Irrigation, dépérissement, pulvé... les enseignements de trois essais viticoles
La chambre d’agriculture du Vaucluse a ouvert les portes de son domaine expérimental à Piolenc le 12 juillet dernier. L’occasion de faire le point sur quelques pistes de recherche.
L’irrigation précoce est intéressante les printemps secs
Y a-t-il un intérêt à irriguer la vigne au mois de mai, époque où la disponibilité de l’eau n’est pas sous tension, pour économiser ensuite la ressource en été ? C’est à cette question que s’attelle Silvère Devèze, à la chambre d’agriculture du Vaucluse. Le projet de trois ans n’est pas encore terminé, mais le conseiller dessine déjà une première tendance. Une irrigation précoce semble avoir un effet dans le temps, mais pas suffisant pour réduire véritablement la contrainte en été. « Visuellement nous n’avons pas vu de différence entre le témoin sec et la modalité irriguée précocement, commente le conseiller. Mais cette dernière a présenté de meilleurs poids de 100 baies et chargement en sucres, et a donné un vin mieux apprécié. »
L’apport d’eau a été fait avant floraison, à hauteur de 80 millimètres et en une seule fois. Les irrigations classiques, qu’elles soient hebdomadaires ou mensuelles, permettent de contenir bien plus efficacement la contrainte hydrique. « Toutefois une irrigation précoce en complément pourrait bien être intéressante lors de printemps secs », estime Silvère Devèze. Testant tous azimuts, le conseiller va également réaliser des essais d’irrigation tardive, en septembre, pour voir comment la vigne répond.
La vigueur favorise le dépérissement du grenache
La vigueur explique une partie du dépérissement du grenache. C’est la conclusion de Marion Claverie, ingénieur à l’IFV, à l’issue du projet DEP Grenache, qui vient de s’achever après quatre ans d’études. Elle a en effet testé cette hypothèse sur trois réseaux de 30 parcelles chacun, et affirme que dans 80 % des cas, plus la parcelle est vigoureuse, plus importantes sont les expressions d’esca. « Cela voudrait peut-être dire qu’il y a une zone de compromis à exploiter, entre une belle vigueur mais une plus grande sensibilité au dépérissement et une vigne moins dépérissante mais trop peu productive », analyse la chercheuse. Dans cette hypothèse, l’enherbement printanier des parcelles de grenache les plus puissantes serait un levier pour réduire la mortalité due à l’esca.
« Dans les 20 % de cas restants, le dépérissement du grenache est corrélé à la sécheresse », ajoute Marion Claverie. Probablement parce que pour se défendre face aux champignons, il faut des réserves, et que les années comme 2022 procurent un stress trop important pour que la vigne soit résiliente. L’ingénieur vauclusienne a par ailleurs réalisé des essais de recépage couplé à un curetage du bourrelet de greffe sur des ceps symptomatiques en 2020. En 2023, 38 % étaient morts (notamment parce qu’aucun pampre n’a repoussé), 9 % exprimaient des symptômes et 53 % étaient asymptomatiques. En comparaison, 32 % des témoins étaient morts, 18 % étaient toujours symptomatiques et 51 % n’exprimaient plus de symptômes. « Il reste à vérifier si les souches recépées vont se stabiliser et les témoins continuer à dépérir, auquel cas le recépage couplé au curetage du bourrelet serait une bonne solution pour maintenir la production sur le long terme », projette Marion Claverie.
La pulvérisation fixe fait face à des contraintes pratiques
Avoir une installation de pulvérisation fixe est une idée séduisante. Mais elle se heurte encore et toujours à des problématiques techniques. Sur les palissages classiques, les systèmes d’aspersion n’arrivent pas à couvrir à la fois les feuilles et la zone des grappes. Aussi la chambre d’agriculture du Vaucluse s’est lancée dans un test sur des vignes conduites sur un fil en hauteur et en taille rase, système où les rameaux retombent et les grappes sont théoriquement plus faciles à atteindre. La pulvérisation, assurée par des asperseurs bidirectionnels à grosses gouttes tous les cinq mètres, a été calée sur un itinéraire classique (mêmes dates et mêmes produits).
« Cette année, où la pression est très forte, l’efficacité de la pulvérisation fixe sur grappes est comprise entre le témoin non traité et une pulvérisation conventionnelle », relate Laura Tabuteau, en charge du projet. Si les avantages de cette technique sont nombreux (plus de réactivité, moins de tassements et moindre exposition aux produits), les questions sont tout aussi nombreuses : quelle règle de décision adopter ? Quelle gestion pour les résidus phytosanitaires dans les tuyaux ? Quelle compatibilité entre les asperseurs et la machine à vendanger ? Les essais vont se poursuivre avec l’idée de rentabiliser ces installations fixes par la brumisation contre l’échaudage et l’aspersion contre le gel.