Des levures de voile sélectionnées pour « le jaune »
Le Jura renouvelle sa gamme de levures sélectionnées pour l’élevage de son vin jaune sous voile. Trois souches sont à l’essai.
Le Jura renouvelle sa gamme de levures sélectionnées pour l’élevage de son vin jaune sous voile. Trois souches sont à l’essai.
L’IFV de Beaune teste actuellement en cave trois nouvelles souches de Saccharomyces cerevisiae sélectionnées, non pas pour leur intérêt fermentaire, mais pour leur capacité à former un voile de levures capable d’élever le savagnin du Jura en vin jaune. Une initiative du Comité interprofessionnel des vins du Jura pour mieux maîtriser les prises de voile, les seules souches disponibles provenant d’une sélection datant de près de trente ans.
Après s’être constitué une collection d’une centaine de souches par des prélèvements sur des voiles existants, l’IFV a effectué des tests de sélection en laboratoire, basés sur trois critères essentiels, détaille Vincent Gerbaux de l’IFV de Beaune : « d’abord la capacité d’implantation rapide des souches pour former un voile, ensuite leur production d’éthanal – l’éthanal étant en partie à l’origine des arômes typiques du jaune – et enfin leur capacité à réduire l’acidité volatile ». Trois souches sont ressorties du lot en laboratoire et ont donc été implantées dans trois caves en juin dernier pour des essais sur du savagnin 2019 entonné en fût.
Des premiers résultats encourageants
Le domaine Rolet à Arbois a souhaité tester ces nouvelles levures. Début octobre, « les premiers résultats sont encourageants, témoigne Jocelyn Broncard, œnologue du domaine. Le voile s’est formé rapidement, en moins d’un mois, pour les trois souches ». Et c’est cet effet starter que recherche avant tout l’œnologue car une implantation rapide permet de protéger le vin. Rappelons que le vin jaune n’est pas ouillé durant son élevage, il est alors en vidange dans les fûts et donc à la merci des bactéries acétiques tant que le voile n’est pas formé, ce qui peut prendre plusieurs mois.
Autre point prometteur : « les teneurs des vins en éthanal ont commencé à monter sans augmentation de la volatile. En dégustation, on note déjà des notes d’évolution vers le goût de jaune dues aux levures, c’est bon signe ».
En test au laboratoire, les trois souches de levure différaient par l’épaisseur du voile et des variations aromatiques, avec plus ou moins d’éthanal ou de notes briochées. Il faudra encore de la patience pour les résultats définitifs en cave car l’élevage sous voile du vin jaune dure ensuite pas moins de cinq ans et demi.
Les modalités d’ensemencement précisées
L’IFV a également travaillé sur les facteurs à respecter pour réussir un ensemencement. Car l’implantation des levures n’est pas gagnée d’avance. Elles doivent en effet se développer dans un milieu qui leur est hostile : un vin sec, à la fois alcoolisé, acide et sulfité après malo. Les savagnins présentent souvent des degrés de 13 à 13,5 % et des pH de 3 à 3,2. Traditionnellement les vins sont entonnés pour démarrer leur élevage sous voile après fermentation malolactique au début de l’été quand les températures remontent. L’IFV a montré que la plage de température la plus appropriée pour l’implantation se situe de 15 à 17 °C. « On conseille également de surveiller les teneurs en SO2 moléculaire, facilement trop élevées dans un vin acide, même avec très peu de SO2 libre », ajoute Vincent Gerbaux. Concernant les doses d’apport, le spécialiste estime contre-productif d’ensemencer trop massivement. « On table sur un apport de 104 cellules par millilitres de vin, au-delà les levures épuisent les nutriments et meurent. Ensuite, le voile ne perdure pas. »
Les levures seront sans doute commercialisées par le laboratoire départemental du Jura, sous forme de crème à ajouter directement à la surface du vin ou après une préadaptation dans un vin dilué, supplémenté en nutriments.