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Irrigation de cultures agricoles à partir d'eaux usées traitées : que dit le nouvel arrêté ?

Très attendu par le monde agricole, l’arrêté relatif aux conditions d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures vient enfin de paraître. Quelles nouveautés apporte-t-il par rapport à l’arrêté du 2 août 2010 ?

Tuyaux de pompage d'eau pour l'irrigation agricole
© Pixabay

 

Annoncé le 30 mars 2023 par Emmanuel Macron dans le cadre du Varenne de l’eau, l’arrêté « REUT irrigation » relatif aux conditions de production et d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures est enfin paru ce 28 décembre au journal officiel. Il abroge l'arrêté du 2 août 2010 modifié relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts est abrogé.

Lire aussi : Les eaux usées traitées, une ressource très attendue pour irriguer les vignes

 

1000 projets de réutilisation des eaux usées traitées visés par le gouvernement

L’objectif visé par le gouvernement : développer 1000 projets de réutilisation d’eaux usées traitées sur le territoire d’ici à 2027.

Pour favoriser la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour l’irrigation agricole, le cadre réglementaire a été adapté via le décret du 29 août 2023 qui codifie la procédure d’autorisation des projets de réutilisation d’eaux usées traitées et apporte des simplifications lorsque les projets respectent les exigences de qualité des eaux.

Lire aussi : Eaux usées : leur réutilisation simplifiée par un décret 

L’arrêté du 18 décembre vient préciser le dispositif dans le domaine agricole.

 

 

Quelle qualité des eaux usées traitées pour quel usage agricole ?

L’arrêté définit la qualité des eaux usées traitées nécessaires en fonction des usages agricoles. 

Usages possibles suivant le niveau de qualité des eaux usées traitées


TYPE D'USAGE


NIVEAU DE QUALITÉ SANITAIRE 
DES EAUX USÉES TRAITÉES


A


B


C


D


Toutes les cultures vivrières consommées crues dont la partie comestible est en contact direct avec l'eau usée traitée et les plantes racines consommées crues (1)


+


*


*


-


Cultures vivrières consommées crues dont la partie comestible est cultivée en surface et n'est pas en contact direct avec l'eau usée traitée, cultures vivrières transformées et cultures non vivrières y compris servant à l'alimentation des animaux producteurs de lait ou de viande ( hors fourrage frais, pâturage, cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières )


+


+ (2)


*


-


Fourrage frais et pâturage


+


+


*


-


Cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières


+


+


+


+


+ autorisée, - : interdite, * : possible en mettant en place un système de barrières appropriées tel que défini en section 2.
(1) La réutilisation d'eaux usées traitées est interdite pour la cressiculture.
(2) L'irrigation pour l'arboriculture fruitière est interdite pendant la période allant de la floraison à la cueillette pour les fruits non transformés, sauf en cas d'irrigation au goutte à goutte.

Sachant que la qualité des eaux usées traitées est caractérisée par plusieurs paramètres, renforcés par l’arrêté du 18 décembre 2023.
 

Paramètres et niveau de qualité des eaux usées traitées


PARAMÈTRES


NIVEAU DE QUALITÉ SANITAIRE DES EAUX USÉES TRAITÉES


A


B


C


D


Matières en suspension (mg/L)


≤ 10


Conforme à la réglementation des rejets d'eaux usées traitées pour l'exutoire de la station hors période d'utilisation


Demande biologique en oxygène sur 5 jours (mg/L)


≤ 10


Conforme à la réglementation des rejets d'eaux usées traitées pour l'exutoire de la station hors période d'utilisation


Escherichia coli (nombre/100mL)


≤ 10


≤ 100


≤ 1 000


≤ 10 000


Coliphage (bactériophages ARN-F spécifiques et/ou phages somatiques (*)


≤ 10


≤ 100


≤ 1 000


≤ 10 000


Clostridium perfringens (**)


≤ 10


≤ 100


≤ 1 000


≤ 10 000


Turbidité (NTU)


≤ 5


-


-


-


Autres


Legionella spp. : < 1 000 ufc/l lorsqu'il existe un risque de formation d'aérosols Nématodes intestinaux (œufs d'helminthes) : ≤ 1 œuf/l pour l'irrigation des pâturages ou des fourrages frais


(*) Les coliphages totaux sont choisis comme étant l'indicateur viral le plus approprié. Cependant, si l'analyse des coliphages totaux est impossible, au moins l'un d'entre eux (les coliphages F-spécifiques ou les coliphages somatiques) doit être analysé.
(**) Les spores de Clostridium perfringens sont choisies comme étant l'indicateur de protozoaires le plus approprié. Cependant, les bactéries anaérobies sulfito-réductrices et leurs spores offrent une solution de remplacement si la concentration de spores de Clostridium perfringens ne permet pas de valider la réduction log10 requise.

 

La notion de barrière permet d’utiliser une qualité d’eau moindre pour certains usages agricoles

Principale nouveauté de l’arrêté du 18 décembre : l’introduction de la notion de « barrière » permettant d’utiliser une qualité d’eau usée moindre à condition de mobiliser des barrières (une à trois) appropriées permettant de garantir un état sanitaire de l’eau adapté à l’usage agricole.

Nombre minimum de barrières applicables en fonction des usages et de la qualité des eaux usées traitées


Type de culture


Classe de qualité et nombre minimum de barrières


A


B


C


D


Toutes les cultures vivrières consommées crues dont la partie comestible est en contact direct avec l'eau usée traitée et les plantes racines consommées crues


0


1


3


Interdit


Cultures vivrières consommées crues dont la partie comestible est cultivée en surface et n'est pas en contact direct avec l'eau, cultures vivrières transformées et cultures non vivrières y compris servant à l'alimentation des animaux producteurs de lait ou de viande (hors fourrage frais et pâturage cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières)


0


0


2


Interdit sauf si utilisation localisée : 3


Fourrage frais et pâturage


0


0


2


Interdit


Cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières


0


0


0


0

Pour réduire la présence d’agents pathogènes dans les eaux usées traitées, l’arrêté suggère plusieurs types de barrières comme l’irrigation localisée, une bâche résistante aux UV séparant eaux d’irrigation et culture irriguées dans un système de goutte-à-goutte, le lavage des produits avant leur vente aux consommateurs, le pelage des fruits et légumes ou encore le séchage au soleil des plantes fourragères avant consommation.

Types de barrières suggérés selon l'application et nombre d'équivalents barrières attribués


Type de barrière


Application


Réduction des agents pathogènes (unités log)


Nombre d'équivalents barrières


Irrigation des cultures vivrières


Irrigation localisée
(sans stagnation de l'eau en surface et sans contact des parties comestibles avec les eaux usées traitées)


Irrigation de cultures basses (à au moins 25 cm au-dessus du sol)


2


1


Irrigation de cultures hautes (à au moins 50 cm au-dessus du sol)


4


2


Irrigation souterraine par goutte-à-goutte, lorsque l'eau ne remonte pas à la surface du sol par capillarité


6


3


Bâche résistante aux UV


Dans le cadre de l'irrigation par goutte-à-goutte, lorsque la bâche sépare les eaux d'irrigation des cultures irriguées


2 à 4


1


Inactivation naturelle des agents pathogènes


Inactivation naturelle favorisée par l'arrêt ou l'interruption de l'irrigation avant la récolte


0,5 à 2 par jour (selon les cultures et conditions météorologiques).


1 à 2


Lavage des produits avant leur vente aux consommateurs (1)


Lavage à l'eau potable


1


1


Désinfection des produits avant leur vente aux consommateurs (1)


Lavage avec une solution légèrement désinfectante et rinçage à l'eau potable


2


1


Pelage des produits avant leur vente aux consommateurs (1)


Pelage des fruits et légumes


2


1


Irrigation de fourrage frais et pâturage


Contrôle de l'accès


Restriction de l'accès au champ irrigué pendant 10 jours en l'absence d'abattoir relié à la station de traitement des eaux usées et de 21 jours dans le cas contraire


2 à 4


2


Séchage au soleil des plantes


Les plantes fourragères et autres cultures sont séchées au soleil et récoltées avant consommation


2 à 4


2


(1) La mise en œuvre de ce type de barrière devra spécifiquement être attribuée à l'utilisateur ou à tout autre établissement partie prenante aux barrières qui devront en produire les justificatifs avec la traçabilité adéquate au long de la chaîne alimentaire.
La liste des barrières proposées n'est pas exhaustive.

 

Des mesures préventives au cas par cas pour les projets REUT

L’arrêté du 18 décembre introduit également une démarche d’évaluation et de gestion des risques qui identifie les mesures préventives nécessaires au regard des risques identifiés afin d’adapter les modalités de gestion et de suivi à la nature du projet d’utilisation des eaux usées traitées. Concrètement on passe d’une démarche d’obligation à une démarche de cas par cas.

Les mesures préventives de gestion peuvent être des distances minimales à respecter entre les zones d’utilisation des eaux usées traitées et les activités à protéger comme les plans d’eau, la pisciculture ou l’abreuvement du bétail.

L’arrêté liste à titre indicatif les distances minimales qui peuvent être préconisées à respecter entre les zones d'utilisation des eaux usées traitées et les activités.

Distances à titre indicatif des activités à protéger


NATURE DES ACTIVITÉS À PROTÉGER


CLASSE DE QUALITÉ DES EAUX USÉES TRAITÉES


A


B


C et D


Plan d'eau (1)


20 m


20 m


50 m


Bassin aquacole (à l'exception des coquillages filtreurs)
Pisciculture y compris pêche de loisir


20 m


20 m


50 m


Conchyliculture
Pêche à pied des coquillages filtreurs


50 m


50 m


200 m


Baignades et activités nautiques


50 m


50 m


100 m


Abreuvement du bétail (2)


50 m


50 m


100 m


Cressiculture


50 m


50 m


200 m


(1) A l'exception du plan d'eau servant d'exutoire au rejet de la station de traitement des eaux usées et des plans d'eau privés où l'accès est réglementé et où aucune activité telle que baignade, sport nautique et aquatique, pêche ou abreuvement du bétail n'est pratiquée.
(2) En cas d'aspersion, les animaux ne doivent pas être au champ au moment de l'opération et les abreuvoirs, au cas où ils seraient arrosés, doivent être rincés avant utilisation

Afin de mieux expliquer cette nouvelle règlementation, le ministère de l’agriculture publie deux exemples concrets de mise en œuvre.

Lire aussi : Les eaux usées traitées ne sont pas assez réutilisées en agriculture
 

 

Exemple 1 : réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer la vigne

Le ministère de l’agriculture cite le cas d’une exploitation viticole qui souhaiterait irriguer ses vignes avec des eaux usées traitées et suit les évolutions entre l’arrêté de 2010 et l’arrêté de 2023. Si entre les deux arrêtés les seuils de qualité des eaux usées traitées ont été renforcés pour certains paramètre, une « eau de qualité moindre peut désormais être utilisée si l’exploitant met en place des mesures barrières (par exemple, mise en place d’une irrigation goutte à goutte, arrêt de l’irrigation avant les vendanges», souligne le ministère. 

Les mesures préventives par rapport à des activités à protéger, qui étaient obligatoires dans l’arrêté de 2010, peuvent désormais être mobilisées au cas par cas, au regard des risques identifiés dans le cadre de la démarche de l’évaluation de la gestion des risques.
 

 

Exemple 2 : réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer des cultures maraîchères consommées crues

Dans le cadre d’une exploitation maraîchère, productrice de salades de plein champ, l’exploitation peut irriguer ses cultures avec des eaux usées traitées.  Là encore, les niveaux de seuils de qualité des eaux usées traitées ont été renforcés mais une eau de qualité moindre peut désormais être utilisée si l’exploitant met en place des mesures barrières comme le lavage à l’eau potable de la production avant sa vente au consommateur. Les mesures préventives pour protéger certaines activités là aussi peuvent être mobilisées au cas par cas, au regard des risques identifiés.

 

 

Le fonds hydraulique agricole pourra contribuer au financement des projets

« Le fonds hydraulique agricole pourra contribuer au financement des projets de REUT aux fins d’adapter les activités agricoles au changement climatique et les rendre plus résilientes dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau », commente Marc Fesneau dans un communiqué.

 

Aller plus loin

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