La détection de la flavescence dorée de la vigne s’automatise
Aujourd’hui réalisée par des opérateurs à pied, la lutte obligatoire contre la flavescence dorée va probablement s’automatiser dans les prochaines années. Des solutions expérimentales devraient être commercialisées prochainement.
Aujourd’hui réalisée par des opérateurs à pied, la lutte obligatoire contre la flavescence dorée va probablement s’automatiser dans les prochaines années. Des solutions expérimentales devraient être commercialisées prochainement.
Le périmètre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée concerne près 600 000 hectares. Malgré l’obligation de détection, seule une minorité de cette surface est passée au peigne fin. La principale raison est qu’elle se fait manuellement, mobilise beaucoup de personnel, n’ayant pas toujours l’œil aguerri, et ceci en période de vendange. Afin de faciliter la détection en cette période mobilisatrice, des solutions sont développées pour l’automatiser. Parmi elles, celles de RGX Systems et de Chouette.
Il y a plus de trois ans, nous avions rencontré la start-up maralpine RGX Systems, basée à Valbonne, qui expérimentait sa caméra hyperspectrale embarquée Agrio.
Une caméra hyperspectrale chez RGX Systems
Sur le principe, le système Agrio de RGX Systems se compose d’une caméra embarquée dans une machine à vendanger, filmant dans le visible et l’infrarouge. Les images sont ensuite analysées par de gros serveurs par de l’intelligence artificielle, de type machine learning, afin de repérer les variations de couleurs symptomatiques de flavescence dorée. « Nous sommes aujourd’hui capables de détecter des signes qui ne sont pas visibles à l’œil nu », explique Boyan Nedeltchev.
S’en suit une cartographie précise géolocalisant les ceps contaminés. Sur une application, le viticulteur peut ensuite retrouver à l’aide de son smartphone les pieds concernés et les arracher.
Depuis 2018, la solution a gagné en robustesse. « Les pieds atteints que l’on ne détectait pas en début de vendange, car trop en avance par rapport à l’apparition des symptômes, le sont aujourd’hui, explique le dirigeant. Les phases critiques de changement de luminosité (alternance soleil/nuage, crépuscule, aurore) sont aujourd’hui maîtrisées. L’étalonnage est aussi beaucoup plus simple. Le but est que ce soit le plus transparent possible pour le chauffeur. Il fixe la caméra en cabine au début des vendanges pour l’enlever une fois qu’elles sont achevées. » S’il le souhaite, il pourra l’installer sur un tracteur ou un autre véhicule après les vendanges pour une seconde lecture, soit lors d’un passage à vide ou lors de travaux d’automne.
Une solution moins chère que la prospection à pied
S’il est encore trop tôt pour une commercialisation, prévue au Vinitech 2022, le dirigeant informe que l’équipement ne coûtera que quelques milliers d’euros, auxquels s’ajouteront un abonnement et un coût par lecture, dont les tarifs ne sont pas encore fixés. « Il faut que la solution reste accessible, estime Boyan Nedeltchev. Son retour sur investissement devrait être rapide, car il n’y a plus à mobiliser de la main-d’œuvre en grande quantité pendant la vendange, dont la vigilance fluctue inévitablement avec la fatigue. La solution n’implique pas de passage spécifique et permet de lire rapidement des surfaces importantes. Et tous les rangs sont passés au crible. » Ce système permettra de réduire les quantités de produits insecticides de lutte contre le vecteur de la flavescence. Et, sur le long terme, cela limitera le nombre de pieds arrachés grâce à une analyse de tous les vignobles concernés par l’obligation de lutte, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
La start-up niçoise entame un virage important, celui du passage de la phase de recherche à celle de la réalité commerciale. RGX Systems cherche donc à lever des fonds, ainsi qu’un partenaire industriel pour produire l’équipement en série.
Deux niveaux de détection chez Chouette
De son côté, Chouette propose deux niveaux de détection. Le premier est réalisé à grande échelle à l’aide d’un avion et permet de prospecter plusieurs centaines, voire milliers d’hectares. « Par ce moyen, nous détectons les symptômes flavescents, explique Charles Nespoulous, cofondateur et dirigeant de Chouette. Parmi les pieds décelés, un certain nombre d’entre eux seront de faux positifs. En revanche, il y aura très peu de faux négatifs. » Cette méthode permet ainsi de contrôler très rapidement, à un tarif de moins de 10 euros à 20 euros par hectare (dégressif avec la surface), une grande surface et de limiter la prospection à pied. En 2021, 5 000 hectares ont été contrôlés de la sorte, avec une réduction de la zone à prospecter manuellement, très variable d’un secteur à l’autre.
La seconde solution proposée par Chouette consiste en une caméra RGB, c’est-à-dire analysant le spectre de la lumière visible, embarquée sur le tracteur ou la machine à vendanger. « Avec une résolution d’un pixel pour un 1 mm², l'échelle beaucoup plus fine de lecture nous permet de détecter avec plus d’exactitude. C'est peut-être encore un peu moins précis que les experts les plus chevronnés, mais bien plus que la grande majorité des opérateurs saisonniers qui réalisent la prospection aujourd’hui », confie le dirigeant. Ce dernier ne précise pas les tarifs de cette prestation, qui rentrera prochainement en phase de commercialisation. « C’est plus cher naturellement que la mesure par avion, mais moins cher qu’une prospection à pied, explique Charles Nespoulous. Comme c’est embarqué sur la machine à vendanger qui sillonne tous les rangs, cela ne mobilise pas le personnel qui peut être employé à des tâches à plus grande valeur ajoutée. »