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Hygiène de chai : la lumière pulsée désinfecte les barriques

Écologique et plus respectueuse de l’opérateur, la lumière pulsée a détrôné le méchage au château Calon Ségur. Retour sur la genèse de cette innovation.

Le système de Bacchustorm se compose de deux parties : une unité mobile et un pistolet.
Le système de Bacchustorm se compose de deux parties : une unité mobile et un pistolet.
© Château Calon Ségur

Cela fait plusieurs années qu’on en parle. Mais jusqu’à peu, l’emploi de la lumière pulsée n’était que théorique et n’avait pas de déclinaison terrain. C’était sans compter sur le château Calon Ségur, à Saint-Estèphe, en Gironde. Le domaine s’est en effet mis en quête d’une alternative au méchage des barriques en 2019. « Le maître de chai, Philippe Curaudeau, avait fait réaliser des relevés par la MSA, plante Marin Reymann, responsable de la cellule innovations technologiques à Calon Ségur. Et les taux de SO2 gazeux dans les chais explosaient les compteurs. L’air était saturé, provoquant des irritations de bronches et des problèmes respiratoires. »

Une innovation déjà employée dans l’industrie pharmaceutique

Le maître de chai a donc souhaité trouver une alternative à cette technique ancestrale. « La vapeur ne le satisfaisait pas, poursuit Marin Reymann, car elle exerce une pression sur le bois. Les pores se dilatent. Ce qui a deux conséquences : une hausse de l’exposition du vin à l’oxygène et la fissuration, donc la fuite qui nécessite réparation, de nombreuses barriques» Les ultrasons, devant se disperser dans de l’eau, n’ont pas été estimés assez écologiques, ni aussi satisfaisants que le méchage ou la vapeur au niveau de l’élimination des microorganismes.

Exit également l’ozone et l’eau ozonée, ce gaz étant considéré comme dangereux en inhalation par le château. Enfin, l’emploi de lampes UV a été jugé trop chronophage puisqu’il faut compter 10 à 15 minutes pour stériliser une barrique. « Je suis donc allé regarder du côté de la pharmacie et de l’agroalimentaire, indique le responsable innovations. J’ai trouvé la lumière pulsée. C’est une technologie qui permet de travailler efficacement et qui est employée dans le secteur pharmaceutique pour stériliser. »

Il s’est rapproché de l’entreprise Stérixène, qui a alors monté la société Bacchustorm, pour développer un appareil adapté aux barriques. C’était en novembre 2019. En juin 2020, Calon Ségur a reçu les premiers plans. La machine est constituée de deux parties. La première est un genre de caisson mobile d’environ 1,10 m de haut pour 40 cm de large. Il se branche sur du 220 V, contient l’électronique et un condensateur. C’est ce dernier qui ionise la lampe, ce qui permet d’envoyer des impulsions électriques, qui se traduisent par des flashs.

 
Le pistolet a été conçu pour protéger l'opérateur. Un manchon évite tout contact avec l'ampoule.
Le pistolet a été conçu pour protéger l'opérateur. Un manchon évite tout contact avec l'ampoule. © Bacchustorm
Ces flashs sont émis par la seconde partie de l’appareil qui se présente sous la forme d’un « pistolet » contenant une ampoule au xénon. L’utilisation est simple : il suffit de rentrer le pistolet dans la barrique par le biais de la bonde. Il tient seul. On peut alors déclencher la stérilisation sur le pupitre, ce qui occasionne une consommation de 200 W/h.

 

La modalité avec 36 flashs est la plus intéressante

En trois minutes, la barrique est décontaminée. « Nous avons fait des mesures de bretts, bactéries acétiques, et flore totale avant et après emploi de la lumière pulsée, détaille Marin Reymann, avec différentes durées de flashage. Les bretts de surface disparaissent dès 3 minutes. » Le château Calon Ségur a également réalisé des analyses sur vin après six mois d’élevage, qui se sont révélées concluantes, et des mesures d’ATPmétrie. « La modalité la plus pertinente est celle de 36 flashs, ce qui représente pour le moment 3 minutes, révèle le responsable. Les résultats sont alors aussi bons voire meilleurs qu’avec le méchage. L’ATPmétrie est inférieure à 100. » Sur le modèle définitif, la fréquence des flashs devrait être supérieure, ce qui permettra de diminuer le temps de flashage à environ deux minutes.

L’aspect sécurité de l’utilisateur, au cœur de cette démarche d’innovation, n’est bien sûr pas occulté. « La lampe envoie l’équivalent de 100 000 fois le spectre du soleil, décrit Marin Reymann. C’est similaire, en intensité, à un arc de soudure. » Il faut donc à tout prix éviter que cette lumière entre en contact avec l’utilisateur. Pour ce faire, Bacchustorm a équipé la lampe d’une led de sécurité : elle ne peut flasher que dans l’obscurité la plus totale et est bloquée le reste du temps. Par ailleurs, pour éviter tout risque de brûlure avec l’ampoule qui s’échauffe, le pistolet est muni d’une protection rétractable, qui ne libère l’ampoule qu’une fois qu’elle se situe dans la barrique. Enfin, le xénon est un gaz neutre, non nocif. En cas de casse de l’ampoule, il ne constitue aucun risque pour l’utilisateur.

Une ampoule peut générer 15 à 20 millions de flashs. « De quoi faire 200 000 ou 300 000 barriques », illustre Marin Reymann. Le remplacement de l’ampoule est d’ailleurs très simple et rapide. En revanche, au fil de son utilisation, elle perd peu à peu de son efficacité. Une seconde led mesure donc l’intensité des UV, afin de suivre l’évolution de la performance de l’appareil. Le château Calon Ségur devrait recevoir la version finale du Bacchustorm courant 2023, et envisage de l’employer également sur ses cuves inox. « Les ouvriers du chai attendent son arrivée avec impatience », se réjouit Marin Reymann. Pour s’en équiper, il faut néanmoins débourser près de 30 000 euros. À noter que ce matériel est éligible aux aides FranceAgriMer du fait de son caractère environnemental (économies d’eau).

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