En Suisse, la flavescence est sous contrôle
Alors que chaque année la France procède à un décompte macabre, celui des nouveaux foyers de flavescence dorée, la Suisse ne connaît pas d’expansion de la maladie bien que le canton du Tessin soit infesté depuis 2004. Explications sur la méthode de lutte helvète qui ne compte que deux traitements annuels.
Alors que chaque année la France procède à un décompte macabre, celui des nouveaux foyers de flavescence dorée, la Suisse ne connaît pas d’expansion de la maladie bien que le canton du Tessin soit infesté depuis 2004. Explications sur la méthode de lutte helvète qui ne compte que deux traitements annuels.
obligatoires en 2005, la Suisse utilise un insecticide régulateur de croissance qui bloque la mue des insectes : la buprofézine.
Situé au Sud de la Suisse, le canton du Tessin est touché par la flavescence dorée depuis 2004. Quelque 800 hectares y sont en traitements obligatoires. Si en 2005, le traitement concernait 300 hectares, la cicadelle n’a pas infecté les autres vignobles suisses de la région Alémanique ou Orientale. Il est ainsi clair que la maladie est circonscrite dans le canton du Tessin. Mauro Jermini, chercheur à l’Agroscope de Changins, est au cœur de la mise au point de la stratégie helvète de lutte contre le phytoplasme. “ Nous avons commencé à nous intéresser à la maladie dans les années 1990 car j’étais persuadé qu’un jour elle ferait son apparition en Suisse. ”
Pas de résidus dans les vins
Les expérimentations ont donc débuté en 1991, bien avant l’infestation du vignoble et ont montré que la matière active la plus satisfaisante était la buprofézine. Cet insecticide, que l’Union européenne interdit (décision datant de septembre 2008 : n° 2008/771/CE), a été validé en Suisse non seulement pour son efficacité mais aussi pour son faible impact sur la faune auxiliaire. “ Quand il a fallu choisir l’insecticide que nous allions utiliser, nous avons travaillé avec des associations environnementales. Il est apparu que l’utilisation de la buprofézine était la stratégie optimale pour tout le monde ”, explique Mauro Jermini. Les essais ont en effet montré l’absence de toxicité sur les abeilles, ce qui n’est pas le cas d’une matière active qui a reçu récemment son autorisation de mise sur le marché en France (association de thiametoxam et chlorantraniliprole). Son impact sur les typhlodromes, prédateurs naturels des araignées rouges, est neutre en comparaison de l’effet des ester-phosphoriques. Concernant la qualité sanitaire des vins, les différentes analyses réalisées par l’Agroscope montrent qu’il n’y a pas de résidus dans les vins.
D’un point de vue phytosanitaire, la buprofézine est un régulateur de croissance qui bloque la mue des larves de cicadelles. Ce mode d’action demande une grande précision au moment du traitement car sa fenêtre d’application est courte (entre 5 à 7 jours). “ Nous plaçons le premier traitement au moment du pic des éclosions, puis le second deux semaines après ”, indique Mauro Jermini.
La méthode suisse prévoit un troisième traitement. Il n’a jamais été appliqué : les prospections n’ont jamais montré de problème d’efficacité après deux traitements de buprofézine. Pas plus que de développement de résistances n’a pu être mis en évidence. Par ailleurs, l’application de la buprofézine nécessite une pulvérisation soignée. Il faut que le produit soit projeté sur l’ensemble de la plante sans oublier les pampres où viennent se loger les cicadelles. “ Les viticulteurs doivent être équipés de pulvérisateurs avec des hauteurs de buses réglables ”, insiste Mauro Jermini.
Traitements : les viticulteurs avertis deux semaines à l’avance
Reste le problème posé par le bon positionnement du produit. Pour le résoudre, Mauro Jermini en collaboration avec l’Université de Milan et Lugano, a développé un modèle de prédiction phénologique adaptatif et auto-correctif. “ Nous parvenons ainsi à prévenir les viticulteurs deux semaines à l’avance de la nécessité de traiter ”, explique Mauro Jermini. Le modèle est accessible via une plateforme sur Internet. Les techniciens y enregistrent les relevés d’observations des éclosions. S’ils n’ont rien trouvé, le modèle est capable de leur indiquer quand il faudra se rendre à nouveau dans les vignes. Si des éclosions ont eu lieu, la plateforme calcule les dates de traitement. “ En Toscane, le modèle ne s’est jamais trompé de plus de trois jours. Dans le Tessin, l’erreur observée est de quatre jours maximum. ” Donc bien inférieure à la contrainte posée par la fenêtre d’application du produit.
Récurrence de la maladie malgré les traitements
Cette lutte helvétique est d’une très bonne efficacité. Mais elle soulève une interrogation et pas des moindres. Sur 13 % des surfaces où la maladie s’exprime, le phytoplasme est toujours présent malgré les traitements. “ C’est le drame de la lutte ”, s’inquiète Mauro Jermini.
Des prospections dans le Tessin ont permis d’identifier une autre cicadelle, Orientus ishidae, qui s’est avérée positive à la flavescence. Les recherches tentent de percer le mystère de cet insecte qui n’est pas connu pour vivre dans les vignobles. “ Pour l’instant, impossible de savoir si elle est vectrice du phytoplasme ”, indique Mauro Jermini. Orientus Ishidae a également été identifiée en Italie et testée positivement.
Elisa Angelini, du CRA de Conegliano Veneto, a par ailleurs testé positivement une troisième cicadelle, Dictyophara europea, et démontré sa capacité à transmettre le phytoplasme à la vigne. Des vecteurs non encore identifiés expliqueraient-ils la persistance de la maladie malgré les traitements ? L’avenir le dira. Mais en attendant, Mauro Jermini insiste : “ les viticulteurs européens vont devoir apprendre à vivre avec la maladie. On ne pourra pas l’éradiquer ”. Et de rêver à un modèle qui permettra de déterminer des seuils d’intervention. Il en a déjà une ébauche dans ses tiroirs !