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L’élevage bovin en complément du vin

Vigneron en Côte roannaise, Romain Paire a relancé l’activité familiale d’élevage bovin en devenant aussi producteur de viande. Il s’est appuyé sur le réseau tissé par la vente de ses vins pour la distribuer et en faire une activité de diversification pérenne.

Romain Paire a conservé l'activité d'élevage de ses parents mais lui a donné un nouvel essor.
Romain Paire a conservé l'activité d'élevage de ses parents mais lui a donné un nouvel essor.
© C.Gerbod

Chez les Paire, au Domaine des Pothiers, viticulture et élevage ont toujours coexisté. C’était traditionnel dans cette région. Les coteaux accueillaient la vigne tandis que plus bas, les terrains argileux et humides étaient réservés à l’élevage. Dans les années 70, le père de Romain a gardé l’activité alors que la plupart des domaines l’abandonnaient. « L’élevage a même porté le domaine à cette époque, car les temps étaient alors durs pour la vigne dans la région », raconte Romain Paire. Lorsque Romain a rejoint le domaine familial en 2005, il s’occupait uniquement de la vigne tandis que son père gérait la partie élevage. Mais lorsqu’en 2015 son père a pris sa retraite, la question de la poursuite de l’activité d’élevage s’est posée.

Vendre en direct et se passer d’intermédiaires

« J’ai toujours vu mon grand-père et mon père pratiquer cette activité. Je ne me voyais pas l’abandonner. Elle fait partie de notre terroir auquel je suis attaché. » Mais l’activité était à peine rentable alors que Romain allait devoir embaucher une personne de plus pour l’aider. « Nous avons choisi de relancer l’élevage et d’y mettre de l’énergie. »

À un peu plus de 30 ans, Romain est donc devenu éleveur, lui qui ne regardait les vaches que d’assez loin. Mais il l’a fait à sa façon, comme un prolongement de son approche du vin. Son père élevait les veaux jusqu’à douze mois. Les bêtes étaient ensuite vendues pour engraissement. Lui a décidé d’aller jusqu’au bout et de vendre de la viande en direct, seule façon de rentabiliser l’activité. Aujourd’hui il a presque triplé le chiffre d’affaires généré par l’élevage qui représente environ 10 % de l’activité du domaine.

Une recherche de différenciation pour valoriser le goût

Les bovins sont élevés à l’herbe et au foin, avec un complément de céréales. La famille Paire a opté pour de la Limousine, plutôt que la Charolaise plus courante dans le coin. « La Limousine est plus rustique, plus petite ce qui la rend plus facile à vendre que les grosses carcasses de Charolaises. Elle fait une viande plus grasse, plus persillée », justifie Romain Paire. Les bêtes sont abattues autour de quatre ans contre dix-huit mois dans les élevages standards. Romain a aussi décidé de proposer de la viande maturée trois à six semaines selon les clients. Un point qui lui tenait à cœur en tant qu’amateur de viande.

Approche qualitative auprès des amateurs de viande locaux

L’exploitation assure presque toute l’alimentation du troupeau avec son propre foin et en cultivant du seigle, du triticale et du pois. Seul achat complémentaire, des graines de lin. L’approche qualitative et locale de Romain a rencontré la préoccupation montante de restaurateurs soucieux de relocaliser leurs approvisionnements. À commencer par les Troisgros, la célèbre famille de restaurateurs de Roanne, ville située à 12 kilomètres de Villemontais en région Auvergne-Rhône-Alpes. Déjà clients côté vin, les Troisgros le sont devenus pour la viande, via la boucherie Séon-Vial, une institution roannaise fournissant à la fois la restauration et les particuliers. La maturation, peu pratiquée localement, a aussi été un atout.

L’abattage est réalisé dans un abattoir situé à 20 km de l’exploitation. « C’est un petit abattoir qui n’emploie qu’une dizaine de personnes. Il est spécialisé dans l’abattage pour les bouchers indépendants et les petits producteurs », décrit Romain. Cet abattoir local réalise aussi la découpe, la maturation et le conditionnement. La petite taille permet de s’adapter aux demandes des clients.

 

 
Le domaine s'est appuyé sur son réseau de vente de vin pour commercialiser sa production de viande en direct.
Le domaine s'est appuyé sur son réseau de vente de vin pour commercialiser sa production de viande en direct. © C.Gerbod

 

La vigne et l’élevage sont compatibles et complémentaires

« Grâce au fumier, nous pouvons faire notre compost. Avec notre démarche biodynamique pour les vins, c’est très intéressant », explique Romain. L’exploitation est autonome en fumier pour les céréales, les prairies et les vignes. Une complémentarité plus surprenante est relevée par Romain. « Le marc des blancs sert à nourrir les bêtes. » Même si ce n’est que quelques jours dans l’année, cette idée de la vigne « qui rend à l’élevage » plaît bien à Romain.

Le choix d’un élevage extensif limite le temps absorbé par l’activité. « Les vaches sont dehors les trois quarts de l’année. » Seules périodes compliquées selon Romain, « le mois de juin, qui est à la fois le moment de faire les foins alors qu’on est à fond dans les vignes et en août, surtout en cas de sécheresse, où il faut surveiller de près l’alimentation et la compléter ». L’hiver, les bêtes demandent plus de temps quand elles sont rentrées, « mais c’est justement le moment où l’on est moins dans les vignes ».

« Éleveur est un métier qui ne s’improvise pas, prévient toutefois Romain. Il faut être là tous les jours et avoir l’œil. Nous sommes plusieurs sur le domaine donc on le gère. » Bien choisir les bêtes et les acheter au bon prix est aussi un métier qui s’apprend. Tout comme les vendre. « La réputation des acheteurs de bestiaux n’est pas une légende », plaisante-t-il. Il se fait aider par un professionnel aguerri.

S’appuyer sur le réseau commercial du vin

Le Domaine des Pothiers s’est d’abord tourné vers le réseau construit par la vente de ses vins. D’autant que les vins du domaine, principalement rouges, sont des alliés idéaux pour sa viande de bœuf. Il a développé son activité localement mais aussi sur Paris où il livre notamment deux bouchers et un groupe de bistrots haut de gamme. Même si le vin reste de loin son métier principal, il continue à investir sur l’élevage. Il a repris 25 ha de prairies pour agrandir la surface de pâturage et pouvoir atteindre 35 bêtes abattues par an. « Maintenant j’ai une demande en restauration », se félicite-t-il. Il projette la construction d’un nouveau bâtiment pour abriter les bêtes l’hiver et stocker le foin. Toujours dans une démarche de qualité et de différenciation, il est en réflexion pour élever de la Bazadaise, une autre race rustique réputée pour le grain fin et la saveur de sa viande.

« Nous avons choisi de relancer l’élevage et d’y mettre de l’énergie »

Plus d’informations sur www.domaine-des-pothiers.com

Le domaine des Pothiers fait aussi un gîte rural

 

Repères

Le Domaine des Pothiers

Localisation département de la Loire

Appellations AOP côte roannaise et IGP urfé

Gamme une douzaine de vins

Surface 21 ha de vignes, 60 ha pour l’élevage (pâturage et champs)

Mode de culture bio et biodynamie

Production de vin autour de 150 000 bouteilles (dont 200 hl en achat de raisin)

Production élevage 25 à 30 bêtes par an

Taille du troupeau 50 à 60 bêtes

Salariés sur l’exploitation 6 à plein temps + saisonniers

Poste consacré à l’élevage équivalent ¾ de temps (élevage et commercial)

Poids de l’élevage dans le chiffre d’affaires 10 %

Prix de vente : 15 à 16 €/kg en colis (particuliers), autour de 7,50 €/kg (poids carcasse) pour les professionnels

Bien réfléchir à la commercialisation

Le réseau créé autour de ses vins dans la gastronomie a beaucoup aidé pour lancer la commercialisation de sa viande. Mais au départ, le domaine a misé "à fond" sur le réseau des épiceries fines, très développées à Paris, et preneuses de ce genre de produit en direct de l’éleveur. La logistique s’est avérée trop compliquée, tous les morceaux ne s’écoulant pas aussi bien. Il s’est donc réorienté sur les boucheries qualitatives et la restauration pour vendre régulièrement et en plus gros volumes. Il développe peu la vente directe aux consommateurs, trop chronophage, sauf s’il y a des regroupements. Il travaille par exemple avec deux cavistes qui font des groupages de colis pour leurs clients à Paris et en région parisienne. Miser sur le système traditionnel et les grandes surfaces ne serait pas viable économiquement.

 

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