« La paille crée un amendement organique »
Depuis quelques années, le domaine champenois Bonnevie-Bocart a troqué le paillis d’écorce contre la paille de blé et d’orge. Pour les propriétaires, la satisfaction est au rendez-vous.
Depuis quelques années, le domaine champenois Bonnevie-Bocart a troqué le paillis d’écorce contre la paille de blé et d’orge. Pour les propriétaires, la satisfaction est au rendez-vous.
Il y a presque deux ans, nous avions rencontré Éric et Mathilde Bonnevie sur leur domaine, à Billy-le-Grand, dans la Marne. Propriétaires de cinq hectares de vignes et de cinquante-huit hectares de grandes cultures (blé, orge, colza…), le père et sa fille avaient décidé de valoriser leurs sous-produits de pailles plutôt que d’acheter des écorces en guise de paillis. Deux ans plus tard, ils sont toujours aussi satisfaits de ce paillage, et l’ont même étendu à une partie supplémentaire du vignoble.
Mais pour arriver à un tel résultat, Éric Bonnevie a dû multiplier les années de tests. Pour l’épandage, il a finalement investi dans un épandeur porté Vitep distribué par ACI Viticole, qu’il a légèrement bricolé pour que la paille tombe juste avant le passage de la roue. Le tout est monté sur un enjambeur trois rangs (CMC Jaguar de 100 chevaux). Après quelques essais, il a trouvé la façon de procéder : la paille doit être sèche, décompactée et exempte de toute ficelle. Résultat, il épand six à sept tonnes par hectare, et obtient un paillage sur le rang régulier, d’environ 70 centimètres de large pour une quinzaine de centimètres d’épaisseur.
Avec, à la clé, de nombreux avantages. « La paille reste bien en place, et permet de gérer les adventices de façon très satisfaisante sur l’inter-rang », assure le vigneron qui réduit ainsi l’usage d’herbicides. « Avec le temps, nous n’avons pas observé de phénomène de sélection des herbes les plus résistantes, complète sa fille. Il y a bien quelques amarantes et mercuriales qui percent çà et là, que nous enlevons à la main, mais rien d’alarmant. » Autres effets positifs, ce couvert végétal permet de lutter contre l’érosion et d’éviter le tassement. Il garde la fraîcheur en été et procure un amendement organique idéal au développement de la biologie du sol.
La vigne n’est pas perturbée, au contraire
« Nous avons trouvé un bel équilibre agronomique, témoigne Mathilde Bonnevie. Cela crée une fertilisation de fond. Désormais nous ne mettons de l’engrais que tous les trois ans. Nous avons ainsi moins de pourriture, mais toujours les mêmes rendements. » Un sentiment conforté par les bons résultats des dernières analyses de sol. Pour Éric Bonnevie, cela représente de surcroît une économie d’écorces non négligeable de 1350 €/ha/an. À 40 euros la tonne de paille, cette technique pourrait d’ailleurs se montrer également avantageuse pour les viticulteurs en monoculture.
Il existe par contre des inconvénients à prendre en compte. À savoir qu’en situation de pente et d’humidité, l’enjambeur a tendance à glisser. De fait, sur les parcelles de coteaux, notre viticulteur ne paille qu’un rang sur deux et alterne tous les ans. Sur les autres parcelles, tous les rangs sont recouverts de paille et bois de taille, et le paillis reste en place pendant deux ans. Ce rythme suffit pour gérer les adventices.
Autre point négatif, le temps de travail pour l’épandage. « Nous sommes à deux personnes : une qui décompacte les ballots et charge l’épandeur, puis une qui mène l’enjambeur, rang par rang, explique Éric Bonnevie. On ne fait que 150 mètres avec un appareil, et il faut parfois faire marche arrière pour débourrer la machine. Au final le chantier n’avance que de 60 ares par jour. » Ce qui n’empêche pas de domaine de faire des émules, car le vigneron commence à être sollicité pour faire de la prestation.
repères
SUPERFICIE 5 ha de vignes et 58 de grandes cultures
ENCÉPAGEMENT chardonnay, pinot noir, pinot meunier
AOP champagne
ÉCARTEMENT INTERRANG 1 mètre
ENTRETIEN DU RANG désherbage chimique ou mécanique
PRIX DE LA PAILLE autosuffisant dans ce cas, compter 250 euros/hectare autrement
TEMPS D’ÉPANDAGE 60 ares par jour à deux (soit 15 heures/ha)
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