Couvrez vos plaies de taille
Une société espagnole vient de lancer un appareil permettant de mécaniser la protection des plaies de taille. Quant à BASF, il prépare le lancement d’un fongicide et d’une machine, également à cet effet.
Une société espagnole vient de lancer un appareil permettant de mécaniser la protection des plaies de taille. Quant à BASF, il prépare le lancement d’un fongicide et d’une machine, également à cet effet.
Ça bouge au niveau des maladies du bois et de la protection des plaies de taille. Si plusieurs produits sont capables de limiter les infections des blessures de taille par des champignons lignicoles (voir encadré), leur application était jusqu’à présent freinée par l’absence de mécanisation de cette opération fastidieuse. C’est désormais chose révolue. Une petite entreprise espagnole, créée par une famille de vignerons, s’est en effet penchée sur la problématique. Filanic, puisque tel est son nom, propose une machine portative brevetée, permettant d’appliquer du Podex, un produit préventif basé sur la création d’une barrière mécanique. « Mais l’appareil est également commercialisé avec une brosse de rechange, conçue pour les produits moins denses », informe Victor Saenz de Urturi, de l’entreprise.
Une couverture de 38 000 plaies de taille/jour
Cette machine à dos est constituée d’une petite cuve, similaire à celle d’un pulvérisateur à dos, mesurant 35 cm de long pour 33 cm de diamètre. Cette cuve, dont Filanic ne souhaite pas dévoiler la composition, débouche sur un tuyau dont l’embout est semblable à un gros pinceau, permettant l’application du produit par l’utilisateur. Avant toute utilisation, le viticulteur pose cette cuve sur son support (le tripode), et la remplit via un embout, en actionnant une tige en métal. Une fois pleine, elle pèse environ 4 kg et se porte en bandoulière, au moyen d’un sac en tissu. Filanic met en avant une progression rapide, de l’ordre de 4 800 plaies/heure, « ce qui correspond à la taille de quatre personnes », met en avant l’entreprise sur son site. La cuve dispose d’une autonomie de 12 000 plaies avec du Podex additionné de cuivre (200 ml pour 1 kg de Podex). Selon Filanic, une seule personne peut donc enduire jusqu’à 38 000 plaies par jour ! Au niveau de l’entretien, l’appareil doit être nettoyé quotidiennement à l’eau, et est livré avec un adaptateur facilitant cette opération.
Pour l’heure, cette machine n’est pas encore commercialisée en France, mais Filanic recherche des distributeurs. Elle vaut 495 euros et se trouve un peu partout en Espagne.
Jesús Vallejo, vigneron dans la Rioja, en est équipé depuis fin 2015. Il en est à sa seconde campagne de taille avec et ne cache pas son enthousiasme. « Je ne lui trouve aucun inconvénient, se réjouit-il. Elle fonctionne parfaitement, le pinceau ne s’abîme pas, les poils ne s’arrachent pas et l’appareil ne tombe pas en panne. » Il l’emploie avec un autre produit que celui recommandé par Filanic. « Mais cela marche tout aussi bien », rapporte-t-il. Il est satisfait de la vitesse de travail ; il estime qu’une personne couvre environ 4 hectares par jour, « en ne badigeonnant que les grosses plaies », précise-t-il. Pour ce qui est de l’autonomie, Jésus Vallejo indique qu’il faut charger quatre fois la machine par jour, ce qui lui convient bien. Par ailleurs, il note que le nettoyage quotidien tant de la bonbonne que de l’embout, « ne prend que dix minutes ».
Homologation d’un nouveau fongicide d’ici un à deux ans
De son côté, le nouveau fongicide de BASF devrait permettre d’améliorer la protection des vignes, de leur plantation à leur 8-10 ans. Ce produit, dont l’homologation est attendue pour 2019 ou 2020, crée une barrière à la fois chimique et physique sur les plaies de taille. Il est constitué de pyraclostrobine et de boscalid, et bénéficie également « d’une formulation innovante grâce à l’ajout d’un polymère formant une barrière physique sur les plaies de taille », peut-on lire sur le site de la firme. Ce produit préventif vise à combattre l’installation tant de l’esca que de l’eutypiose, en ciblant quatre champignons (Eutypa lata, Botryosphaeria, Phaeoacremonium aleophilium, Phaeomoniella chlamydospora), avec une efficacité globale de 70 %. Il devra être appliqué au plus tard une semaine après la taille, et aura une rémanence d’un an. A priori, les conditions météorologiques autour de l’application n’auraient que peu d’impact. « Nous avons encore assez peu de recul, explique Pierre-Antoine Lardier, responsable du pôle cultures spéciales chez BASF, mais il semblerait que le produit sèche vite. C’est une formulation épaisse, il est très visqueux, ce qui fait que même si de la pluie tombe dessus, il ne part pas. » Ce lancement fait suite à 12 ans de recherche sur le sujet, avec une quinzaine de chercheurs spécialistes des maladies du bois.
Durant ce laps de temps, BASF s’est également penché sur l’application du produit. « Nous nous sommes associés avec un spécialiste de la pulvérisation, Mesto, et avec Felco, indique Pierre-Antoine Lardier. Car dans un premier temps, nous voulions pouvoir ajouter une buse de pulvérisation sur les sécateurs, mais cela n’a pas fonctionné. » Les trois entreprises ont alors changé leur fusil d’épaule et sont parties sur le développement d’un pulvérisateur à dos muni d’un pistolet, d’un poids global d’environ 7 kg à plein pour la version 5 litres. Une version 1 litre sera également au catalogue. L’appareil inclut une petite pompe, ainsi qu’un compresseur alimenté par une batterie en lithium-ion. Il sera réglable, ce qui permettra de faire varier les doses de pulvérisation de 0,1 à 0,3 ml/coup de gâchette. « L’applicateur pourra ainsi affiner la quantité de produit en fonction de la taille des plaies, poursuit Pierre-Antoine Lardier. Mais cela restera un travail pénible, surtout lors des années de formation de la vigne. Nous préconiserons sûrement l’usage d’un siège de taille. » Au niveau de la vitesse de progression, la firme ne dispose pas encore d’abaques, le nombre de ceps et de points de coupe variant au gré des régions et des cépages. L’appareil devrait être disponible dans sa version définitive au premier semestre 2018, pour une campagne de tests. Mais pour Pascal Lecomte, ce produit étant appliqué par pulvérisation, son efficacité n’atteindra pas celle du Phytopast.
Divers produits homologués en France
Les produits actuellement disponibles et homologués pour la couverture des plaies de taille sont de trois types.
En biocontrôle, deux formulations à base de Trichoderma atroviride sont commercialisées. La première est composée de la souche I-1237 : c’est l’Esquive WP d’Agrauxine/Bayer CropScience ; tandis que le Vintec de Belchim inclut la souche SC1. Pour Pascal Lecomte, de l’Inra de Bordeaux, ces formulations biologiques à base de champignons antagonistes sont les meilleures parmi celles disponibles. « On peut atteindre un certain niveau de contrôle des colonisations par les champignons des maladies du bois, expose-t-il, mais il ne faut pas en attendre des miracles, comme pour tous les produits qui s’appliquent par pulvérisation. »
De son côté, le Phytopast V de Protecta est un fongicide qui se présente sous forme de mastic, à base de cyproconazole et thiophanate-méthyl. Selon Pascal Lecomte, il s’agit du produit le plus efficace, mais il doit être appliqué par badigeon, une opération chronophage. « Il crée une double barrière, à la fois physique et chimique, qui dure plusieurs mois, résume-t-il. Son usage est particulièrement recommandé en recépage. »
Des huiles végétales et résines, à l’instar du Lacbalsam de Frunol Delicia/Compo Expert, sont également utilisables, tout comme les « produits de protection comme la fleur de chaux, les goudrons de pin, le polyol de polyéther, l’huile végétale + résines et le cuivre de l’oxychlorure de cuivre », indique le site de l’IFV.
Selon des essais de l’IFV menés en 2010 et 2011, le goudron de pin donnerait de bons résultats contre l’eutypiose. Mais Pascal Lecomte est beaucoup plus mitigé : « il faut se méfier du goudron, prévient-il. Il y a une importante différence d’efficacité d’un produit à l’autre. Certains marchent, mais ce n’était pas le cas de ceux que j’ai testés. » De leur côté, les lasures ou les produits constitués d’huiles végétales et de résines « présentent des efficacités beaucoup plus faibles, voire nulles », poursuit l’IFV. Un constat partagé par Pascal Lecomte.