Des batteries en pleine évolution
Plomb, lithium-ion, lithium fer phosphate, nickel métal hydrure… Les technologies de batterie (ou accumulateurs) se multiplient.
Plomb, lithium-ion, lithium fer phosphate, nickel métal hydrure… Les technologies de batterie (ou accumulateurs) se multiplient.
L’utilisation de l’énergie électrique sans fil n’est pas nouvelle dans le monde viticole. Les chariots élévateurs électriques circulent dans les caves depuis des décennies et le premier sécateur électrique fête cette année ses 35 ans. Cependant, entre ces deux utilisations, les exigences sur les propriétés des batteries ne sont pas du tout les mêmes. Voltage, autonomie, nombre de cycles, densité énergétique, prix… sont autant de critères qui interviennent dans le choix des constructeurs vers telle ou telle technologie. Les batteries électriques acides au plomb sont aujourd’hui reconnues pour leur fiabilité, leur faible coût et la forte intensité de courant de crête qu’elles peuvent fournir. En revanche, elles sont sensibles aux surcharges, aux charges partielles, aux décharges profondes et au froid. Elles doivent être stockées chargées et proposent une faible densité énergétique (puissance fournie par unité de masse) : comptez entre 30 et 50 Wh/kg. Ces batteries proposent une courbe de décharge moins plane que d’autres technologies comme le lithium-ion (Li-ion), le nickel-hydrure-métallique (Ni-MH) ou le nickel cadmium (Ni-Cd). Cette dernière était notamment employée sur les premières générations de batteries des sécateurs électriques. Au début des années 2000, elle a été supplantée par les batteries Li-ion et Ni-MH, dont les densités énergétiques sont plus importantes. En outre, les batteries NiCd emploient du cadmium, un composé hautement toxique pour l’homme. Et pour conserver leur autonomie et leur longévité, il est nécessaire de les décharger complètement avant de les charger, à défaut de quoi l’autonomie diminue : c’est ce que l’on appelle l’effet mémoire. Les batteries Ni-MH présentent également ce défaut de l’effet mémoire, ce qui explique qu’elles soient de moins en moins utilisées sur des outils électroportatifs. Elles comportent en outre un métal, le lanthane, coûteux et inscrit dans la liste des terres rares.
Le lithium, élément incontournable des batteries d’aujourd’hui
Les batteries au lithium se distinguent par un effet mémoire réduit. Cette famille d’accumulateurs cache des technologies bien différentes. Largement utilisées sur les ordinateurs et téléphones portables, les batteries lithium-ion (cette dénomination décrit plusieurs technologies) se distinguent pour leur densité énergétique pouvant atteindre 200 Wh/kg. C’est pour cette raison qu’elles sont très plébiscitées sur les sécateurs électriques et autres outils électroportatifs. Elles offrent une bonne durée de vie en acceptant un nombre de cycles bien plus élevé que les technologies acide-plomb. "Une batterie au plomb accepte jusqu’à 1 200 cycles", explique Lucas Toussaint, chef produits énergies chez Jungheinrich. Ce constructeur de chariots élévateurs figure parmi les pionniers des engins de manutention animés par des batteries Li-ion. "Pour un accumulateur au lithium-ion, nous annonçons 3 000 cycles, poursuit le chef produits. Sachant qu’en tests en laboratoire, nous dépassons les 7 000 cycles." Pour Lucas Toussaint, il est d’ailleurs presque inapproprié de parler de nombre de cycles pour ces nouvelles technologies : " L’utilisation d’une batterie au lithium est complètement différente d’une batterie au plomb. Pour leur utilisation optimale, il est préférable de vider complètement une batterie au plomb, ce qui signifie des cycles complets." Dans une cave, le moment optimal pour recharger la batterie peut intervenir en plein pic d’activité. Vu le temps de charge (8 à 12 heures), une opération de manutention peut alors être nécessaire pour changer de batterie. Avec une batterie au lithium, le temps de charge complet est réduit à 1 h 20 et on peut faire des charges partielles, par exemple pendant une pause : c’est ce que l’on appelle le biberonnage. De ce fait, les cycles complets se font plus rares.
Des batteries moins lourdes pour une consommation plus réduite
Plus denses, donc plus légers pour une même autonomie, les accumulateurs au lithium sont jouxtés de lests pour conserver le même équilibre sur les chariots élévateurs pouvant recevoir les deux types de batterie. Mais les dernières générations de chariots élévateurs, exclusivement au lithium, ont été repensées et les différents composants déplacés, pour conserver les mêmes performances de levage avec un appareil plus léger. Et qui dit poids mort réduit, dit également consommation électrique.
Cette dernière est aussi réduite grâce à sa courbe de décharge plane. "Le voltage délivré par une batterie au plomb diminue sensiblement au fur et à mesure de sa décharge. À la fin, les différents composants, électriques surconsomment l’électricité, explique Lucas Toussaint. La régularité de la tension délivrée par une batterie lithium évite cette surconsommation."
Le chef produit ajoute un dernier point défavorisant les batteries au plomb. "En fin de charge, une petite partie de l’électricité génère une électrolyse de l’eau, avec libération d’hydrogène dans l’air. C’est de l’énergie perdue et cela oblige à compléter régulièrement le niveau d’acide de la batterie avec de l’eau déminéralisée." Au final, Jungheinrich estime à 20 % l’économie d’électricité en passant au lithium. Avec la durée de vie plus élevée, l’absence de maintenance et de manipulation de batterie, cet argument économique compense le surcoût de ces batteries : ce dernier peut être très variable selon les besoins sur l’engin de manutention.
Ajoutons toutefois que les différentes technologies au lithium ne présentent pas toutes la même dangerosité. Les batteries au lithium-ion nécessitent un chargeur adapté, car elles sont sensibles à la surcharge, à l’issue de laquelle elles peuvent exploser et s’enflammer. Proposant une densité énergétique moindre, les batteries lithium-fer-phosphate, que l’on retrouve majoritairement dans les tracteurs électriques, sont les plus sécuritaires et au pire dégagent de la chaleur.
Et demain ?
La recherche en termes de batterie continue de s’accélérer et constitue un axe stratégique important, à tel point que l’Union européenne, France et Allemagne en tête, prêchent pour la formation d’un "Airbus de la batterie". Parmi les pistes de recherche, la batterie lithium-soufre est annoncée avec une densité énergétique quatre fois supérieure au lithium-ion : elle devrait arriver sur le marché d’ici cinq ans. À plus long terme (10 ans), la batterie lithium-air (qui carbure à l’oxygène) affiche une densité encore supérieure (cinq fois le Li-ion). Moins dense que le Li-ion, la technologie sodium-ion pourrait débarquer d’ici trois à quatre ans. Elle est 30 % moins chère et pourrait servir à stocker l’électricité au pied des éoliennes notamment. L’une des limites de certaines énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, c’est qu’il n’y a pas toujours concordance entre les heures de production et les pics de consommation. Le vent tombe généralement à la tombée du jour, à l’heure où les maisons s’illuminent. Résultat : une partie de l’électricité produite est perdue. Certaines firmes réfléchissent à stocker cette énergie sous forme d’hydrogène, en utilisant l’électricité produite pour électrolyser de l’eau et former du dihydrogène, que l’on pourra par la suite utiliser dans des voitures ou des tracteurs. C’est le concept qu’avait présenté New Holland il y a tout juste dix ans. Le groupe CNH, propriétaire de New Holland, vient d’ailleurs de racheter une entreprise spécialisée dans les poids lourds roulant à l’hydrogène.