Sulfate, hydroxyde, oxychlorue : pour quelle forme de cuivre opter en viticulture ?
Multiplier ou mélanger les formes de cuivre peut présenter un intérêt. Mais la maîtrise de la pulvérisation reste le principal facteur de réussite.
Multiplier ou mélanger les formes de cuivre peut présenter un intérêt. Mais la maîtrise de la pulvérisation reste le principal facteur de réussite.
Il est difficile de déterminer avec exactitude l’avantage d’une forme de cuivre par rapport à une autre. Sulfate, hydroxyde, oxychlorure ou encore oxyde cuivreux ont des propriétés chimiques distinctes, mais ont-ils des actions différentes ? « Lors de mes essais, je n’ai pas trouvé de disparité en termes de résistance au lessivage », relève Alexandre Davy, ingénieur à l’IFV Bordeaux-Aquitaine. Pour lui, le choix de la forme de cuivre importe peu. « On avait tendance à dire que l’hydroxyde réagissait plus vite, complète Arnaud Furet, conseiller en viticulture biologique à l’Adabio. Mais lors des essais nous ne voyons pas forcément d’écart. » Pourtant, même si les tests scientifiques ne donnent rien, les retours d’observation sur le terrain dégagent certaines tendances. « Lorsque l’on utilise seulement de l’hydroxyde, les feuilles tombent plus tôt à l’automne », illustre le technicien. Aussi, il préconise de multiplier les formes, voire de les mélanger. « On peut par exemple privilégier l’hydroxyde à la floraison et après de fortes précipitations, suggère-t-il. Et finir la saison avec des sulfates. Un vigneron que je suis ajoute systématiquement un peu d’oxyde cuivreux lors de ses traitements. Il est difficile d’attribuer son succès à ça, mais force est de constater qu’en 2016 il s’en est bien sorti. »
Mélanger les formes pour optimiser les bénéfices
Sylvie Dulenc, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Hérault, observe aussi quelques différences dans la pratique. « Dans la logique, l’oxyde cuivreux assure une libération des ions cuivre très lente, note-t-elle. Et on constate qu’effectivement, les vignes traitées ainsi gardent leur feuillage plus longtemps. » Pour elle aussi, il est pertinent de mélanger différentes formes, comme le font certains viticulteurs. D’ailleurs, des firmes phyto commencent à s’intéresser à la question, et testent des nouvelles formulations combinant les formes hydroxyde et oxychlorure. « L’idée est d’optimiser le bénéfice de ces deux formes, explique Jérôme Rouveure, chef de produit chez Phyteurop. La rapidité d’action de l’hydroxyde et la persistance de l’oxychlorure. » La firme assure obtenir des résultats intéressants avec son produit contenant 272 g/l de chaque, en comparaison avec la bouillie bordelaise. « Mais d’autres facteurs entrent sûrement en compte, comme la micronisation ou la formulation », admet-il.
La qualité d’application prime sur la forme
De son côté, Syngenta continue à tester en France un produit similaire, déjà connu en Europe sous le nom Coprantol. « Il ne montre pas forcément un gain d’efficacité par rapport aux autres formes seules, mais c’est celui qui se comporte le mieux lorsque l’on baisse les doses, remarque Jean-Baptiste Drouillard, expert technique vigne et arbo chez Syngenta. Et nous avons constaté également un effet sur le black-rot. » Pour Sylvie Dulenc, jouer sur la forme et la formulation peut être une voie intéressante pour arriver à réduire les doses de cuivre.
Quoi qu’il en soit, les conseillers sont unanimes : ce qui prime, ce n’est pas la forme mais la qualité d’application d’un cuivre. « Des bouillies bordelaises bien positionnées, ça marche bien et c’est moins cher », observe Arnaud Furet. « Je recommande les mélanges seulement aux vignerons pointus, qui maîtrisent déjà parfaitement la pulvérisation, ajoute Sylvie Dulenc. C’est vraiment pour les perfectionnistes. » Ce que confirme Alexandre Davy : « de mon point de vue, il est plus pertinent de réfléchir à la date de traitement, à la dose et au réglage de l’appareil qu’à la forme ».
L’évaluation du cuivre toujours en cours
Dans le cadre de la réaprobation du cuivre en Europe, l’Anses, rapporteur pour l’UE, poursuit son travail de synthèse afin de formuler un avis. « L’évaluation de la substance est bien avancée », informe Jacques Grosman de la DGAL. A priori, elle sera maintenue, mais l’agence considère qu’il y a un risque au-delà des 4 kg de métal par hectare et par an. Du côté français, les professionnels devraient batailler pour essayer de rester à 6 kg, et surtout de garder la possibilité de lisser la dose sur plusieurs années.