la minute vin
Coopérative viticole : un engagement très encadré
Adhérer à une société coopérative viticole implique d’accepter des règles spécifiques. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés nous rappellent les enjeux juridiques de cet engagement.
Adhérer à une société coopérative viticole implique d’accepter des règles spécifiques. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés nous rappellent les enjeux juridiques de cet engagement.
Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés
Quelles sont les particularités de l’engagement coopératif ?
Les sociétés coopératives agricoles sont soumises à des règles spécifiques que l’on retrouve dans leurs statuts, qui doivent être conformes aux statuts types, approuvés par arrêtés ministériels.
Tout viticulteur qui adhère à une coopérative se trouve ainsi lié à celle-ci à un double titre : il est à la fois associé et fournisseur de la coopérative, ce qui explique qu’il soit dénommé « associé coopérateur ».
Comment se traduit le lien entre le coopérateur et la coopérative ?
L’adhésion entraîne l’obligation pour le viticulteur d’apporter la totalité des produits de son exploitation ou des parcelles engagées pour une durée déterminée, généralement comprise entre cinq et quinze ans, qui se renouvelle ensuite par tacite reconduction pour des périodes de cinq ans.
Pour concrétiser son engagement, le viticulteur est tenu de souscrire un nombre de parts sociales correspondant à son engagement d’apports. La détention de parts sociales est fondamentale, car elle établit la qualité d’associé coopérateur.
De son côté, la coopérative doit donner au viticulteur, lors de son adhésion, une information sur les valeurs, les principes, ainsi que sur le fonctionnement de la coopérative. Également, lors de l’adhésion et à l’issue de chaque assemblée générale, la coopérative doit mettre à la disposition de l’adhérent un document récapitulatif de son engagement (capital souscrit, durée d’engagement, modalités de détermination et paiement des récoltes, date d’échéance de l’engagement et modalités de retrait…).
Qu’est-ce qu’implique un non-respect des engagements de la part du coopérateur ?
Étant engagé pour une durée déterminée, l’associé coopérateur doit respecter son engagement d’apport statutaire jusqu’à son terme. À défaut, il s’expose à des sanctions prévues par les statuts consistant en une indemnisation pour les frais fixes restant à la charge des associés coopérateurs du fait des quantités de raisins non apportées et en une pénalité correspondant à un pourcentage de la valeur des quantités non livrées. Ces sanctions peuvent être multipliées par le nombre d’exercices au cours desquels l’associé coopérateur aura manqué à ses engagements.
L’associé coopérateur ne peut donc se retirer de la coopérative qu’au terme de son engagement en respectant un préavis, et non quand bon lui semble. La coopérative peut exceptionnellement accepter un retrait anticipé en cas de force majeure ou de motif valable dûment justifié.
Céder ou donner à bail son exploitation est-il un motif de rupture de l’engagement de l’associé coopérateur ?
Lorsque l’associé coopérateur envisage de céder ou de donner à bail son exploitation, il doit respecter un formalisme précis ayant pour but d’informer le cessionnaire que l’exploitation est engagée dans une coopérative et le mettre en mesure de reprendre l’engagement d’apport.
En pratique, l’associé coopérateur doit proposer le transfert de ses parts sociales au nouvel exploitant et notifier à la coopérative la mutation dans les trois mois de celle-ci. La notification doit s’accompagner de la preuve de la proposition des parts sociales et de la réponse du nouvel exploitant. Si le nouvel exploitant accepte de reprendre les parts sociales et que la coopérative ne s’y oppose pas, celui-ci devient associé coopérateur et poursuit l’engagement d’activité du cédant. Si le nouvel exploitant est déjà adhérent de la coopérative, le fait de reprendre des parts sociales à la suite d’une mutation correspond à un agrandissement de son exploitation et ne modifie donc pas sa durée d’engagement.
Que se passe-t-il en cas de refus de la coopérative ou du nouvel exploitant ?
Si la coopérative refuse l’admission du nouvel exploitant, le cédant est délié de ses engagements et aucune sanction ne peut être prononcée contre lui.
En revanche, si le nouvel exploitant refuse les parts sociales, le cédant ne peut se retirer de la coopérative qu’en cas de motif valable et s’il a l’accord de celle-ci. À défaut, il s’expose aux sanctions statutaires comme en cas de retrait anticipé.
L’associé coopérateur a donc tout intérêt à respecter la procédure en cas de cession ou de mise à bail s’il veut pouvoir transmettre son exploitation sereinement.
Retrouvez les précédents articles de la rubrique La minute droit
« Les AOP et IGP viticoles bénéficient d’une protection juridique importante »
Faut-il déposer le nom de son vin pour le protéger ?
La jurisprudence des CVO viticoles évolue
Étiquettes de vin : des règles spécifiques pour certains cépages
L’usage du mot nature pour l’étiquetage d’un vin s’est-il clarifié ?
Quelle attitude adopter face à une poursuite pour fraude vitivinicole ?