Garder la tête froide face au sursaut de bois noir dans les vignes françaises
La jaunisse du bois noir a fait parler d’elle dans certaines régions françaises en 2021. Il n’y a pas de raison pour que l’épidémie s’emballe.
La jaunisse du bois noir a fait parler d’elle dans certaines régions françaises en 2021. Il n’y a pas de raison pour que l’épidémie s’emballe.
Les viticulteurs français commencent à bien connaître la flavescence dorée. Beaucoup moins, en revanche, connaissent la maladie du bois noir, identifiée en France dans les années 1940. Et pourtant, les symptômes au vignoble sont identiques. L’an dernier, certaines régions françaises ont connu une recrudescence significative de bois noir, qui soulève quelques questions. En Bourgogne par exemple, sur l’échantillon de 3 200 ceps atteints de jaunisses issu des prospections collectives, seuls 130 étaient positifs à la flavescence dorée, tous les autres étant touchés par le bois noir. Faut-il s’inquiéter pour les années à venir ? Faisons-nous face à un nouveau fléau sanitaire ?
« C’est vrai que cette année nous en avons observé beaucoup, plus que d’habitude, acquiesce Virginie Viguès, à la chambre d’agriculture du Tarn. Mais le cas s’est déjà présenté en 2007. Il y avait eu à l’époque un gros pic d’analyses positives au bois noir, puis c’est passé. Donc la recrudescence de 2021 ne veut pas forcément dire que l’on aura de plus en plus de pieds malades dans les années à venir. » La conseillère, qui a étudié le phytoplasme pendant plusieurs années à l’IFV, n’est pas particulièrement inquiète sur le sujet. Notamment parce que l’épidémiologie est très différente de celle de la flavescence dorée : si Scaphoideus titanus est inféodé à la vigne, Hyalesthes obsoletus, le vecteur du bois noir, n’y vient que de manière opportuniste.
Une année propice aux adventices hôtes comme hypothèse
« Il n’y a donc pas la même notion de propagation, indique la conseillère. Celle du bois noir n’est pas exponentielle. » Une sérénité que l’on retrouve en Alsace, qui ne connaît pas la flavescence dorée mais compose avec le bois noir depuis longtemps. « Nous en voyons couramment, certains lieux sont plus marqués que d’autres. La thématique n’est pas nouvelle, analyse Marie-Noëlle Lauer, à la chambre d’agriculture régionale. Il n’y a pas d’obligation d’arracher les ceps atteints de jaunisse en Alsace, et pourtant les expressions sont stables. »
Une des hypothèses qui pourrait expliquer les pics de contamination régionaux en 2021 serait, selon Virginie Viguès, la fraîcheur et la pluviométrie de l’année, favorisant la pousse des plantes hôtes du vecteur que sont l’ortie et le liseron. Du côté du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), la responsable de la coordination technique, Héloïse Mahé, a tout de même préféré tirer la sonnette d’alarme.
« Même si l’on espère que ça va se calmer, il faut lancer des recherches pour connaître davantage cette maladie et comprendre pourquoi il y a ces fortes vagues épidémiques, qui touchent parfois des plantiers ou des parcelles sans orties ni liserons », estime-t-elle. Pour elle, le problème le plus important concernant le bois noir est l’interférence dans la lutte contre la flavescence dorée, étant donné que seule une analyse en laboratoire permet de distinguer les deux maladies. « Les rémissions au bois noir existent, mais en Bourgogne nous ne pouvons pas miser là-dessus puisque l’arrêté impose l’arrachage de toutes les jaunisses dès lors que la flavescence est présente », poursuit Héloïse Mahé. La responsable a alerté, d’un autre côté, les producteurs sur la nécessité de maintenir le dynamisme des prospections collectives.
comprendre
Le bois noir, aussi appelé stolbur, est tout comme la flavescence dorée une maladie due à un phytoplasme (petite bactérie). Il ne faut pas le confondre avec le black dead arm (BDA), ni avec le pied noir, qui sont deux maladies du bois de la vigne causées par des champignons. Ce phytoplasme est transmis par des genres de cicadelles, les fulgores, le principal vecteur étant Hyalesthes obsoletus. Les symptômes sont la décoloration du limbe de la feuille, qui devient cassante, et l’absence partielle ou totale d’aoûtement des bois. La lutte insecticide est inefficace car le vecteur ne se reproduit pas sur la vigne, sa présence est fugace. La meilleure prévention reste encore, dans les zones où le bois noir est problématique et récurrent, d’éliminer les orties et liserons (réservoirs à phytoplasme) aux abords de la parcelle.