la minute droit
Distillation de crise : veillez à bien respecter les règles !
La campagne de distillation de crise a été lancée en juin 2023. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés tirent les enseignements de la précédente campagne de 2020 afin d'éviter des pertes d'aides en 2023.
La campagne de distillation de crise a été lancée en juin 2023. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés tirent les enseignements de la précédente campagne de 2020 afin d'éviter des pertes d'aides en 2023.
Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés
Quel est le cadre juridique de la distillation de crise ?
Les aides de distillation de crise, et plus généralement l’ensemble des aides européennes à la viticulture, sont versées par FranceAgriMer, à qui il revient également de préciser les conditions et les modalités d’attribution desdites aides.
En pratique, ces modalités sont prévues dans des décisions prises par le directeur général de FranceAgriMer et publiées au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture. Elles sont aussi accessibles sur le site internet de l’établissement. Ces décisions revêtent une forte valeur contraignante pour les opérateurs. Ils doivent s’y conformer strictement pour percevoir les aides et ne pas avoir à les rembourser le cas échéant.
Quels sont les points de vigilance à intégrer ?
Les opérateurs doivent, comme pour toute demande d’aide, être très rigoureux sur les documents demandés par FranceAgriMer et les fournir tous, à l’aide des formulaires accessibles sur le site de l’établissement.
Il est important également de savoir que les décisions du directeur général de FranceAgriMer peuvent être modifiées à tout moment, et cela est quasi systématiquement le cas. Les opérateurs ont donc intérêt à vérifier régulièrement les modifications apportées aux conditions d’attribution des aides. Par exemple, dans le cadre de la distillation de crise de 2020, la décision initiale du directeur général de FranceAgriMer a été modifiée à plusieurs reprises notamment pour rendre les négociants éligibles à l’aide ou encore pour changer des délais, puis pour informer ensuite les opérateurs de la possibilité d’une enveloppe budgétaire supplémentaire et leur imposer de conserver les hectolitres supérieurs au seuil de notification précédemment reçu. Et enfin, pour plafonner le montant de l’aide versée, comme cela a été le cas pour les négociants dans le cadre de l’enveloppe complémentaire.
Comment sont organisés les contrôles ?
Après la livraison des vins à la distillerie et la perception de l’aide, FranceAgriMer peut diligenter des contrôles a posteriori, soit directement, soit par les Douanes. Ces contrôles ont pour objet de vérifier que les conditions d’éligibilité de l’aide étaient bien remplies.
Quelles sont les sanctions ?
Il peut résulter du contrôle une obligation pour l’opérateur de rembourser toute ou partie de l’aide si les conditions d’éligibilité n’étaient pas remplies. De plus, l’opérateur se voit systématiquement appliquer une pénalité de 20 % venant majorer l’aide à rembourser pour sanctionner la fourniture d’informations erronées dans le cadre de la demande d’aide.
L’opérateur incriminé peut-il contester la décision de FranceAgriMer ?
Pour se défendre, et tenter de lutter contre l’insuffisance de sécurité juridique (puisque FranceAgriMer a la possibilité de modifier la règle du jeu tant que l’aide n’a pas été versée), l’opérateur a la possibilité de contester la décision de refus ou de remboursement de l’aide. Il peut introduire un recours contentieux devant le Tribunal administratif dans les deux mois de la réception de la décision de refus ou de demande de remboursement.
Au préalable, il est possible de faire un recours gracieux ou hiérarchique auprès de FranceAgriMer, mais l’établissement n’entend visiblement plus régler les dossiers amiablement, comme cela était le cas auparavant.
Quel autre levier peut-on actionner ?
Face à la sévérité de FranceAgriMer dans l’instruction des demandes d’aide, un droit à l’erreur a été prévu dans le cadre de la nouvelle PAC 2023-2027 permettant à l’opérateur, en cas d’erreur matérielle dans sa demande commise de bonne foi, de ne pas être privé de l’aide.
« Il est important aussi de savoir que les décisions du directeur général de FranceAgriMer peuvent être modifiées à tout moment »
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