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Halte au double discours

L’été sera chaud ! Marisol Touraine, ministre de la Santé, s’apprête à présenter sa proposition de loi de Santé publique. Des restrictions d’usage d’Internet pourraient figurer dans le texte. La filière commence à sensibiliser les parlementaires sur le sujet et cherche à convaincre sur la nécessité de définir légalement la publicité.

La filière viticole veut défendre une politique équilibrée et concertée autour des questions de santé.
La filière viticole veut défendre une politique équilibrée et concertée autour des questions de santé.
© P. Cronenberger

D’un côté le vin et ses paysages, de l’autre des jugements sur des publicités qui s’empilent de plus en plus restrictifs. D’un côté l’œnotourisme et l’export florissant, de l’autre un logo à destination des femmes enceintes et des déclarations inquisitrices sur les dangers sanitaires. D’un côté un ministre en marinière qui vente le made in France, de l’autre une ministre de la Santé qui garde porte close à la filière viticole et abroge le conseil de la modération sans concertation. D’un côté un candidat aux élections présidentielles qui lève et boit la coupe, de l’autre un président en voyage officiel aux États-Unis qui ne touche pas au verre offert par la Maison Blanche. Le double discours en matière de vin est le “ french paradox ” de la politique française en la matière : elle n’est pas l’apanage de l’actuelle mandature et dure et perdure au-delà de l’alternance.


L’année 2014 n’échappe pas à la règle du double discours, puisque le Sénat vient d’adopter un amendement pour reconnaître le vin comme patrimoine culturel. “ C’est un pas satisfaisant mais il faudrait que cela ait un écho dans la vision globale des politiques sur le vin ”, explique Audrey Bourolleau, déléguée générale de Vin et Société. Car quelques mois plus tard, les mêmes parlementaires devront se prononcer sur une loi de santé publique qui risque quelque peu de porter atteinte au vin. Les orientations de la loi, présentée par la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine, le rapport de la MILDT paru en septembre 2013, le Plan Cancer annoncé en début d’année, sont autant d’indicateurs de ce que pourrait contenir le projet de loi. Les plus proches observateurs s’attendent à une loi très dure et des débats vifs, notamment parce ni le ministère de la Santé, ni la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale n’ont accepté de recevoir Vin et Société pour tenter une concertation. Et le ministre de l’Agriculture de s’en laver les mains, en expliquant qu’une loi de Santé publique ne concerne pas son ministère.


Une loi Evin trop floue


Dans ce contexte la stratégie de Vin et Société est donc de partir au combat avec une tournée des grands ducs en région pour rencontrer les députés des zones viticoles et non viticoles. Mission : sensibiliser les parlementaires qui n’ont pas forcément conscience des problématiques. Les a priori sont forts : ils voient arriver la filière en lobbyiste, mais les explications données les font réfléchir. C’est du moins ce que ressent Audrey Bourolleau. “ Quand on aborde des cas concrets, l’écoute devient plus attentive. ” C’est le cas, notamment, du flou qui entoure les écrits journalistiques en matière de vin. Différents jugements, comme ceux du Parisien ou de Paris Match, ont condamné des articles de presse en considérant qu’il s’agissait de publicité. “ La loi Evin ne définissant pas précisément la publicité, c’est le juge qui décide ”, remarque Audrey Bourolleau. Conséquences : les rédactions de la presse grand public s’autocensurent. Et il y a de quoi puisque le jugement portant sur l’article de Paris Match, titré “ Starlette Johnson et Rumeur Willis ” où l’on pouvait voir la plus française des actrices américaines tenir une bouteille de Moët & Chandon, a considéré que “ la loi n’exclut pas les articles rédactionnels de la définition des publicités, et n’exige pas que celles-ci aient un caractère onéreux pour la marque qui en est l’objet. Il suffit que l’article mette en valeur une boisson alcoolisée en associant l’alcool à un contexte festif ou à des personnalités valorisantes pour que l’infraction aux dispositions légales soit constituée ”.
Le double discours, c’est aussi celui que dénonce Jean-Charles Tastavy, président de l’association L’Honneur du Vin, concernant la politique de prévention contre une nutrition trop riche en graisses et en sucres. “ Les rapports internationaux de l’OMS tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme concernant l’explosion du diabète et de l’obésité, maladies qui touchent davantage les pauvres. L’alcoolisme n’est plus aussi préoccupant que dans les années 1950, période où la lutte contre l’abus d’alcool a été initiée : la consommation française est en deçà des taux recommandés par l’OMS ”, explique le vigneron qui ne manque pas de remarquer que la préconisation française est de limiter la consommation de soda à un par jour, quand les préconisations internationales recommandent l’abstinence totale. “ Nous nous heurtons à un schéma de pensée tenu par des décideurs qui ont vécu la propagande intense contre l’alcool. Ce schéma fait partie de leur culture. Il est ainsi difficile de les convaincre que les dangers ont changé. ”
 

Loi de Santé publique Les grandes orientations


La proposition de loi de Santé publique doit être présentée en juillet par la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine. La filière a identifié des mesures qui pourraient être inscrites dans cette proposition, et prépare son argumentaire.

Fiscalité : le spectre plane toujours


Le vin est la seule boisson alcoolisée à avoir un statut fiscal encore préservé : les alcools forts et la bière ayant chacun à leur tour supporté une hausse de leur fiscalité. À l’automne 2013, grâce à une concertation avec les parlementaires, l’idée de taxer le vin dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) n’a pas été retenue. La filière viticole a notamment fait valoir l’inefficacité d’une hausse des prix pour réduire la consommation d’alcool. Le danger de l’augmentation de la fiscalité plane toujours : elle pourrait être introduite dans le PLFSS rectificatif qui doit être présenté prochainement. Et quid du PLFSS 2015 ? Les représentants des fabricants d’alcool fort militent toujours en faveur d’une taxe indexée sur le degré d’alcool…

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