La météo de précision débarque en vigne
Les stations météos connectées permettent d’affiner les prévisions en fonction de ses parcelles. Le point sur ces solutions.
Les stations météos connectées permettent d’affiner les prévisions en fonction de ses parcelles. Le point sur ces solutions.
Pleuvra, pleuvra pas ? Tous les ans les viticulteurs éprouvent la même difficulté à se positionner face à l’incertitude des prévisions météo. Et nombreux sont ceux qui pestent contre les prévisionnistes après avoir suivi leurs annonces et raté des traitements. L’arrivée des objets connectés pourrait toutefois changer la donne. Car de nombreuses entreprises se penchent actuellement sur la contextualisation des prévisions météo en agriculture. À commencer par Climpact-Metnext, leader européen en informatique décisionnelle climatique. Historiquement, la société conseille les assurances, aide les groupes comme EDF ou Engie à prévoir leur production d’électricité en fonction de la météo, ou bien épaule les géants de la distribution pour éviter les ruptures de stock en textile, alimentaire ou cosmétique, domaines très météo sensibles. « Nous nous sommes aperçus en 2015 qu’il y avait un manque de données locales et précises en agriculture, confie Pascal Bouquet, directeur commercial de la PME, et avons décidé d’investir ce secteur. » L’idée est d’affiner la prévision d’un utilisateur en exploitant des données plus proches de lui. L’entreprise s’est donc associée avec un fournisseur de station météo autonome, Weenat, et propose son expertise pour mixer les informations climatiques de l’agriculteur avec celle des centres météorologiques. « Car l’observation est le point d’entrée de la prévision météo », explique le directeur commercial. Plus concrètement, la station connectée envoie directement de la parcelle à Climpact-Metnext la température, l’hygrométrie et la pluviométrie. De leur côté, les météorologues et statisticiens font leur prévision globale grâce aux données des modèles américains, européens ainsi que celui de Météo-France, et ont créé leur algorithme pour y intégrer les informations de l’agriculteur.
Une météo plus précise, à l’échelle de la parcelle
Le résultat, c’est une prévision ultralocale (à la parcelle) jusqu’à dix jours. « Nous serons donc meilleurs que Météo-France sur ce point précis. Non pas que nous soyons plus compétents, mais nous utilisons des données qu’ils n’ont pas », assure Pascal Bouquet. Un viticulteur ayant déjà sa propre station météo connectée peut s’abonner à ce service pour quelques dizaines d’euros par mois. Pour les autres, l’entreprise propose un package comprenant l’achat de la station (quelques centaines d’euros).
Un service qui se développe également chez Ecoclimasol, start-up franco-argentine similaire, qui a monté une plateforme interactive et collaborative. « Plus il y a de données, meilleure est l’offre pour tout le monde », estime Jean-Philippe Boulanger, président de la société. Elle aussi réalise ses propres prévisions, à l’aide des différents modèles internationaux ainsi que des données de tous ses utilisateurs. Une méthode statistique développée en interne permet de surcroît de corriger la prévision en fonction des informations transmises par une station, et ainsi d’estimer l’évolution de la météo à l’échelle de la parcelle. « Nous arrivons à réduire l’erreur par trois sur le vent, et gagnons 30 à 40 % d’efficacité sur la température, assure le président. L’amélioration de la probabilité de pluie aussi est significative, et nous travaillons pour perfectionner l’aspect quantitatif. » Cerise sur le gâteau, cette prestation est gratuite. Il suffit juste au vigneron d’acheter sa station météo connectée. Jean-Philippe Boulanger conseille d’investir au moins 2 000 euros pour avoir une bonne durée de vie et éviter la dérive trop rapide des capteurs. Dès 2017, la société proposera une plateforme dédiée à la vigne, ClimaVistaWine, avec la possibilité d’acheter un outil d’aide à la décision en supplément.
50 % d’erreurs en moins par rapport à Météo-France
D’autres sociétés, issues du milieu agricole, proposent également ce genre de service. À l’image de Promété, spécialisé en vignes et arboriculture, qui s’appuie sur deux prestataires prévisionnistes ayant leurs propres algorithmes, et permettant d’affiner la météo sur des mailles d’un kilomètre carré. « Tous les ans nous testons quels sont les plus pertinents dans le monde, indique Édouard Loiseau, fondateur de l’entreprise. Pour cela, nous leur demandons de nous fournir une prévision sur un endroit précis, puis nous mesurons pour voir s’ils ont juste. » Grâce à cela, il assure diminuer l’occurrence de faux positifs (il pleut alors que ce n’était pas prévu) ou de faux négatifs (il ne pleut pas alors que c’était prévu) sur des prévisions à 48 heures. Un taux d’erreur qu’il estime à 50 % chez Météo-France. Promété propose un package comprenant l’achat d’une station météo connectée (entre 3 000 et 5 000 euros), le service de support et maintenance (490 euros par an), et un outil de gestion du risque maladie au vignoble (voir ci-après).
L’entreprise Wezr va encore plus loin dans la contextualisation des prévisions, en proposant d’affiner la météo non pas en fonction d’une station météo, mais d’un simple capteur mobile. Ce petit boîtier de cinq centimètres de diamètre, connecté au smartphone par Bluetooth, envoie ses observations de température, pression atmosphérique et humidité aux prévisionnistes toutes les dix à quinze minutes. « Les supercalculateurs de Météo-France sont tellement puissants qu’ils ont besoin de plusieurs heures de travail. Mais pendant ce temps ils ne sont pas actualisés avec les nouvelles données », explique Stéphane Diner, directeur général de Wezr. Son entreprise a donc développé un algorithme qui calcule la différence entre la météo effective et la prévision initiale, et corrige cette dernière pour être plus proche de la tendance immédiate.
Des véhicules de service munis de capteurs météo
« Nous avons testé le capteur lors du championnat de France de kitesurf et avons obtenu de bonnes performances, affirme Stéphane Diner. Le capteur permet de gommer 50 à 70 % des erreurs météo. » L’entreprise joue particulièrement sur le court terme, pour répondre aux questions du type « quel temps fera-t-il derrière la colline dans une heure ? ». Les capteurs sont en vente au prix de 89 € TTC. L’abonnement au service de base est gratuit, et une offre dédiée aux professionnels est à l’étude.
De son côté, Météo-France s’intéresse aussi aux objets connectés. Très prochainement, une expérimentation sera réalisée en équipant les véhicules de service de capteurs, qui alimenteront les calculs de prévisions, pour voir si cela améliore leur service. Espérons toutefois que les moyens soient à la hauteur de l’enjeu. Car un ancien prévisionniste de l’institut nous avouait que « les coupes budgétaires entraînent la disparition des fonctionnaires et une baisse de la qualité de service. » Pour lui, c’est bien Météo-France qui possède le meilleur outil de prévision, car toutes les données ne sont pas publiques. Mais la raréfaction des prévisionnistes les amène à lisser leurs estimations au sein de territoires plus grand, rendant la prévision de moins en moins précise dans l’espace. Autre souci pointé par le scientifique, le changement climatique, qui donne de plus en plus de mal à modéliser…
Bien positionner sa station
"Utiliser des stations météo connectées permet d’affiner les prévisions sur un microclimat particulier, mais à certaines conditions. Il faut que la station soit correctement installée, selon des normes précises, en tenant compte de la distance des arbres et des bâtiments. Car si la donnée de base est faussée, la prévision sera biaisée. L’entrée des modèles météo est basée sur l’observation, donc ces stations sont un atout : plus elles seront nombreuses et plus la prévision sera fine. Sur le capteur mobile en revanche, je suis un peu plus réservé. L’idée est bonne, mais imaginons qu’il soit posé sur un manteau noir, la température sera plus importante. Il faut vraiment qu’il soit bien utilisé et que la société mette des filtres pour écarter les valeurs aberrantes. Au-delà du nombre de données, c’est leur qualité qui compte. Concernant le prix de la station, plus il sera élevé et plus elle sera fiable. Pour un agriculteur, je conseille de mettre 500 à 700 euros."
Prévoir l’apparition des pathogènes grâce aux stations connectées
La plupart des entreprises offrant d’affiner les prévisions météo proposent également un ou plusieurs outils d’aide à la décision (OAD), permettant de modéliser l’apparition des pathogènes. L’entreprise Promété par exemple, simule le développement du mildiou, de l’oïdium, du black-rot et du botrytis, ainsi que les cycles de vie des tordeuses de la grappe. Tout cela en fonction des conditions passées et des prévisions affinées à la parcelle. « Le viticulteur reçoit une synthèse quotidienne en PDF, avec le risque associé à chaque maladie, commente Édouard Loiseau, fondateur de la société. Il peut également renseigner ses traitements, avec les dates, produits, rémanences, et ainsi estimer la qualité de sa couverture phytosanitaire. » Le tout est accessible via une plateforme web adaptée pour ordinateur, tablette et smartphone. L’outil calcule également des fenêtres de traitement pour positionner les interventions en fonction du risque et de la météo. Pour ce qui est de l’abonnement, il faut compter 150 euros par an et par OAD.
Un atout dans la lutte contre la flavescence dorée
En Suisse, les stations connectées sont d’ores et déjà utilisées par les services sanitaires pour déterminer les périodes de traitement obligatoire dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée. Pendant deux ans et demi, les universités de Lugano et Milan ainsi que l’Agroscope de Changins ont validé une méthodologie de modélisation du développement de Scaphoideus titanus, nommée PreDiVine. « Les stations mesurent les données du microclimat et les envoient à des serveurs, qui contiennent des algorithmes pour prévoir le cycle de vie du vecteur », explique Mauro Prevostini, cofondateur de Dolphin-Engineering, la société distribuant le modèle. « Cela donne de bons résultats, poursuit-il, la prédiction est relativement fiable et s’améliore d’année en année grâce à nos observations et nos corrections. » Les pôles IFV de Bourgogne et du Sud-Ouest ont pour projet de tester PreDiVine trois années durant, dans l’optique de l’adapter à la situation française. La firme suisse propose également des OAD pour le mildiou et l’oïdium, accessibles aux viticulteurs français, à un tarif de 500 euros par an.
Choisir sa station météo connectée
Avant d’acheter sa station, il est opportun de réfléchir au mode de transmission des données (GPRS, Wifi…) et au type de capteurs nécessaires en fonction des besoins (température air/sol, humidité, pluviométrie, humectation foliaire…). Les stations munies d’un anémomètre sont souvent 20 à 50 % plus onéreuses. Lors de l’achat, il est également important de se renseigner sur la précision des capteurs. Parmi les principaux distributeurs de stations connectées, on trouve Sencrop, Weenat, Promété, Dfi-elec, Cimel électronique ou encore Davis instrument.