes par rapport au volume total, et ne représentent que 700 m3 par an. Ce qui rend le bilan clairement positif.
Côté entretien, Thomas Fouant n’a pas encore assez de recul pour estimer la charge de travail. Il s’agira principalement de curer les fossés, d’entretenir les berges pour éviter la pousse des arbres et de surveiller les ragondins qui pourraient endommager les digues. Il n’est, a priori, pas prévu de curer la retenue, même si cela pourrait à terme réduire la capacité de stockage.
Quant à l’aspect économique, Bruno Le Breton estime que la réflexion doit se faire sur le long terme. « Si l’on fait un calcul à l’année, on arrive à 20 euros le mètre cube, ce qui paraît extrêmement cher pour un viticulteur, avoue-t-il. Mais si nous l’utilisons pendant vingt ans d’affilée, cela ne fera plus qu’un euro le mètre cube. » Ce qui n’est pas si cher payé pour préserver la nappe phréatique et puiser l’eau là où il y a le moins d’impact possible pour l’environnement.
repères
BLB Vignobles
Superficie 50 ha de vignes et 70 ha de prairies et cultures diverses
Dénomination IGP pays d’oc
Encépagement merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, grenache, carignan, chardonnay, vermentino et floreal
Rendement moyen 40 hl/ha
Effectif 14 salariés
Production 1 million de cols (domaine et négoce)
Commercialisation 95 % export
Certifications Terra Vitis, HVE, B-corp, ISO 26 000 (RSE)
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